Lettre à Lise.

Christophe Hulé

Chère Lise,

J'ai peine à croire que tu aies de la peine.

Je te connais à la fois trop bien et pas du tout.

Parfois ton machiavélisme m'effraie.

Qu'un si joli minois puisse cacher tant de noirceur.

Je sais que tu mens, même quand ce n'est pas nécessaire.

Le mensonge est comme une drogue, il suffit d'une fois.

Me voilà pour un séjour chez mes parents.

Évidemment ils ne comprennent pas que tu ne sois pas venue.

Les reproches ne sont même pas déguisés, tu sais y faire !

Alors l'ambiance est ce qu'elle est.

Mais tu m'as fait comprendre que tu avais besoin de recul.

Combien de fois tu me la faite celle-là.

Et pourquoi c'est toujours moi qui dois partir ?

Je te rappelle que je paie la moitié du loyer.

J'entends d'ici ton argument sur des propos que tu jugerais mesquins.

Je te connais par cœur, je me répète, et pourtant, après toutes ces années, je ne sais rien de toi.

Combien sont-ils ces amants que tu caches ?

J'espère au moins qu'ils sont tout aussi malheureux que moi.

Lise, tu sais très bien que les dés sont pipés.

Comme la plupart des histoires d'amour.

Le bonheur véritable revient à l'être aimé qui peut à tout moment déployer ses ailes.

Celui ou celle qui aime n'a pas d'ailes, enfin il ou elle en avait avant.

Lise je crèverai de te perdre, et ça tu le sais pertinemment.

Serai-je plus malheureux que je le suis maintenant, hélas oui, et à jamais.

Certains disent que cela valait la peine de l'avoir vécu.

Mais ceux-là sont bien vieux, de l'âge où l'on se fout d'avoir perdu ses cheveux ou ses dents. 

Moi je sais que je ferai partie, et pour longtemps, de ces morts vivants qui iront au travail, car il faut bien payer le loyer.

Après quelques vacances seul(e), on finit pas se sentir aussi bien chez soi.

Pas heureux, mais pas malheureux non plus.

On sublime autant que faire se peut.

J'enverrai quelqu'un chercher mes affaires, car te revoir ne serait qu'un supplice.

En attendant de te trouver un autre appartement, je paierai la moitié, mais ne tarde pas trop quand même.

Voilà, je ne laisserai aucune formule de conclusion, car aucune idée ne me vient.

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