L'île verte : Chants 1 & 2
Sébastien Bouffault
1 - Un
Tu t'en vas solitaire
Pour mieux t'en retourner
Dans ce pays désert,
Te trouver nez à nez
Avec ta solitude
Car tu vis avec elle.
Bien plus qu'une habitude,
Soumise Demoiselle,
Elle est entrée en Toi,
Te ronge jour et nuit.
Tu l'écoutes et te noies
Dans son si profond puits.
Toutes tes échappées,
Tes rêves de conquêtes
Sont vite rattrapés
Par ce diable qui guette,
Te faisant devenir
Une ombre de toi-même,
Ne cessant de pâlir
Et ton cœur devient blême.
Tu sens perdre ton âme
Happée par la folie,
Et rien devant ce drame
Te raccroche à la vie.
L'amour de tous les tiens
Se dérobe et t'échappe.
Tu te sens comme un chien
Jeté dans une trappe.
Dans le noir de l'orgueil
Qui sournois te dévore,
Des ombres de linceuls
Surviennent dès l'aurore.
Tu te mets à prier
Mais il est déjà tard.
Tu te mets à crier
Mais il fait déjà noir.
Qui pourrait te répondre
Du trou où tu gémis ?
Ils ne cessent de fondre
Tes espoirs engloutis.
Tu pleures à l'injustice,
À ceux qui t'ont fait naître,
Ce fut un préjudice,
Tu finis par l'admettre.
Et pourtant du néant
Où tu crois vivre alors,
Dans ce vide béant
Est un dernier ressort.
2 - Rêves de partir
Tu es triste à mourir.
Toute la société
T'a fait beaucoup souffrir.
Pourtant, enfant gâté,
Tu n'as manqué de rien.
D'où vient donc cette peur,
Ces démons que tu crains ?
Mais dans cette torpeur,
Tu te mets à rêver
De partir un beau jour
Et de tout effacer,
De connaître l'amour
Au détroit d'un chemin
D'être un homme ordinaire .
Oui, d'être un homme enfin.
Certes, très solitaire
Mais aimant bien la vie
Et trouvant maints plaisirs,
Renaître sous la pluie,
Crouler sous les désirs,
Comme une herbe nouvelle
Ou une fleur des champs
Dont le bonheur pour elle
Est d'être à chaque instant.
De cet oiseau de feu
Qui renaît de ses cendres,
Tu deviens très envieux,
Désireux d'entreprendre
Un tout nouveau départ.
Dans cette vie brisée,
À l'abri des regards,
Tu renonces au passé.
Oui, il te faut partir,
Et pour ce grand voyage
Presque tout investir.
Déjà sur ton visage,
Les rides de la joie,
Un peu de volonté
Suffirait bien pour toi,
Épris de liberté.
Partir loin de la ville,
Assécher tes sanglots.
Quelle audace subtile
D'aller vers d'autres flots…
Une dernière chance,
La quête du bonheur.
Au gré de ton errance,
Oublier ton malheur.