L'histoire du soir
Lou
-Sophie, Sophie, tu me racontes une histoire?
La jeune fille s'assit délicatement sur le matelas, caressa la joue de sa petite-soeur qui ouvrait de grands yeux émerveillés, puis sourit. La chambre était plongée dans la pénombre, les poupées, illuminées par la faible lumière de la veilleuse en origami, souriaient diaboliquement. Des jouets parsemaient le sol, et les moteurs des voitures vrombissaient derrière les volets clos. On pouvait entendre le murmure des infos à la télé et les couverts qui s'entrechoquaient en bas. La ville s'endormait doucement, tranquillement.
-D'accord, murmura Sophie après s'être éclaircit la gorge.
Il était une fois, en Chine profonde, là où les cerisiers en fleurs balancent leurs branches au gré du vent, là où les carpes nagent dans l'eau glacé, là où les sentiers en pierre s'étirent jusqu'à l'horizon, deux dragons étaient amis. L'un, d'un magnifique vert émeraude, jouait avec le vent du nord. L'autre, d'un sublime bleu océan, s'amusait avec le vent du sud. Ils veillaient sur la terre. Un souffle de leur part provoquait des ouragans, un soupir, des tempêtes, un battement de cils, une brise agréable. Depuis toujours ils comblaient les habitants et s'entendaient à merveille. Mais un jour, le dragon du vent du nord voulut plus de puissance. Il frappa Tokyo avec une force inimaginable. Les tours se brisèrent, les ponts croulèrent. Devant cet acte inhumain, le dragon du vent du sud essaya de raisonner son ami qui ne voulut rien entendre. Il se mit dans une colère noire et un combat monstrueux débuta. Le ciel s'ouvraient, les éclairs zébraient le ciel, la terre tremblait. Rien ne semblait pouvoir les arrêter. Un jour, le dragon du vent du nord mis a terre son ancien ami et s'appréta à le tuer. Mais une petite fille s'interposa. Elle avait de longs cheveux noirs coiffés en deux tresses qui frappaient son dos avec vigueur, un teint de pêche, deux yeux en virgules, des joues roses comme de la barbe à papa, et une bouche minuscule qui s'ouvrit en grand quand elle commença à parler. Sa voix, aigüe, mielleuse, acidulée et douce à la fois, porta aux oreilles des majestueux dragons ces paroles.
"Vous vous battez pour un bout de terre remplit d'arbre et de fleurs, de ruisseaux et de pierres, de filles et d'hommes. Mais depuis tout temps vous vous aimez, vous entraidez, vous adorez. Pourquoi cela a-t'il changé? Vous êtes censé faire mieux que nous, pauvres humains. La bétise nous accable, voulez vous arriver à notre niveau? La terre ne peut fonctionner sans vous deux. Vous êtes complémentaires. Sans l'un, l'autre dépérit. Ne laissez pas la gloire et la force vous aveugler."
Les deux dragons la regardèrent longtemps, et tout cessa. Ils se prirent dans les bras, pleurant leur erreur. Ils décidèrent de se retirer dans les cieux, vers les nuages, vous veiller sur les habitants. On érigea une immense statue en pierre à leur effigie, où ils se tenaient la main, toujours, même dans l'adversité. Et pendant des millénaires et encore aujourd'hui les deux amis s'entraident pour faire de la vie des jeunes terriens une vie merveilleuse.
Quand Sophie se tut enfin, elle remarqua que sa soeur s'était endormie. Elle soupira en étouffant un rire et quitta la chambre à pas de loup, jetant un regard sur les murs ou des dizaines et des dizaines de dessins de dragons étaient affichés sur les murs gris.
joli :)
· Il y a environ 8 ans ·Neve Rosée