L'exploration
Jean Pierre Squillari
Exploration
Il écarta l'arbuste, l'objet du désir était devant lui, une faille dans le rocher qu'il avait découverte par hasard. Rapidement il s'était faufilé ; son gabarit lui avait permis de progresser lentement vers l'inconnu. Il éclaira sa lampe, le boyau se rétrécissait au fur et à mesure qu'il progressait, d'abord courbé puis très rapidement en rampant. A une trentaine de mètres de l'entrée, le cheminement horizontal s'arrêtait. Il avait failli être englouti dans une cavité verticale en forme de puits. Il avait jeté deux ou trois cailloux dans ce trou, le bruit de leur chute se perdait dans les entrailles de la terre. Son excitation était à son comble lorsqu'il dirigea le faisceau de lumière dans la cavité. Il s'aperçut que le puits ne descendait pas verticalement, il avait une inclinaison assez marquée qui l'empêchait de se faire une idée de la profondeur, de l'accessibilité et dans quel guêpier il allait se fourrer. Il imagina Marcel Ravidat découvrant la grotte de Lascaux, qui comme lui, avait remarqué une cavité derrière un arbuste déraciné. Il s'était équipé en parfait spéléologue avec casque, baudrier, plusieurs cordes, combinaison, mousquetons, de quoi pouvoir progresser dans l'inconnu pour découvrir l'inattendu, l'insolite, le mystérieux désir de savoir; en un mot, satisfaire sa curiosité !
Il fixa solidement un piton dans une minuscule faille sur la paroi, il était conscient que la solidité de cet ancrage était primordiale pour sa sécurité. Il testa la stabilité de l'ouvrage en tendant la corde, il était en équilibre au bord du gouffre, il hésita quelques secondes avant de prendre la décision de se jeter dans le trou noir. Il était seul, aiguisé par l'envie de découvrir autre chose que son quotidien rythmé par les obligations de sa vie professionnelle. Pour lui le jeu en valait la chandelle ; prendre le risque de s'engouffrer dans le néant pour découvrir ce qu'il y avait enfoui, là sous ses pieds.
Il commença en s'enfoncer dans le monde des ténèbres. Le début de sa progression fut relativement facile, soudain, après seulement quelques minutes de descente, il ne sentit plus ses pieds prendre appui sur la paroi. Il était suspendu dans le vide, il sentait son baudrier soudain se resserrer entre les cuisses, la corde était tendue à l'extrême. Il inclina la tête pour éclairer au-dessous de lui puis il fit un 360° afin de se rendre compte de sa situation. Il dut se rendre à l'évidence, il était suspendu au milieu d'une immense salle à une cinquantaine de mètres du fond, une nappe d'eau reflétait sa lumière. Autour de lui, sur les côtés, des renfoncements en forme de niches ornés de stalactites et stalagmites s'enfonçaient dans la paroi. Cela ressemblait à la nef circulaire d'une église avec ses autels sur le pourtour. Il pensa à l'unique fixation qui le maintenait en vie. Il songea à remonter, à revenir avec des camarades, à s'équiper pour entreprendre une véritable exploration, la sagesse exigeait qu'il le fît, mais la curiosité souhaitait qu'il descendit. Il hésita là aussi quelques secondes mais la curiosité l'emportait sur la sagesse. Il reprit la descente en rappel pour poser les pieds dans le lit d'une rivière souterraine, il ouvrit son mousqueton et pu ainsi être libre de ses mouvements. Il avança, se dirigea vers une plateforme; à son grand étonnement, il put lire « Salle des Voûtes année 1936 » Une flèche indiquait la sortie qui aboutissait sur un sentier de grande randonnée. Il se retourna et vit inscrit sur la paroi : « Entrée de la grotte »