Les sans-papiers n'avaient pas lu le menu…

Anne

Au dernier étage du Centre Georges Pompidou, il y a un restaurant : Le Georges, où des « beautiful serveuses » accueillent des « beautiful clients ». Ce lieu, à la vue panoramique, créé par Jakob et MacFarlane, allie les trois vertus maîtresses des bobos : « luxe, calme et volupté ».

Soudain, une agitation à l’entrée, un brouhaha inhabituel attirent les regards. Des hommes gesticulant, bariolés, hirsutes, font irruption dans ce monde peuplé de mots feutrés.

Une couleur domine : le rouge. Stupeur ou horreur ? Devant les yeux ébahis des convives, des drapeaux s’agitent : la CGT. Et que veulent nos protestataires ? Soutenir les sans-papiers éventuels travaillant pour les frères Costes, détenteurs de l’établissement et qui sont… auvergnats. Cela ne vous rappelle rien ?

– Cela va durer longtemps ce folklore ? Demande mon voisin contrarié. En tête-à-tête avec son amoureuse, le bruit le gêne dans ses déclarations. Peut-on hurler une demande en mariage ?

– On ne sait pas Monsieur. Apparemment, ils ne veulent pas bouger. On en a pour un moment,… Répond un maître d’hôtel stoïque.

La musique d'ambiance n’arrive plus à adoucir les mœurs. Elle est assourdie par les slogans.

Le Centre Pompidou avait annoncé qu’à partir du 21 octobre, il entamait son « Nouveau Festival ». Promesse tenue. On a l’impression d’assister à un happening à l’ancienne, au doux temps du « théâtre-tract », dans les années 70, quand les étudiants pensaient que faire de la lutte sociale un spectacle, permettrait de se mettre à la portée de tous.

– Ils font des opérations comme cela, poursuit le maître d'hôtel. Des genres de commandos dans les restaurants, ils choisissent l’heure du déjeuner, bien entendu… Là, ils sont montés un par un. Ils avaient au préalable acheté un billet pour accéder à l’étage.

– Ils ont payé une entrée au Musée pour entrer ?

– Et ils ont sorti leurs drapeaux après…

– Mais il y a des sans-papiers dans vos cuisines ?

– Bien sûr que non. Vous pensez bien que l’on fait attention. Maintenant, des « faux » papiers, je ne pourrais pas le garantir. Je ne suis pas de la police. Je ne suis pas outillé pour les détecter. On ne sait plus aujourd’hui. Il y a de la confusion partout. Par exemple, sur mon permis de conduire, il y a plein de scotchs, il est tellement raccommodé qu’on dirait un collage.

– Vous pourriez l’exposer dans le musée.

– Presque !

Un sourire renaît. A l'autre bout de la salle, happés par le confort des fauteuils, les manifestants se sont installés, les convives se sont habitués.

Mon plat arrive. C’est une spécialité du lieu qui porte un nom de circonstance : Le Tigre qui pleure. C’était le plat préféré d’Yves Saint Laurent.

Centre Georges Pompidou -  jeudi 22 octobre 2009


  • Je me suis fait presque la même réflexion alors que je venais là, pour déguster quelques cafés aux tarifs prohibitifs après l'expo "Soulages", quand j'ai vu en rentrant: les drapeaux rouges, les casquettes de circonstances, le petit bureau avec force tracts et pétitions...
    Le calme en revanche, était bien réel, tout comme l'absence de service digne de ce nom.

    Merci pour ce témoignage.

    · Il y a presque 14 ans ·
    Creavignettewlw orig

    Guillaume Community Manager

  • L'art-comptant-pour-rien, ne sait plus reconnaitre une performance à sa juste valeur :-))

    · Il y a presque 14 ans ·
    Bengt orig

    vincb

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