Londres

tadamok

A Londres, ce sont les filles qui draguent.

En pleine rue :

« What's your name ?

-         Paul.

-         Hi, Paul ! »

Ou par la porte dérobée d'une baraque à frites, où une jeune fille vient saluer son ami vendeur d'une paire de bises bien rapprochées, allant jusqu'à effleurer la commissure de ses lèvres.

Les filles draguent, donc, et les filles portent des mini-jupes, même en hiver, même par moins dix degrés. La tenue offre certes plus de chances de succès qu'un jogging, mais quand même, faut le faire !

Car non seulement il fait froid, mais en plus l'air est humide et le vent est fort. C'est d'ailleurs souvent à ces derniers détails que l'on sait que l'avion vient de franchir la frontière. On a par la suite la confirmation d'être en terre anglo-saxonne grâce à quelques détails bien connus.

Tout d'abord, on constate que les rues nous parlent. En effet, les conseils de prudence ont pris la place des clous aux passages piétons : « Cessez donc de tourner la tête du mauvais côté et regardez donc à droite, bande de français prétentieux qui croient tout savoir mieux que tout le monde ! ».

Ensuite, les usagers du métro ne font pas la tête. Ils sont sages, polis, muets même, mais ils ne sont pas tristes. C'est sans doute parce qu'il y a très longtemps qu'ils savent qu'ils sont anglais. Ca ne leur est pas tombé dessus un beau jour d'un seul coup. Ils ont eu toute la vie pour se faire à l'idée, tandis que le parisien, ayant été comblé par sa naissance, a eu toute la vie pour imaginer tous les périls qu'il pourrait avoir à redouter, d'où son air triste dans le métro.

Puis vient l'heure de manger, et avec elle déboule le troisième détail, que tout français digne de ce nom s'empressa d'élever au rang de désastre culturel : la nourriture est immangeable. Restauration rapide, sandwiches, restaurants, baraques à frites, fish and chips : où que l'on aille, le repas est frugal et les aliments insipides. Durant mon séjour, seule l'idée originale du sandwich au fromage et à la confiture d'oignons vint consoler le désarroi de mon estomac amateur de sucré-salé. Il faut croire que les autochtones se consolent avec la bière, tant les canettes vides s'amoncèlent dans les rues les soirs de fête.

Enfin, c'est au moment de payer l'addition que surgit le dernier détail, à savoir l'antique conversion monétaire, qui se transformera en exercice quotidien, puisque messieurs les anglais, après avoir tiré les premiers sur le passeport européen, sont entrés en résistance contre la toute-puissance de la monnaie unique qui fait régner sa loi sur le territoire de l'Union.

Malheureusement, une fois le calcul brillamment exécuté, la récompense est amère : il faut laisser un œil pour visiter  tel site historique, un bras pour faire trois kilomètres en métro, la peau des fesses pour une place de cinéma, et tout le reste va dans le tiroir-caisse de l'auberge de jeunesse la plus hideuse du monde.

Mis à part ça, Londres ressemble à Paris comme une grande sœur, en plus radical, plus tranché. Il y a une grande roue, d'immenses parcs, un centre historique piéton, de vastes musées, des cathédrales, des touristes japonais, des abbayes, des manifestants contre l'avortement, d'immenses tours modernes dans le quartier des affaires, d'innombrables sites historiques, de grandes avenues, des bâtiments publics majestueux, d'interminables galeries d'art et un fleuve au milieu. Mais il y fait encore plus froid l'hiver, encore plus gris, et la nuit tombe encore plus vite. Le fleuve y est encore plus large et la séparation entre ses deux rives encore plus nette. Les appartements royaux sont toujours habités, les accès en voiture encore plus limités et les loyers encore plus chers.

Néanmoins, il n'y a qu'à Londres qu'on trouve certains éléments du patrimoine de l'humanité sur lesquels le monde entier lorgne avec envie : la voiture de James Bond, l'équipe de foot d'Arsenal, de gros taxis noirs d'un autre temps, Gemma Arterton (quand elle n'est pas en tournage à l'autre bout du monde), la plus grande collection de chapeaux du monde et assez de maisons identiques pour jouer au jeu des sept différences pendant des années.

Pour finir, les rives de la Tamise sont agréables à parcourir, entièrement piétonnes, bordées de restaurants et de galeries marchandes, mais Dieu qu'elles sont longues quand on vient de boire deux litres de bière pour fêter la nouvelle année et que l'auberge n'est toujours pas en vue !

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