Lettre dans le vide

zaz_

Lettre écrite mi-octobre, à quelqu'un qui ne la lira jamais.

Chère (ou pas) E.,

Ça fait déjà plus de quatre mois. Pourtant, il me suffit de fermer les yeux pour revoir les moindres détails de cet après-midi là. Je vois encore ta jupe blanche, qui volait au vent alors que tu marchais vers l'immeuble au côté de ta soeur. Je ne pouvais pas te voir, d'où j'étais, mais je me souviens du reflet dans une voiture. Noire, la voiture. Je n'ai qu'à baisser les yeux pour me remémorer les traits de ton visage, les larmes qui coulaient sur tes joues... Quand j'y repense, je n'arrive pas à croire que tu aies si bien fait semblant.

J'ai envie de te dire tout ça en face, mais je sais pertinemment que je n'y arriverais pas. Pourquoi tu m'as fait ça, E. ? Tu en avais marre de moi ? Tu m'en voulais encore pour l'histoire des arts ? Tu étais jalouse ? Tu étais amoureuse d'Y ? Tu enviais ma vie, ma personne, cette carcasse en morceau que je trimballe partout où je vais ? Y en a qui disent que c'est moi, cette carcasse, mon corps et mon esprit. J'y crois plus trop, tu sais. Mon esprit, c'était aussi une partie de toi. Quand tu en arraches une partie, d'un coup, ça laisse des séquelles. Forcément.

J'en ai marre, E. J'en ai marre de penser à toi tout le temps, marre que notre relation, auparavant fusionnelle, se limite à quelques coups d'œil volés, à ce que me disent les filles sur toi. Marre de tout le temps me demander ce que j'ai fait pour que tu te retournes contre moi, marre de me demander ce que j'aurai pu faire pour éviter ça.

J'étais prête, tu sais. Prête à ce que notre relation redevienne comme avant, à ce qu'on parle de nouveau tous les soirs sur Whatsaap, à ce qu'on se raconte tout, comme avant. J'étais prête à panser les blessures, prête à tout pour qu'on redevienne proches... Tic et Tac, on nous appelait. Les Jumelles, aussi. On aurait été soeurs que ça aurait été pareil. Je te disais tout. Tous mes problèmes, mes doutes, mes peines. Mes joies, aussi, mes espoirs. Et plus ça va, plus je me rends compte que j'étais la seule à parler. Parler vraiment, je veux dire. Pas juste raconter tel truc incroyable qu'il s'est passé la semaine dernière. À parler, vraiment. À dire ce qu'il se passait dans ma vie et dans ma tête. Toi, tu parlais plus, mais sans jamais rien dire vraiment. Je ne sais pas si il ne se passait rien ou si tu me le cachais. Vers la fin, tu laissais entendre la deuxième option. J'imagine que je ne saurais jamais vraiment. Après tout, tu as tellement menti que même si tu me le disais, je ne suis pas sûre que je pourrais te croire...

Dis, E., pourquoi tu as fait ça ? Je me le demande tous les jours, quand bien même quatre mois se sont écoulés. Je me creuse la tête pour savoir ce que je t'ai fait, j'ai élaboré des théories plus farfelues les unes que les autres. Je ne sais pas si tu liras un jour cette lettre, si tu sauras que c'est moi qui l'ait écrite et qu'elle t'est adressée. Une partie de moi l'espère. L'autre murmure que, de toutes façons, tu n'auras jamais le courage de venir m'en parler. La dernière est morte à l'instant où tu as rouvert la porte, en larmes, mon portable sonnant dans tes mains.

J'étais prête à pardonner, tu sais. Peut-être pas à ce qu'on soit amies, mais à ce qu'on reste en "bons termes". J'étais prête à te dire bonjour dans les couloirs, à te demander comme tu allais et à te répondre que j'allais bien. Je ne voulais pas avoir à ignorer quelqu'un en plus, je ne voulais as rajouter un prénom sur la liste des personnes dont je devais éviter le regard. Et puis, j'ai vu les messages.

Est-ce que tu as conscience de l'ampleur de dégâts ? Tu n'étais pas dans ma tête, tu ne peux pas savoir. Tu ne peux pas avoir vu tout mon monde s'effondrer, les trois dernières années partir en fumée. Le pire, c'est que tu ne t'es pas arrêtée après. Tu as continué de mentir, de nier. Au final, ton "je suis désolée", je l'ai pas entendu. Je l'attends toujours. Je pensais vraiment que tu viendrais, à kippour, je savais déjà ce que j'allais dire. J'attendais. J'attendais. Je passais volontairement près de toi pour te faciliter la tâche. Tu n'es jamais venue.

J'y comprends rien, E. J'étais là, pourtant. Enfin, j'essayais. Quand ta grand-mère est partie, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour te remonter le moral, j'essayais d'être avec toi le plus souvent possible, je t'ai emmenée au cinéma, je t'ai proposé de passer alors que j'étais avec mon frère, qu'il voulait rentrer vite. Tu as refusé, mais si tu avais dit oui, crois-moi, je serais venue. Quand tu es tombée amoureuse de X, j'étais là aussi. Ce que tu me demandais de faire, je le faisais. Tous les messages que tu me disais d'envoyer, je les envoyais. Je n'ai pas pu faire grand chose pour W, mais tu ne m'as jamais rien demandé non plus. Pour ton anniversaire, je me suis décarcassée à faire ce bouquin, toutes mes économies et mon temps sont passées dans ce cahier, ces décorations, cette boîte... Tu m'as dit avoir adoré. Alors pourquoi ?

Je pensais pas que regarder quelqu'un pourrait faire aussi mal. Surtout si la personne en question a l'air de ne rien ressentir. J'ai mal, E. J'ai mal de ce que tu m'as fait, j'ai mal lorsque je tourne la tête pour te raconter quelque chose et me rends compte que tu ne seras plus jamais là. J'ai mal lorsque je te vois rire avec El', lorsque je te vois intègre alors que moi, je suis cassée de partout. J'ai mal, et je hurle dans le vide, parce que, jusqu'à un certain point, la seule personne capable d'entendre mon cri, c'était toi. Et maintenant que tu n'es plus là, je hurle à m'en casser les cordes vocales. Quatre mois à hurler sans arrêt, tu sais ce que ça fait ? Ça fait qu'au bout d'un moment, tu arrêtes, et tu te résignes à vivre dans la douleur, à te guérir par tes propres moyens.

J'espère qu'un jour, j'aurai les réponses à mes questions.

  • C'est juste ... empreint d'une douleur immense. Et c'est beau. Très beau.

    · Il y a plus de 8 ans ·
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    nawel-

    • Merci beaucoup, ça fait plaisir de voir que mes mots touchent suffisamment pour que plusieurs personnes prennent le temps de commenter... Merci !

      · Il y a plus de 8 ans ·
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      zaz_

  • Putain Elsa tu viens de me faire pleurer.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Vava wlw

    ella

    • C'était pas le but, mais je suis contente de voir que ça t'a touchée (surtout que je l'ai publié sur un coup de tête, sans me relire ni rien...).
      (Et tant que j'y suis, je voulais te remercier pour m'avoir écoutée sur cette histoire, merci mille fois <3)

      · Il y a plus de 8 ans ·
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      zaz_

    • Tu sais, les coups de tête permettent aussi d'évacuer l'émotion...
      De rien, t'inquiète, c'est normal ^^ <3

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Vava wlw

      ella

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