L'oscillographe de Tesson est détraqué

Agnès Du Prez

Et si le dernier livre de Sylvain Tesson était le livre de trop ?

J'ai commencé à lire les aventures de Sylvain Tesson il y a des années, plus de dix...J'ai arrêté de compter. Tout a commencé avec son tour du monde à vélo avec son ami d'alors, Alexandre Poussin. Il y a belle lurette que les deux compères ne se parlent plus, mais chacun continue sa route d'écrivain voyageur.

J'ai toujours trouvé que ce garçon fou et fragile à la fois avait quelque chose de poétique dans l'allure comme dans la prose. Mais les années ont passé, arrosées de vodka, noyées de solitude malgré les rencontres au gré de ses voyages. Tesson a vu le monde, il semble en être revenu.

Son avant-dernier livre, "Les chemins noirs", laissait déjà entrevoir son pessimisme et le fonds de sa sombre pensée. J'aimais toujours son habileté linguistique, la richesse de son vocabulaire et son humour. Mais j'avais aussi l'envie d'engueuler ce quadra désabusé, anti-modernité, réactionnaire en somme.

Je n'ai pas acheté le dernier, intitulé "Une très légère oscillation". Je l'ai emprunté à la bibliothèque. Je me suis arrêtée à mi-parcours, perdue dans le flot de ses pensées que je n'arrivais plus à suivre. Il faut savoir que l'aventurier s'est fracassé la caboche une nuit d'ivresse, souffrant aujourd'hui de diverses séquelles visibles et invisibles. Dans son monde, l'écran est ennemi de la culture et de l'intelligence, Poutine est un mec fantastique comme tous les grands buveurs de vodka et les musulmans ne sont pas loin d'être tous de potentiels djihadistes. Comment cela, j'y vais un peu fort?

Lire ce livre, c'est comme écouter tristement un vieux qui radote. On l'aime bien, on n'a pas envie de lui en vouloir...Alors, on referme le livre et on tourne d'autres pages.

S'il n'y avait qu'un livre à retenir : Petit traité sur l'immensité du monde". Mais il en a écrit bien d'autres de fantastiques!

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