Lettre a Corbeille.

stockholmsyndrom

Quelle agréable journée qu'aujourd'hui n'est ce pas. Aujourd'hui, quand j'ai ouvert les yeux, je suis tombé nez a nez avec une agréable surprise : le soleil était enfin revenu. Il avait envahi la totalité de la pièce. C'était enfin le retour du printemps, le retour des beaux jours. Aujourd'hui est un jour fait pour respirer le grand air, fredonner des mélodies, enfin tous ces trucs qu'on fait quand le temps joue sur l'humeur. Aujourd'hui l'humeur est comme le soleil, le soleil, rayonnante. Pourtant, aujourd'hui, quand je suis rentré chez moi, j'ai bien senti que quelque chose n'allait pas, sans trop savoir pourquoi. J'ai pris un café, me suis allumé une clope, le temps de souffler un peu, et je suis resté a la fenêtre, a me faire caresser la peau par les rayons. Je pouvais voir au fond du ciel le soleil orangé fuir petit a petit. Il était beau, la, dans l'immensité, régnant dans le ciel qui abritait ses enfants. Il était beau et pourtant, depuis que j'étais  nez a nez avec lui, qu'il me scrutais et me fuyait, il me filait la nausée. Il planait dans cette piaule une atmosphère anormale. Dans cette piaule, et aussi en moi, sous ma peau, un ressenti me mettant mal a l'aise, me pilonnant la cage thoracique, insoutenable. J'ai tourné en rond, longtemps, sans trop vouloir chercher ce qui n'allait pas parce qu'au fond de moi, inconsciemment, je savais très bien ce que j'avais. J'ai voulu tuer le temps, j'ai allumé la tv. Ils parlaient de ce bon vieux Nicolas et ses histoires d'écoutes téléphoniques, tu sais comme dans les films d'espionnage, sauf que c'est un film d'espionnage a la Française, forcement c'est moins glamour, le mec s'est fait berné par un proche, novice dans le domaine, avec du triste matériel. Toujours la même rengaine depuis 3jours, a croire que ca intéresse les gens ce genre de trucs. Non c'est pas vrai, de tels coups bas, c'est un complot des socialistes, non, impossible, ce sont des gangsters voila tout et blablabla et blablabla on s'en branle de toute façon. J'en ai eu ma claque.  Alors j'ai commencé a taper sur mon clavier. Au fond de moi, si j'écris tout ca aujourd'hui, c'est que quelque part, ce soleil, il m'évoque ton visage. La solitude a laquelle j'avais dis d'aller se faire voir, celle a qui je riais au nez, celle qui ronge l'estomac, qui boxe l'esprit des gens seuls, en face a face, jusqu'à te faire saigner de l'intérieur, celle a laquelle je n'étais plus habitué, elle était revenue pour en découdre. Je ne la ressentais pas jusqu'à aujourd'hui, enfin si, parfois mais c'était surmontable, suffisait de trouver une occupation. Aujourd'hui, elle s'est emmenée avec ces foutus rayons, ceux qui t'ont longtemps caractérisés, et j'ai bien peur de ne pas pouvoir finir le round, carrément. Au delà des fenêtres ouvertes, j'entends les vacarmes de la ville. Ce bruit me rend malade. Tous ces gens au dehors, eux, ils s'en foutent pas mal de tout ca. Ce qu'ils veulent, c'est flâner, se balader, l'esprit vidé, mais surtout pas de me laisser tranquille non, eux, ils veulent juste me provoquer, me montrer qu'ils sont bien, eux. Je sais que tu es la, quelque part dans cette ville et moi, je suis la, a tourner en rond dans cette pièce, en repensant a tout ca, quand toi et moi ouais, toi et moi. Alors j'écris. Peut être que ca va me faire du bien d'écrire, peut être pas. De toute façon je sais que cet état est passager, qu'il s'en ira dès que je passerai le seuil de cette foutue porte pour aller voir les filles bourgeonner aux lueurs du printemps, les jambes nues, pleines de promesses, mais quand je suis seul, c'est bien a toi que je pense. Voila ou j'en suis. Si seulement je savais ou j'en étais. Je crois bien que j'ère sans but dans la vie, je crois bien que c'est ce que je voulais d'ailleurs, enfin je crois, je sais plus, je m'en fous. Ca n'a pas d'importance. Je pense a toi.  Je sais que tu es triste, et je sais que je suis un lâche. Apres tout, c'est bien fait pour ma gueule, moi, le fuyard, de me faire ronger comme ca, et je sais que tu es triste, mais ca, ca changera.

Aujourd'hui, je me sens moins fort. Faut croire que le soleil sait manier le boomerang, et j'ai pris un retour en pleine face, bim ! Je crois qu'il t'aime bien, le soleil. Un rappel a l'ordre que c'est, pour pas que j'oublie le fort taux d'égoïsme qui coule dans mes veines, voila le sadique qu'il est, ton soleil. Quelle ironie hein, moi qui, a trop regarder les gens se bruler les ailes a force de ne pas les faire battre, moi qui sentait des étincelles au bout des miennes, je suis la, la fenêtre ouverte, les promesses et opportunités pleins l'horizon, et j'ai la frousse. Et tu es triste. Et peut être que moi aussi en fait. Mais ca, ca changera. Je t'ai abandonné, peut être ouais et toi, les promesses tu les cherches dans mes traces, nos souvenir, le moindre petit mot de ma part qui te ferais ressurgir la tête hors de l'eau. Moi, je suis trop fier, fier comme un lâche et je me surprends parfois a me réjouir de tout ca, au fond de moi, je m'en réjouis, que tu sois triste, peut être ouais.

 Je reçois un message. D'un numéro pas enregistré dans mon répertoire, le tiens, celui qui se fini par 94, celui que j'avais effacé mais que je connais par cœur, c'est drôle. Ca aussi c'est drôle d'ailleurs, je pense a tout ca, tu le sais pas et tu le sauras jamais parce que cette lettre, elle ne te parviendra jamais, mais je t'écris, et toi, juste a ce moment la, tu penses a moi, et tu m'écris. J'esquisse un sourire et je lis. Dans le message, il est écris que tu as eu vent de ma dernière conquête de samedi dernier. T'as pas employé ces mots non, d'ailleurs t'as remplacé mon prénom par fils de pute, j'ai compté, ya même 6 « fils de pute » dans ton message, et puis toi tu remplace « conquête » par « coup de queue », j'ai toujours aimé ta poésie agressive. Pour tout te dire, enfin non, voila, si j'aurai eu les couilles de t'envoyer cette lettre, t'aurai bien compris que tout ca, ca voulait rien dire. Yavait bien cette fille, celle qui m'a cracher sur les chaussures, elle avait une voix aigue, elle me charcutait l'oreille, une vraie pie, elle s'arrêtait pas. Elle était magnifique, même bourrée. Elle fumait et crachait, sur mes chaussures, je pense qu'elle ne faisait pas exprès, c'est juste qu'on a du mal a viser quand la tête tourne. Elle était brune, un visage d'ange et des yeux profonds, méditerranéens, vivants. Elle était pétillante et super bien foutue putain. Une petite brune sifflant dans mes oreilles. Elle prétendait être Italienne de par sa mère, elle me disait tout un tas de mots en Italien, en prenant l'accent qui va avec, puis elle me faisait répéter. Moi, ca m'amusais, alors je répétais, avec l'accent. Je sais pas vraiment si elle bluffait, si ils existaient vraiment, ces mots la, mais c'est pas très important. Puis elle m'a appris le mot « baiser », je sais plus du tout comment ca se dis, l'essentiel n'était pas la. Elle le prononçait en indiquant ses joues. Je répétais, bon élève, et je l'embrassais. Quand elle a indiqué ses lèvres, je suis resté la, a la regarder. Je n'ai rien pu faire. Je crois qu'elle me rappelait trop toi, je crois qu'a ce moment la, j'ai pensé a toi. J'ai jeté ma clope et je me suis barré. Je la désirais et j'ai rien fait, quelle grosse merde n'est ce pas! Un peu plus tard dans la soirée, quand j'étais vraiment bourré, je me suis rabattu sur une grande jument, elle faisait presque ma taille. Je me souviens plus trop si elle était vraiment belle, je me souviens juste qu'elle était grande, qu'elle n'était pas toi. Je lui ai pris les mains, les ai posés sur mes fesses et je lui ai roulé deux palots bâclés. Ca a duré 20 secondes et puis je me suis extirpé, j'ai attrapé mon verre de vodka-pomme et je l'ai bu cul sec. Elle est restée la, devant moi. « Bah quoi, reste pas plantée la » j'aurai pu lui dire, mais non, je me suis barré, parce qu'elle n'était pas toi.

Je reste la, a bien me demander ce que je peux te répondre et je fini par le faire en t'insultant, en te disant d'aller te faire foutre et de me laisser tranquille une bonne fois pour toute. Ca me parait bien ca.

 

Tu sais, si j'ai fuis, si je t'ai abandonné, c'est parce que j'ai eu peur, j'ai eu peur de ne pas pouvoir t'offrir ce que tu attendais de moi, peur de ne pas être a la hauteur de tes espérances, peur du tordu qui est en moi, peur qu'il te fasse du mal, qu'il t'entraine dans son auto destruction, qu'il te prive de l'avenir que tu mérites, voila la vérité. Si j'ai fuis, c'est parce que j'ai voulu te préserver. Je n'ai rien a offrir, je ne suis que déjà mort, lasse, pourtant la vie est belle, comme un soleil de printemps.

 

A toi, A.

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