" l'Homme dans le plafond "

gautier

Une chronique sur une des pièces du 50 ième festival d'Avignon OFF , aujourd'hui " L'Homme dans le plafond" de Timothy Daly


Tirée d'un vrai fait d'histoire, cette intrigue surprenante pourrait se suffire à elle-même. Sauf que nous ne sommes pas dans une librairie mais au théâtre. Ce simple rappel, en Avignon ou ailleurs, fait toute la différence entre ces deux expressions artistiques majeures. Nous comprenons alors par cette pièce, mise en scène par Isabelle Starkier, ce que veut dire écriture scénique et attention du spectateur. Car il ne s'agit pas seulement de raconter et de mettre en vie un texte d'un grand auteur contemporain, Timothy Daly, mais également de trouver d'autres formes de langage utiles à la compréhension et au suivi des personnages.

Cela passe par la musique, les chansons allemandes des années 40-45, par des décors réels ou projetés, par un texte qui défile sur un écran, mais aussi par des chorégraphies courtes et parfois drôles qui suggèrent une action, qu'il sera alors inutile de décrire. Pour coudre entre elles ses expressions multiples afin de réaliser une trame solide, il y a une narratrice, une sorte de “petite main“ de l'accordéon. Elle relie musicalement, vocalement les scènes dont les titres s'affichent sur l'écran en arrière-plan. Un peu comme au music-hall, elle explique, elle commente, réalise en live les voix radiophoniques grésillardes d'un poste à galène, elle interpelle les personnages les poussant dans leur dernier retranchement. Elle est le véritable moteur de la pièce, ses allez retours continuels font le lien entre nous et les excellentes comédiennes et comédiens Christine Beauvallet, Michelle Brûlé, Isabelle Starkier, Daniel Berlioux et Vincent Jaspard.    

Tout est fait pour s'adresser à l'ensemble de nos sens et créer ainsi une perception plus globale de l'histoire. Et si certains aspects symboliques peuvent échapper au simple lecteur, la mise en scène est là pour nous les rappeler et peut-être même pour les développer.

Prenons l'exemple de cet “Homme dans le plafond“ ou plus exactement caché dans le grenier d'un couple antisémite. Un geste d'empathie du gain, qui durera encore quatre mois après la fin de la guerre. Sans fenêtre mais armé d'un télescope, le seul horizon de ce juif persécuté sera celui du ciel et de son immensité. Alors qu'un étage plus bas le couple est enfermé dans les affres de la guerre, ici-bas tout n'est que noirceur des âmes et destruction. Voilà une belle division de l'espace, symbolique et paradoxal à la fois. Celui qui est enfermé est sans doute plus libre dans sa tête que ses geôliers d'après-guerre. Et s'il le cache pour le protéger, c'est lui en vérité qui les met à l'abri de la faim avec ses mains d'or d'horloger réparateur.

Cette pièce est donc aussi celle des inversions de rôles, mais hélas pas des retournements de dernière minutes. La guerre durera jusqu'en 1945 à quelques mois près et fera 6 millions de morts Juifs, sauf un…

Thierry Gautier (copyright SACD Avignon 2015)


  • Bonjour,
    j'étais venue voir Géraldine l'extravernie et je suis tombée sur votre travail et cet horloger aux mains d'or plus libre que ses geôliers ! Votre chronique donne envie de voir la représentation ou de découvrir Timothy Daly.
    Bon vent à Géraldine !

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Loin couleur

    julia-rolin

    • merci à vous pour les commentaires et la correction, vous pouvez écouter cette chronique avec des extraits de la pièce sur https://soundcloud.com/alamarge-net/portrait-off-lhomme-dans-le-plafond-de-timothy-daly
      :)
      thierry

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Thierry ginger

      gautier

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