L'orage menaçait

mamzellemelly

Nouvelle érotique, courte.

   La chaleur était écrasante, pesante.



Elle leva les yeux au ciel.


   De lourds nuages d'un gris foncé obscurcissaient le ciel de cette journée parfaitement ensoleillé encore une heure auparavant et menaçaient d'éclater en un orage terrible. Un de ces orages qui bouleversent la terre, qui claquent et foudroient les plaines, qui inondent les routes et les chemins. Un de ces orages qui remuent jusqu'au fin fond des entrailles, qui électrisent aussi bien les vallées que les âmes.



   Elle espérait seulement que ça attendrait qu'elle ait enfin rejoint la petite maison où elle aimait se réfugier de temps à autre quand l'agitation de la ville lui était devenue trop insupportable. Elle aimait venir goûter le calme de la campagne. Elle s'y ressourçait et repartait pleine d'énergie affronter les turpitudes de son quotidien.


   Pour l'heure, alors qu'elle marchait sur cette route déserte, elle se sentait épuisée à cause de cette chaleur étouffante mais aussi par le mois qui venait de s'écouler. Trop de travail, trop de réceptions, trop de sorties. Trop de tout !



   Elle était entrain de se dire, en levant encore les yeux vers les nuages épais, qu'elle aurait peut-être du, cette fois-ci, prendre l'autobus qui l'aurait déposée non loin de la maison. Elle n'avait cependant pas su se résigner à enfreindre son rituel de cette marche bienfaitrice. Alors qu'elle quittait la gare et au fur et à mesure qu'elle parcourait la route puis le petit chemin, elle se débarrassait du stress, des soucis, du travail. A chaque pas, elle laissait le trop plein de sa vie urbaine derrière elle et emplissait son esprit de la tranquillité bienfaisante de la campagne rythmée par le chant des oiseaux.



Quelle chaleur !


   Elle s'arrêta un instant, s'assit sur un tronc d'arbre couché au sol par une violente tempête quelques années plus tôt. Elle enleva ses sandales, mouilla un mouchoir en papier d'un peu d'eau et le passa sur sa nuque, ses épaules et ses bras. Elle leva encore les yeux au ciel. Les nuages avaient encore pris une teinte plus sombre s'approchant du noir, à tel point que le jour semblait disparaître et plonger les lieux dans la nuit alors qu'il n'était que 18H. Elle sentait la sueur coller sa petite robe à bretelles, blanche à son dos. Elle but une nouvelle gorgée d'eau et reprit la route sans remettre ses sandales. Elle aimait flouer le sol les pieds nus. Pourvu que ça n'éclate pas avant que j'arrive, pensa-t-elle. Encore une petite demi-heure de marche et elle y serait.  

Elle entendit soudain une voiture, se déplaça sur le côté. La voiture la doubla, ralentit et se gara à une vingtaine de mètres d'elle.


   Elle sentit son cœur s'accélérer dans sa poitrine, non pas qu'elle eut peur d'un quelconque danger mais elle avait un pressentiment. Elle était certaine qu'à bord du véhicule, il y avait cet homme qui avait voyagé dans le train, assis face à elle, à deux rangées de fauteuils plus loin. Il n'avait pas arrêté de la fixer dès qu'il levait les yeux de son ordinateur portable et elle n'avait pu s'empêcher de le regarder au travers de ses cils alors qu'elle lisait. À plusieurs reprises, leurs regards s'étaient croisés et elle avait senti monter en elle le désir qu'il la touche. Elle l'avait plus attentivement regardé quand il avait les yeux rivés à son écran. Il avait une allure raffinée dans son costume noir sous lequel il portait une chemise blanche et une cravate grise. Elle s'était d'ailleurs demandé comment faisait-il pour supporter sa veste par cette chaleur. Il avait des cheveux noirs impeccablement coupés. Il s'était redressé d'un seul coup et l'avait regardée. Surprise en flagrant délit, elle en avait fait tomber son livre alors qu'elle avait voulu le rouvrir trop précipitamment. Elle l'avait ramassé, ouvert et fait semblant de se replonger dans sa lecture. Il s'était levé, était passé à côté d'elle puis, avait posé sa main sur le dossier du fauteuil tout en ayant frôlé son épaule avant. Il s'était arrêté, avait fait un pas en arrière, s'était penché à son oreille pour lui murmurer qu'elle tenait son livre à l'envers et il avait plongé son regard vert dans le sien. Toute la vie autour d'eux s'était stoppée le temps de l'échange de ce regard. Elle avait imaginé ses mains sur elle, sa bouche sur la sienne. Elle avait senti sa poitrine se soulever. Il avait fait glisser ses doigts, juste à effleurer encore son épaule et elle avait retenu sa respiration le temps de ce contact qui avait traversé son corps. Puis, il était reparti s'asseoir. Peu de temps après, le train était entré en gare, il était descendu le premier la regardant une dernière fois.


   Au fur et à mesure qu'elle approchait de la voiture, son cœur battait plus vite, sa respiration s'accélérait, son ventre se tordait. Une des portières arrière s'ouvrit. Allait-elle monter ?


Était-ce bien lui ?


Elle en était sûre.


   Elle leva les yeux au ciel, une fois de plus. Les nuages étaient encore plus sombres, encore plus bas à tel point qu'elle avait l'impression qu'elle aurait pu les toucher rien qu'en levant les bras. Ça allait éclater dans peu de temps. Elle le sentait maintenant. Elle sentait l'électricité qui était dans l'air. À moins qu'elle ne confonde avec ce qu'elle ressentait en elle tout en approchant de la voiture. De lui.


   Arrivée à la hauteur de la portière ouverte, elle se pencha, ne se rendant pas compte de la vue sur le décolleté qu'elle offrait.



   C'était bien lui assis sur la banquette arrière mais sans sa veste. La chemise aux manches courtes révélait des bras à la peau bronzée.

— Je peux vous déposer quelque part ?

— Je veux bien parce que j'ai l'impression que je ne serai pas arrivée avant que l'orage n'éclate.

— Alors montez ! Ça risque d'être un orage très violent.



   Elle s'installa. Le chauffeur était venu la débarrasser de son sac de voyage et l'avait posé sur le siège passager. Elle se cala au fond de la banquette et positionna sa robe comme il faut sur ses cuisses. Elle posa sa main sur le cuir du siège et regardait droit devant n'osant pas le regarder alors qu'elle sentait son regard posé sur elle. Finalement, elle ne résista pas à l'envie de plonger ses yeux dans les siens. Il avait lui aussi une main posée sur la banquette. Une main aux doigts longs aux ongles parfaitement manucurés. Une main qu'elle sentait ferme mais également douce. Sans échanger ni un mot ni un sourire ni un geste, ils se fixèrent le temps d'une éternité, sembla-t-il. Elle décrocha son regard et tourna la tête vers la vitre. Elle aperçut au loin, au-dessus d'un champ, un éclair zébré le ciel. Ça y est ! Ce n'était pas loin. Ça allait éclater ! Un autre éclair, puis un autre hachurèrent le ciel devenu noir. Elle attendait le premier grondement de tonnerre qui ne vînt pas. Elle se retourna à nouveau vers lui. Il regardait par la fenêtre, le menton calé entre le pouce et l'index. C'est lui qui se tourna vers elle maintenant alors qu'elle se remît à contempler le ciel, les nuages, la campagne touchée par des éclairs de chaleur. Le spectacle était incroyablement magnifique. Sa respiration se stoppa net quand elle sentit les doigts de l'homme caresser les siens. Elle n'enleva pas sa main, elle ne bougea pas d'ailleurs. Il enveloppa sa main de la sienne et croisa ses doigts entre les siens. Elle répondit à son geste en écartant bien les doigts pour que les siens puissent s'y loger et ils replièrent leurs mains ainsi jointes. Ils se fixèrent à nouveau. Il y avait autant d'électricité dans l'habitacle de la voiture qu'à l'extérieur.



   Il exerça une légère pression sur sa main, elle entrouvrit les lèvres. Elle sentait son cœur cogner en elle. Il lâcha ses doigts,  posa sa main sur son genou découvert. Au même moment où elle ressentit une décharge électrique à ce contact, un violent coup de tonnerre éclata et résonna dans le silence qui régnait dans la voiture. Il remonta doucement sa main, les doigts écartés, emmenant la robe au passage jusque très haut sur la cuisse. Elle retînt son souffle, se cambra légèrement quand les doigts la frôlèrent sur l'intérieur de la cuisse. Toujours les yeux rivés aux siens, elle ne put s'empêcher de mordre sa lèvre quand il frôla d'autres lèvres à travers le tissu du triangle que formait son string blanc. Il descendit jusqu'à ce que ces doigts soient bloqués par la banquette et remonta vers le clitoris. Un autre coup de tonnerre violent transperça le silence. Elle serra les poings de chaque côté d'elle. Son ventre se bloqua tendu vers cette main qui l'effleurait encore. Elle sentait les pointes de ses seins durcir sous le tissu léger de la robe. Un éclair illumina le ciel autour d'eux et le coup de tonnerre qui s'en suivit éclata dans un grondement terrible. Il appuya sur son clitoris, elle ne put retenir un gémissement.


   La voiture se gara devant la petite maison. Il retira sa main, la posa sur son poing encore fermé. Ils restèrent ainsi à se regarder, lui, les yeux étincelants, elle, le souffle court. Elle actionna la poignet de la portière, le chauffeur descendit aussitôt lui ouvrir puis sortir son sac. Il lâcha sa main, elle se glissa hors de la voiture, il se pencha légèrement pour la regarder.



   Un autre éclair, un autre coup de tonnerre.


   Elle a refermé la portière, est restée debout dans l'allée sous les premières grosses gouttes de pluie jusqu'alors retenues par les épais nuages. Le chauffeur fît demi-tour, l'homme se tourna pour la regarder alors qu'il s'éloignait doucement. Elle ne bougea pas malgré l'eau qui maintenant lui fouettait le visage, trempait sa robe au point d'en être devenue transparente.


   Un autre éclair, un autre coup de tonnerre.


La voiture disparut.


   Elle huma l'odeur si particulière, qu'elle adorait, de la terre mouillée. Elle leva les yeux au ciel, offrit son visage à la pluie bienfaisante.


Un autre éclair, un autre coup de tonnerre.


   Elle traversa le jardin, les pieds toujours nus, ouvrit la porte de la maison et après avoir laissé tomber ses affaires, elle se dirigea directement dans la salle de bain sous la douche. Une fois séchée et enveloppée dans un grand drap de bain, elle alla défaire son bagage.


   Un nouvel éclair. Un nouveau coup de tonnerre si puissant qu'il ébranla les murs de la maison.


   Il lui sembla entendre une voiture approchée. Elle sut qu'elle ne s'était pas trompée quand elle entendit une portière claquée et des bruits de pas pressés sur le gravier. Trois coups secs frappés à la porte en bois. Elle alla ouvrir le cœur battant plus fort dans sa poitrine. Il était là, face à elle, les yeux toujours aussi étincelants. Elle recula d'un pas. Il entra, ferma la porte, s'approcha d'elle, tira sur la serviette.


   Un autre éclair, un autre coup de tonnerre qui ébranla encore les murs de la petite maison de campagne.


"MamzelleMelly"


>>> Bien sûr, toute reproduction de ce texte est interdite. Merci <<<


La photo en couverture est une photo trouvée sur le net, dont je ne connais pas l'auteur et c'est bien dommage car je l'aurai félicité pour ce magnifique cliché.


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