L'hiver de l'amour : dialogue IV
blanche-dubois
Marie brule l'écharpe de son amant qu'elle retrouve dans le placard de sa chambre. Ses pensées sont empreignées d'imaginaire et de réalité. Comme s'il était encore là, présente
Dialogue 4
– L'amant : “Pourquoi as tu fait ça?
– Marie : Tu veux dire pourquoi j'ai brûlé ton écharpe ?
– L'amant : Oui. Tu sais ce qu'elle représentait pour moi. (Un long silence.) Mes années de jeunesse étudiante puis enfin ma vraie vie d'homme. Elle m'a suivi partout. Tu peux pas t'imaginer tout le ressenti vécu en ayant porté cette écharpe. Toutes les émotions...Les toutes premières femmes...Puis toi. Je me souviens du soir où je te l'ai mise autour du cou. Il faisait si froid dans Paris cette fin d'hiver. Je te connaissais depuis peu. Tu te souviens?
– Marie : Oui.
– Lui: Et bien, vois tu, une fois rentré chez moi, j'ai dormi plusieurs nuits avec ton parfum sur cette écharpe jusqu'à ce qu'il disparaisse, supplanté par mon odeur. (Silence.) J'ai toujours contrecarré tes plans. Tu voulais un truc pour m'oublier? Moi, je t'ai donné une chose pour que tu aies encore chaud l'hiver. Si tu étais capable de la porter cela signifiait pour moi que tu étais arrivée à surmonter ton chagrin. Et je voulais que tu y arrives. Oui, de toutes mes forces. Je ne suis pas un pervers narcissique. Je t'ai donné une part de moi. Un pan entier de ma vie. Tu le détruis en le brûlant. Il n'y a pas pire souffrance pour un être vivant que de bruler vif. Je...
– Marie : ...Arrête avec ta bienveillance comme le bon père qui protège son enfant. Et puis ton esprit cartésien. Toujours à chercher le pourquoi? Le comment? Comment cela fonctionne cette petite bête là? Et ta tête chercheuse se heurte à une chose qui est en dehors de ton schéma de pensée. Et donc cela ne va plus. Tu n'as pas trouvé qui j'étais et tu t'es détourné. Je te préfère lorsque tu as trop bu : on dirait que tu es fou. Et la folie te va bien à vrai dire. A jeun, l'amour pour toi est forcément rassurant. Un cocon. Pour d'autres c'est quelquechose de ravageur. Un tsunami...un bûcher. Pour moi cela ressemble à cela et seulement cela. C'est vrai tu n'as jamais admis mon côté extrêmement passionné.
– L'amant : Je ne te comprendrai jamais. Oui. Et je pense que tôt ou tard l'incompréhension vire à l'aversion. J'ai accepté de ne pas pouvoir le faire. Mon esprit est sans doute très limité par rapport au tien. Forcément on se détourne de quelque chose qui nous échappe. Parce que j'ai peur...Voilà. J'ai pris peur. Voilà une vérité parmi tant d'autres. Tu peux l'accepter ? Rhabille toi. Tu vas tomber malade.
– Marie : Tu te soucies de moi maintenant?
– L'amant : Rends moi, l'écharpe !
– Marie : Non ! (elle se précipite sur le lit. Il fait de même. leurs corps atterrissent sur le lit.)
– L'amant : Putain ce que tu peux être gamine!
– Marie : Je te déteste (ils se battent violemment l'écharpe. Elle tire, il tire mais il est plus fort qu'elle alors elle le griffe comme enragée) Tiens prends ça et puis ça!
(Il résiste, attrape mes mains.)
– L'amant : Tu es une vraie furie. Mais tu ne l'auras pas. Tu n'es qu'une sale petite...(Avec son genoux, marie lui donne un grand coup dans les parties génitales. Il hurle et dans sa douleur tombe à terre. Elle est haletante, lui aussi. Ils se regarde comme deux bêtes s'affrontant.) Putain...Comme tu me le rends bien.Tu peux pas savoir comme j'ai pensé à toi, garce...
– Marie :...Et moi aussi, mais je te déteste! (Il s'approche.) Ne t'approche pas ! (Enfin, elle ne sait pas car elle a envie de lui mais elle le déteste également. Il se rapproche encore.)
– L'amant : Tu sais que ce n'est pas mon genre de rendre les coups. Tu es folle. Complètement timbrée. Allez vas y cogne moi pour de bon. J'essuierai les coups si cela peut te soulager. Dis moi toutes les pourritures. Dis moi que je suis un salaud, un connard, une grosse merde, un fumier Etc.
– Marie : Tu exultes maintenant?
– L'amant : Tu es un vrai bloc de glace! Tu ne pardonnes rien! Tu restes immuable dans ton obstination. Tu ne peux pas savoir comme je souffre en retour de cette situation.
– Marie : M'aimes tu encore ?
– L'amant : Je t'aime...(long silence) moins.
– Marie : Alors va t'en. Adieu ! On n'aime pas a moitié...Cela n'existe pas l'amour au rabais“(Elle se tourne vers la fenêtre. Elle a l'écharpe dans les mains et elle est troublée. Elle entend son pas qui s'éloigne. Il est dans le couloir. Silence.)
– L'amant : Tu as un cul toujours aussi mignon.
– Marie : (elle se retourne brutalement.) Tu sais ce qu'il te dit mon cul?
– L'amant : Oui ? Dis moi...
– Marie : (Silence) Il te dit miaoooou !
– L'amant : Ouaf ouaf! Allez viens oublions...tout. Plongeons dans ce lit défait. (Il démet la boucle de sa ceinture et il la regarde.) Oui j'ai changé d'avis. Brulons l'écharpe! Hum? Brulons nos vies! On se fiche de tout. Vraiment, je crois que...(un long silence) Je ne peux pas me passer de toi.
– Marie : Tu as bu ou tu as changé! J'ai l'impression de voir un autre homme. (En même temps il s'allonge et sourit bêtement. Il prend l'écharpe et la jette à terre). Si c'est pour profiter de mon cul, tu peux t'en aller. Je ne suis pas ta putain. Pas moi. Vas voir l'autre! Ce genre de fille vulgaire, inculte que l'on trouve sur les trottoirs de Paris. Pas moi.
– L'amant : Toujours aussi orgueilleuse, sur son piédestal, égoïste et puis toujours aussi misanthrope. Qui refuse de voir la souffrance de l'autre, de voir la complexité de la vie des hommes et des femmes, de voir les compromis auxquels nous sommes confrontés sans le vouloir.
– Marie : Au moins, mon amour pour toi n'était pas intéressé si tu vois ce que je veux dire. Mon Amour.
– L'amant : Oui, mon amour, par rapport à l'autre comme tu dis. Je m'ennuie sans toi mais quel repos en même temps! Ou-f. L'autre est humaine mais toi, tu es disons a-humaine. En dehors de l'humanité. Moi, j'aime l'humanité. Mon Amour.
– Marie : Tu trouves toujours à te justifier. Tu uses et abuses du langage. Tu théorises tes turpitudes pour ne pas affronter le mal que tu causes. A-humaine. Ton vernis cognitif..."A" comme anéantir, oui ! Tu as constamment besoin de ces béquilles mentales et psychiques. Tu adores être entouré de femmes. Tu chasses en pensant qu'elles sont consentantes et prêtes à rester dans leur rôle d'éternelles nunuches. Que des stéréotypes ! Et dès qu'une femme sort du lot elle est a-humaine. Tu justifies sa différence par des théories fumeuses. Non elle est libre ! Et moi je me suis fait bien avoir! Tu veux savoir ce que je ressens ? Et bien j'ai été flouée ! Va t-en !
– L'amant : Ok, tu ne me reverras plus (Elle prend sa pantoufle et la lui balance au visage. Il l'évite de justesse. Il prend l'écharpe.)
– Marie : Disparaît de ma vie !
– L'amant : Adieu. Je me souviendrai toujours de la beauté de ton regard...Toujours.
– Marie : séducteur à deux balles...
(Il quitte la pièce. Elle entend son pas qui s'éloigne. Il est dans le couloir. Il ouvre la porte de l'entrée. Il la ferme doucement. La radio FM du voisin diffuse sa musique sirupeuse).