L'hiver de l'amour : dialogue V

blanche-dubois

Suite de la dérive amoureuse de Marie, qui sombre progressivement.

Silence après le départ. Marie s'allonge sur son lit et se recouvre d'une couverture. Son appartement est un grand désordre : des livres s'amoncèlent à terre, des vêtements, un désordre subversif. Elle s'allonge sur le dos, droite comme un I.

 

 - Marie : "J'aurais tellement voulu rester sa reine. J'aurais voulu qu'il me prenne comme la dernière et unique femme sur terre. La seule encore ici. Toutes les autres femmes évaporées. Moi, je me serais restée tapie dans un bunker. J'aurais échappé à cet étrange disparition. Seule femme sur terre, lui seul m'aurait trouvé. J'aurais été son seul espoir de rester humain. Il m'aurait trouvé naturellement et il serai resté roi. Il aurait sauvé l'espèce ou alors j'aurais été la dernière femme aimée. Nous serions restés dans l'histoire de l'humanité rien que nous deux.

(Une voix d'homme que l'on reconnaît pour être celle de l'amant.)

- L'amant (hors champs) : Il me fallait rompre le charme. Juste cela. Et, tu es une force obscure et obsédante ! Tu attires. Tu fais perdre pied. Tu pulvérises à la minute même. Même si je reste entier, intègre. Même si je suis le roi, mon royaume est si peu devant le tien...ton corps. Te posséder, te conquérir, guerroyer, vaincre et être vaincu pour ça. Et avec quelles séquelles ! Tu as semé la zizanie dans ma demeure : les chevaux sont fous, les guerriers ivres, les armes dépassées, la chambre royale saccagée, les femmes violées, le jardin d'agrément dévasté, le trésor pillé, l'édifice branlant et les toitures prennent feu. Un vrai saccage! Mais je reste roi et je tiens tête. Je suis roi de rien du tout et toi tu règnes en maîtresse absolue.

- Marie : Je t'ai follement aimé. Et, je n'ai qu' à moitié brulé ton écharpe. Ta vieille écharpe rouge écossaise en laine de shetlands achetée à Londres. L'odeur initiale du poil de la bête a supplanté ton parfum. J'ai eu ce besoin de tuer sans vrais dommages corporels. J'aime casser comme le petit enfant. Ce n'est pas bien grave.

Reconstruire. Toujours réinventer. Mais que reconstruire maintenant ? J'ai toujours l'impression de me retrouver face au vide à chaque nouvelle rupture. Le vide c'est terrible. Et là, c'est l'hiver. Je suis dans l'hiver de ma vie et j'aimerais m'endormir pour toujours. Peut être disparaitre totalement et ne plus laisser de place.

J'avais envie de t'appeler il y a quelques heures et de te plaire à nouveau sous le ciel de plomb. Maintenant, je te hais sous le soleil sourd de l'hiver triomphant. Je te hais et je me demande si la lumière n'a pas raison. Alors, la seule chose que je puisse faire, là, c'est à nouveau me coucher en me terrant sous la couette pour oublier.

A suivre...

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