L'espace des ruptures

Jean Claude Blanc

Hommage à ces hauts sommets qui toujours me tentent

   L'espace des ruptures 

 

On garde au fond des yeux nos souvenirs d'enfance

Montagnes originelles du pays de naissance

Qui nous ont vu grandir apprendre et puis partir

Je reviens m'y blottir quand rappliquent mes soupirs

 

Les cordillères ourlent tous les confins du monde

L'homme va les gravir par la voie de ses rêves

Le passager des cimes en est tout ébloui

Quand le ciel devant lui soudainement bascule

 

L'harmonie de ces lieux dépasse les mesures

Profane ou bien sacrée dans l'instant la durée

Profils majestueux brodés par les Déesses

Les arêtes dessinent des contre jours dorés

 

Les imposants massifs se dévoilent et s'offrent

Les brillantes montagnes trésors immatériels

Embrasées par les flammes des confins de la nuit

Témoignent dignement de la beauté du monde

 

La paroi s'enrichit de la lumière du jour

Mille feux en distinguent les chatoiements de grâce

Mes propres fulgurances puisent leur antagonisme

Dans la précarité de ces sommets graciles

 chaque pas arraché des congères profondes

régénère le courage, te décerne la victoire

je me hâte en effet de défier mes tempêtes

pour avoir une chance d'échapper au chaos

 

l'impuissance de l'homme à conduire son destin

le pousse à rechercher la chaleur du troupeau

la nuit sous les étoiles, belles images champêtres

pourtant antagonistes aux sinistres ténèbres

 

incroyable ascension qu'on croyait pas possible

que de poser son sac au plus haut de sa gloire

sur la cime enneigée éternelle survivance

fabuleux témoignage d'intemporalité

 

on veut se persuader qu'une fois arrivé

restera une part de nous à décrypter

expériences sensitives, volages, incomprises

écrites dans les livres au rayon des archives

 

l'oeuvre ininterrompue, poursuit l'imaginaire

l'intensité des rêves pousse à la déraison

on a cette prétention de donner à nos actes

une valeur sacré, putain de vanité!

 

je vis dans l'illusion, mes histoires en témoignent

je promène à ma guise, mon esprit vagabond

façon allégorique de faire et de défaire

que peuvent se permettre les lunaires de mon signe

 

braconnier d'infini, j'accapare le temps

l'espace ce fugace oublié des terriens

sur ma tête scintillent la nuit aux boutons d'or

j'irai un de ces jours compléter le décor   

"Le regard se transforme, devient plus universel, élance les lignes                                                                             symbolise les originaux, délie l'imaginaire

avec la volonté constante de célébrer le visage lumineux des Monts.

Le miroir prend le relai de l'oeil pour toujours émerveillé."

Pierre TAIRRAZ (photographe des cimes de Chamonix)

Je veux pérégriner sur ces montagnes altières

Aux arêtes aiguisées, aux aiguilles stylées

Où la vie est figée ne tenant qu'à un fil

La corde de rappel de la main solidaire

 

Faut savoir s'adapter à la précarité

L'inconstance des cimes éprouve les entrailles

Quand l'homme se rapproche des périls glacés

Il doit mettre aux aguets toute sa lucidité

 

Pèlerin de l'extrême on laisse derrière soi

Sa folie au rancard, un regain de fierté

D'avoir dompté l'espace et ses ressentiments

Pour jaillir d'un seul coup sur la voie de ses rêves

 

Espace des ruptures , grandioses "luminances"

Qui confère à l'esprit sa force illimitée

Dans ces moments paisibles, la mémoire apaisée

On fait corps au rocher verticale majesté

 

Au bout de l'adversité accouche la lumière

Les dorures du couchant les profils de braise

Des instants transitoires, sensibles, éphémères

On en implore déjà les prochaines effusions 

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