L'ile sur le fleuve

croisic

Je connais un long fleuve rose et gris
qui, inlassablement,
comme un bélier présomptueux

se jette à l'assaut d'un océan.
Le combat inégal le ramène blessé, sali

et chargé de bois mort sur les berges de l'ile sur le fleuve.

Le feu permanent, qui brûle dans la cheminée de pierre
de la vieille maison posée

comme une certitude sur l'île,
ne pourra jamais consumer tout ce bois
ni mater le grand fleuve.

Je suis celle qui nourrit le feu
et scelle pour un instant seulement

un pacte d'amour avec les éléments.


Vasières et roselières se laissent envahir
et déserter
dans de longues plaintes visqueuses.

Sur ma barque à fond plat
je vais chaque jour à la rencontre de l'ile
et j'attends avec elle
que le grand fleuve surgisse
avec la violence de l'océan furieux
ou avec la langueur d'un soir amoureux.
C'est la grande valse nuptiale de la terre et de l'eau
qui depuis des millénaires

se danse aux rythmes des marées
l'infidélité de quelques heures

goulûment rattrapée

en une étreinte sauvage ou tendre.

Les assauts répétés
de cet amant insatiable
se brisent sur mon île
en laissant des présents nacrés

ou sombres selon son humeur.
La maison est la gardienne de ces trésors sans âge,
sans noms souvent, sans destins immédiats.
Seul le bois mort termine son voyage
dans la cheminée de pierre
en sanglotant parfois
selon qu'il arrive du Limousin par la Dordogne
ou de pays plus lointains par l'océan.

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