Licorne, es-tu là ?

sylvia-montes

Une fille, une montagne, une licorne et un sac de bonbons

Justine habite au pied d'une montagne. C'est une montagne très haute, recouverte de sapins noirs, avec un sommet nappé de neige éternelle. Comme un gros cône chocolat vanille.

L'été, Justine s'allonge dans l'herbe verte des prés qui lui chatouille le visage. Elle regarde la montagne qui se détache sur le ciel bleu, pendant que des coccinelles grimpent sur ses jambes. Les coccinelles pensent que Justine est une montagne.

Le papa de Justine dit que, tout en haut, il y a une licorne. Justine demande : à quoi elle ressemble ? Son papa répond : la licorne est un petit cheval blanc. C'est pour ça qu'on ne la voit pas dans la neige. Elle a une corne sur son front, très longue, comme une épée, qui lui sert à tuer les loups. La maman de Justine fait les gros yeux et dit : arrête de raconter des bêtises. Mais Papa fait un clin d'œil à Justine. Alors elle comprend que c'est un secret. 

Justine aimerait bien voir la licorne pour de vrai, la caresser.  Parce que la licorne est gentille, la preuve c'est qu'elle tue les loups. Justine a un peu peur des loups. Maman dit qu'il n'y en a pas dans la montagne, mais Papa dit que si.

Un soir, le papa et la maman de Justine se disputent. Ils crient très fort. Justine est si triste qu'elle n'a qu'une envie : monter voir la licorne et se serrer contre sa fourrure chaude et douce. Alors elle part. Sans faire de bruit, Justine met ses bottes, enfile sa doudoune et elle sort de la maison. Il fait froid. Il fait nuit. La montagne ressemble à un géant chauve accroupi. Une grosse masse noire, avec le dessus plus clair comme un crâne sans cheveux. Justine frissonne. Dans les poches de sa doudoune, elle trouve le paquet de bonbons que Maman lui a acheté. Maman n'a pas voulu qu'elle en mange avant le dîner. Est-ce que la licorne aime les bonbons ?

Justine monte le chemin qui serpente entre les sapins dans la montagne. Elle espère qu'elle ne va pas croiser le loup. Pour se donner du courage, elle mange un bonbon au caramel, puis elle chante : petite licorne, petite licorne, un, deux, trois, boum, le loup est mort… un deux trois boum, le loup est mort. Que c'est haut, le sommet de la montagne ! Elle mange encore un bonbon, rose cette fois, et continue à marcher dans l'air glacé. De sa bouche sort un souffle blanc qui sent la framboise.

Soudain, Justine s'arrête. Devant elle, une forme noire est couchée dans la neige. Le loup ? Le cœur de Justine se met à taper fort, on dirait qu'il veut redescendre tout seul en courant le chemin jusqu'à la maison. Puis un gros bruit éclate, comme le tonnerre. Et une vague blanche se met à descendre, à dégringoler sur le chemin, emportant le loup et tous les cailloux autour. Justine crie. La vague de neige fonce sur elle. Justine tombe. Elle se relève et court vers les sapins. La neige lui gèle le visage et les mains. Elle se recroqueville. Tout d'un coup, elle sent quelque chose de dur sous ses doigts. Elle ferme le poing et s'accroche. S'accroche aussi fort qu'elle peut. Et puis tout s'arrête. Le silence. Suivi de la voix rassurante de Papa : Justine, ça va ? Papa prend Justine dans ses bras. Il la ramène à la maison. Quand ils arrivent, Papa demande : qu'est-ce que tu as dans la main ? Alors Justine regarde ce qu'elle a dans la main. C'est long, pointu, d'un beau noir brillant. Cela ressemble à une corne.

Voilà. La licorne a sauvé Justine. Elle a pris les bonbons et elle lui a laissé sa corne. Car les licornes perdent parfois leur corne. Mais ne vous inquiétez pas : elle repousse toujours.

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