Lettre à toi, bébé

clemstonem

Histoire vraie.

Ta mère était fière de son ventre rond, de ce petit bébé qu'elle portait en elle. Nous, nous savions que tu serais un garçon et nous avons pendant de long mois imaginé quel serait ton prénom. Notre famille n'était pas très soudée mais un évènement comme celui-ci  nous a rapprochés. Je me prenais au jeu et pensais à la tête que tu aurais. Aurais-tu des yeux bleus comme moi ou les yeux noisette de ta sœur ? Serais-tu brun ou blond ? Tout était prévu, tu seras né avant noël et tu pourras le fêter avec nous. J'ai pensé à t'offrir une petite peluche que tu pourrais garder près de toi, elle éloignerait les cauchemars et serait ta confidente. Juliette était si excitée d'être ta marraine, du haut de ses 10 ans, elle prenait son rôle très à cœur. Elle a pris bien souvent des nouvelles de toi auprès de ta maman. Je sentais qu'elle était prête pour cette fonction, elle t'attendait avec tant d'impatience.

Tu es né le 13 novembre 2013 à 8h.

Tes parents t'appellent Pierre. Pierre comme mon arrière-grand-père, cet homme si intelligent.

Tu es un beau bébé, des cheveux bruns déjà long, des petits yeux encore gris.

Je ne sais pas vraiment à quel moment on s'est aperçu qu'il y avait un problème. Tu n'as poussé qu'un minuscule cri et puis tu t'es plongé dans une sorte de coma. Enlevé des bras de ta maman, les médecins se sont occupés de toi. Alors a commencé cet interminable attente, personne ne savait ce que tu avais, personne ne comprenait. Tout le monde était si inquiet. Les adultes n'ont rien dit au plus petits de notre famille. Pour les protéger, ils ont fait semblant que tout se passait bien, que tu allais bien.

Les jours se sont succédés et les nouvelles sont arrivées. Je n'ai rien su d'abord, j'ai juste surpris des conversations que je ne devais pas entendre. Tu te portais mal. Pourtant, au fond, moi j'y croyais. Je sais que tout le monde y croyait. Toi le petit dernier, tu t'en sortirais. On sait se battre dans la famille. Mais, ton petit cœur est faible et tes poumons peinent à laisser entrer l'air.

Les mauvaises découvertes s'enchainent, l'effroi et la désolation glacent chacun d'entre nous. Tu seras handicapé mental. Tu seras probablement handicapé moteur. Si tu vis, tu seras handicapé mental et moteur. Tes chances de survie sont minces. Les petits ne le savent toujours pas et Juliette continue inlassablement de parler de toi.

Tu es mort le 28 novembre 2013. Tu es mort le jour de mon anniversaire.

Avec le temps, on ne parlera plus de toi, ce sera un sujet tabou, comme s'il ne s'était rien passé. Ton souvenir, celui de ce petit être qui a à peine vécu deux semaines, hanteras nos mémoires. Je sais que chaque année, je fêterais mon anniversaire le cœur lourd. Ce jour sera à jamais celui de ma naissance et de ta mort.

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