L'Etoile du deejay

jacques-sullivan

À destination inconnue, parcours incongru.

Il prit son chemin inhabituel et se perdit. Plusieurs heures durant il navigua au travers de rues sombrement éclairées et de ruelles largement étroites. Il ne croisait que peu de gens, seulement quelques vombrissements de foules hagardes qui n'étaient d'aucune aide. Impénétrables et innarrêtables ces vagues humaines semblaient sourdes à tout son. Leur parler revenait à envoyer un boomerang à la mer, sa parole lui revenait détrempée et diminuée, écho abyssale qui le ramenait face à sa perdition.

Il était donc livré à lui même dans cet endroit qu'il ne connaissait pas. Il lui était étranger, et étrangement il s'y sentait familier. Peut être que parce qu'il se sentait étranger partout, il était devenu familier en tout lieu. Familièrement étranger dira-t-on.

Il avait bien un cap mais il ne pouvait l'arrêter. Perdu comme il était, il tournait sans cesse et en perdait la tête. Dans ces villes trop éclairées, difficile de se guider à l'aide de l'étoile du deejay. Le bétail lui faisait confiance et ne se doutait pas de ce qui se passait ; ils le suivaient têtes levées sans se demander où ils allaient. Certains avaient des doutes, mais la brise était douce et la marche était agréable. « Nous arriverons quand nous arriverons » se disaient-ils.

Mais toute chose à forcément une fin, une destination finale ; pas forcément de but mais bien une finalité. Et c’est quand elle n’est pas prévue qu’elle est la plus belle. Fin abrupte, arrivant comme un nid de poule sous le diamant. Il la sent proche, il sent que bientôt, à un croisement, il reconnaîtra le chemin et il saura. Mais il faut faire attention, la majorité des accidents ont lieu sur terrain connu, proche de chez soi. Ne pas baisser sa garde, rester concentré jusqu’au bout. Ne pas laisser filer le bétail sur une grossière faute d’inattention. Le ramener jusqu’à l’enclos et ne pas oublier de bien le fermer, ne pas en laisser s’échapper.

Voilà, le berger a fini son travail, l’aube se lève, le chant du coq a sonné, il est temps d’aller se coucher. Pas de doute, pour obtenir le meilleur lait et la viande la plus fondante, il faut bien traiter son bétail.

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