L’éveil
louison-ty
Il s'infiltre, chatouille nos pupilles, coquin de voile orange. Tu es l'éclaireur de ces rayons qui vont bientôt, à leur tour, venir se déposer sur notre repos. Le corps est engourdi par la lourdeur des plumes. On est de nouveau enfant. Un fœtus, baignant dans ces tissus familiers. C'est une renaissance où nous ne sommes qu'innocence. L'âme n'est pas encore allumée, séparée du corps par ce brouillard d'inconscience.
Les yeux, ouverts sous les paupières closes, observent la lumière hivernale. Il fait bon dans ce feu moelleux qui nous enveloppe. Nous sommes seuls, et l'on ignore encore s'il y a quelqu'un à nos côtés. Les souvenirs flottent. Une mère, un père, un matin de noël, une matinée paisible auprès de l'être aimé. Un cocon de bonheur et d'apaisement.
On se recroqueville sur nous-mêmes, il faut faire durer le plaisir insaisissable.
Un, les jambes s'étendent, deux, les bras se déploient et les dix soldats s'agitent, trois, le plaisir monte, il explose en un bâillement criant. Les membres entreprennent une danse désarticulée.
On se donne un peu de courage pour lever les cils qui balayent notre rêve. Les images s'envolent et pourtant l'atmosphère reste palpable.
Étrange sentiment de retrouver son corps après avoir vécu avec son âme durant la ballade nocturne.
Elle retrouve peu à peu sa conscience et ses problèmes. On se souvient de qui l'on est, de la décoration de notre chambre, de ces visages accrochés au mur. Mais l'on n'y pense pas encore, nous sommes samedi. Le travail est loin, les obligations, oubliées.
Le café attend dans la cuisine, le pain de la boulangerie cuit pour nos papilles empâtées par la nuit. Les bruits de la rue entrent dans notre havre.
Ils ne violent pas notre intimité, nous les avons invités pour notre retour dans le monde. Les klaxons au feu rouge, les passants qui s'arrêtent devant la charcuterie et les enfants qui jouent dans la rue. Il est alors plus agréable de rester sous notre tente. On refuse encore un peu plus, on repousse l'âge adulte et les pieds s'entortillent dans les draps. L'odeur de notre corps nous sécurise, qu'est-ce qu'on peut s'aimer à cet instant ! On ne se dégoûte pas encore.
Mais l'horloge s'enclenche et l'on commence à accepter notre condition. Nous sommes humains et non rêveurs. Le temps joue avec nous, il nous presse à vivre.
Le réveil se termine sur nos orteils qui ouvrent le bal. A tâtons, ils viennent se poser sur le sol gelé par la nuit. Le corps glisse hors de sa tanière, laisse sa seconde peau de coton pour un peignoir. Les rideaux s'ouvrent, le froid s'infiltre, frissonne notre peau. Le ciel est bleu, c'est un jour de décembre glacial. Le soleil n'est qu'une décoration, une bougie dépourvue de son essence. L'imposteur! Il ne brûle pas !
La radio allumée crie dans nos oreilles que le monde est fou.
On se jette sur le lit, noooooooonnnnnnnnnnnnn !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Il ne fallait pas se réveiller !
un texte moelleux... Très joli.
· Il y a presque 11 ans ·Marion B