L'hiver de l'amour : dialogue VIII - la soeur

blanche-dubois

C'est le matin, Marie se réveille, son fantasme évanoui. La famille commence à se mêler de ses problèmes : la sœur en premier.

-  Marie : ou suis je ? Oh oui - ce songe. Dimitri. Pourquoi en sortir ? Mais puisqu'il faut en sortir.

Elle regarde par la fenêtre : un ciel obscur envahit et brouille l'atmosphère.


-  Marie : Il va neiger. Pourquoi l'espace semble alors si réduit lorsqu'il neige ?

Le téléphone sonne. Elle décroche sans précipitation.

– Marie : “Allo ?

– La soeur (en voix off): Salut c'est moi. Nous n'avons plus de tes nouvelles depuis très longtemps maintenant. Que t'arrive t-il ? Maman s'inquiète mais comme tu ne veux plus lui parler.

– Marie : Des soucis ma chère, des soucis.

– La soeur : Lesquels donc ?

– Marie : C'est personnel.

– La soeur : C'est ta santé ?

– Marie : Non.

– La soeur : Alors ?

– Marie : Tu ne pourrais pas comprendre. Et puis - Des soucis, tout le monde en a. Même toi je pense !

– La soeur : Oui mais toi plus que les autres. Tu te les crées.

(silence)

– Marie : Oui tu as raison, que pourrais-je ajouter de plus ?

– La soeur : Justement tu ne dis rien. On ne sait jamais ce que tu penses. En tout cas, on est sur que ton cerveau mouline sans arrêt. Que se passe t-il maintenant ? J'imagine que tu broies du noir en ce moment. Hein? Réponds s'il te plait!

– Marie : (silence)

– La soeur : Toujours dans ton mutisme. Vas tu un jour PARLER au lieu de te perdre dans tes pensées. Tu as un véritable problème de COMMUNICATION.

– Marie : Je suis peut être Asperger. Mais j'aspire à devenir immatérielle. J'en ai toujours rêvé. Je pense qu'il n'y a pas plus belle chose au monde.

– La soeur : N'importe quoi, tu délires. Pense à grand-mère. Pense à ce qu'elle t'a dit avant de mourir. Il te faut trouver quelqu'un de bien! Hein? Tu te souviens de ses paroles?”

- Le chœur :

Elle raccroche brutalement. Cet appel l'excède. Cet appel la rappelle à la réalité de l'instant. Brutale. Crade. Moche. Des factures impayées, des loyers en attente, des avis de recommandés qui s'empilent, des coups de fils non répondus, un répondeur saturé, un travail ou elle ne va plus, un employeur qui la répugne, des anti-dépresseurs prescrits non pris, un appartement sale et en désordre, une coupure EDF imminente, une interdiction bancaire, un frigo presque vide, du linge sale partout. Et pour la première fois elle se met à pleurer. Cela monte comme la lave prête à jaillir. Sans aucun contôle. Elle monte, envahit la trachée et secoue le corps. Et enfin elle explose. Les sécrétions nasales et lacrymales inondent son visage, ses mains, ses cheveux, sa robe noire. Tout. Elle se vide en un instant. Comment pouvait elle contenir autant de liquide ? Le visage est comme brulé et bouffi. Irritations. Palpitations. Suffocations. Cela lui prend la gorge et menace de l'étouffer. Va t-elle s'évanouir ?

 Le téléphone sonne a nouveau.
Marie decroche et raccroche aussitôt.
Le téléphone sonne à nouveau.
Elle décroche à nouveau en gardant la ligne. Avec une voix étouffée mais éteinte.

 – Marie : “dis à maman de m'envoyer de l'argent. Je n'ai plus un rond. J'ai besoin de thunes! Tu comprends?”

 Elle raccroche.

- Le choeur :

 De toute façon, elle sait qu'elle sortira de cette torpeur.
Quelque chose ou quelqu'un l'en fera sortir.
Elle ne sait pas quoi où qui.

On ne viendra pas la chercher. il faut juste qu'elle fasse l'effort d'aller vers les autres. Un effort gigantesque, parce qu'elle a perdu toute confiance.

Elle n'ose plus se regarder devant le grand miroir. Si elle osait, elle apercevrait un véritable champs de bataille, des yeux bouffis, une peau rougie, des cheveux défaits.

- Marie au choeur :

Je vais le recevoir le chèque de ma mère qui devrait subvenir à mes besoins matériels pendant disons. Trois semaines. Elle me les doit bien, elle qui n'a jamais assumé son rôle. En allant à la banque, je suis retombée sur la carte de Dimitri. D'origine russe.

A suivre (l'oncle)

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