Louise'n'roll

anna-skene

Synopsis :

Depuis ses treize ans, Louise traîne dans un coin de sa tête le fantôme de Max Serray, son premier béguin adolescent. Emmenée par accident au concert du groupe de ce dernier, alors rockstar au firmament de sa gloire, elle n'a depuis cessé de caresser le rêve de devenir sa groupie attitrée, menant à ses côtés une vie sex, drugs and rock'n'roll un peu comme Mick Jagger et Mariannne Faithfull. Ses fantasmes ont bien failli se réaliser il y a quelques années, quand elle a croisée par hasard son idole dans une discothèque branchée parisienne, Malgré le fait qu'il ne soit plus le sex-symbol d'auparavant, son charisme est resté intact et ils auraient bien pu passé la nuit ensemble si un excès d'alcool n'avait pas fait écrouler ses rêves d'une aventure inoubliable...A vingt-sept ans ("l'âge maudit où toutes les rockstars de légende meurent"), celle qui n'a jamais perdu l'espoir de vivre au son des guitares électriques, de tournées rock'n'roll au goût de bière de mauvaise qualité et qui se fait appeler "Lou" désespèrent Virginie et Marion ses deux sœurs et colocataires qui rêvent de la voir mener une vie normale et stable. En effet, Louise, enfin Lou, continue à se comporter davantage comme une adolescente plutôt qu'une adulte. Plutôt jeans noirs et cheveux en pétard que brushing et tailleur, elle occupe une majeure partie de son temps libre à jouer de la basse à l'occasion dans un groupe amateur, elle viens juste de claquer la porte d'un magazine de rock qui l'embauchait en tant que pigiste après que celui-ci lui ai demandé d'écrire un article dithyrambique sur un groupe plus pop que rock et préfabriqué. Réalisant que sans ressources financières stables et régulières, elle est contrainte de vivre aux crochets de ses sœurs et de cette société qu'elle a longuement contestée, Louise finit par accepter que le temps de la rébellion est révolu et est déterminée à mener une vie plus "normale".

Réussissant à se faire embaucher aux pages cultures d'une revue élitiste avec l'opiniâtreté et le culot dont elle a toujours su faire preuve pour avancer dans la vie, elle est récompensée par une occasion incroyable : son premier sujet n'est autre que son Max adoré. Le "Bacchuzine" cherche en effet à monter un reportage sur ces musiciens qui ont connu une ascension et une gloire fulgurante avant de sombrer dans l'oubli...

Une bien cruelle ironie pour celle qui s'était enfin décidée à tourner la page et à aller de l'avant, qui avait fini par admis qu'on ne construisait pas sa vie sur des fantasmes et qui n'avait même plus envie de ressentir quoique ce soit pour une image. C'est avec indifférence et froideur qu'elle mène l'entretien. S'étonne même de ne plus rien éprouver pour celui qui avait tant fait chavirer son cœur. A presque quarante ans, il a mal vieilli, son visage porte les stigmates d'une vie dominée par les excès et les abus en tout genre. La jeune femme est même déçue de voir que sa conversation est vide et qu'il n'est pas aussi intéressant qu'il semblait l'être. Pourtant, sans trop réfléchir, et parce qu'il a su la cerner elle finit par accepter de le revoir. Si toute idée de romance paraît être exclue, reste l'ultime rêve de Louise ; goûter à la vie trépidante des stars du rock, se faire raconter de vive voix une vie de musique et d’excès…  Ne pouvant pas résister à cette occasion unique, elle finit par apprécier le nouveau Max… Et plus si affinités ?

Début du roman :

A treize ans, je suis tombée amoureuse. Rien d’extraordinaire pour l’insignifiante adolescente que j’étais alors – et que je suis toujours, paraît-il. A cet âge là on collectionne les béguins amoureux comme les boutons d’acné et les complexes : ils se comptent sur tous les doigts de la main et des pieds. Souvent, on en a pas assez pour tous les représenter ; c’est cependant à partir de là que je diverge de mes camarades.
A treize ans, donc, je suis tombée amoureuse. Ce fut un amour foudroyant, provoqué par un battement de cils, intense, digne d’un film cul-cul hollywoodien, quand j’y repense. Tellement cliché, que si il n’y avait personne pour le confirmer, j’aurais juré n’avoir fait qu’un rêve. Plus j’y repense, moins je le trouve réel, comme si le temps altérait un peu plus le souvenir et l’enveloppait d’un voile doré.
C’était un samedi soir. Mes parents avaient un dîner prévu de longue date chez des amis , Virginie, ma sœur, dix sept ans à l’époque devait aller au cinéma puis passer le reste de la soirée avec des copines. Marion, ma deuxième sœur, du haut de ses quinze ans trépignait d’impatience à l’idée de se rendre au concert de son groupe favori et avait enfin eu l’autorisation parentale pour sortir sans chaperon. Je m’étais déjà réjouie à l’idée de passer la soirée à manger une pizza réchauffée devant la télé et acceptait parfaitement mon sort, quand soudainement, ma mère, sèche-cheveux à la main avait débarquée paniquée dans le salon, décrétant qu’il était hors de question que je reste seule.
Je n’avais même pas eu le temps de protester que la situation me convenait très bien, qu’il y avait en plus une rediffusion de Dirty Dancing, que déjà Marion m’explosait les tympans en hurlant qu’il était hors de question qu’elle joue la babysitter. Virginie n’avait également pas tardé à expliquer, sur un ton plus calme, qu’une gamine de cinquième n’avait rien à faire avec des lycéennes et qu’elle ne pouvait pas s’occuper de moi, qu’elle avait un exposé de littérature (je sus peu de temps après qu’au lieu de studieuses révisions, elle allait en boîte. Inutile de dire que son rôle parfait d’étudiante modèle marchait tellement bien que mes parents n’ont jamais mis en doute ses paroles). Je tentais une fois de plus d’ouvrir la bouche, mais ma mère, qui désormais se battait avec la fermeture éclaire de son sac, avait finalement tranché ; J’irais avec Marion assister au concert de son groupe favori, et ça tombait bien, puisqu’il était gratuit. C’était plus de mon âge, et il était hors de question que je reste seule, même à treize ans, même réglée, même boutonneuse à croire que j’avais la varicelle. Pourquoi ma mère s’est autant acharnée à ce que je ne reste pas seule ce soir là avec ma pizza 4 fromages, mon sceau de pop-corn et une bouteille de Coca alors que quelques années plus tard elle m’interdirais de mettre un pied hors du hall pour « voir mes copains douteux », ça, je ne l’ai jamais compris. Elle préférait que sa petite dernière, trop jeune pour rester seule à la maison aille assister à un concert de rock avec sa sœur pas bien plus futée qu’elle (cependant, on Peut être que c’était une revanche contre ma sœur qui à cette époque lui faisait vivre un enfer.
La suite, après je ne m’en souviens plus. Sans doute que ma rebelle de sœur en crise à encore du protester jusqu’à ce que ma mère nous menace de nous cloîtrer à la maison jusqu’à notre majorité. Des bribes de nuit, de claquement de nos baskets sur les pavés, de chaleur étouffante due à l’immense chapiteau sous lequel était la scène, mes orteils réduits en bouillie, piétinées par des grandes perches d’au moins un mètre soixante-cinq (j’atteignais péniblement les cinquante à l’époque) qui émettait des sons suraigus dès qu’un pan du rideau noir frémissait. Je n’avais aucune idée de ce à quoi les Black Metro ressemblaient. Bien sûr, j’avais vaguement entendu deux ou trois de leurs titres les plus connus, quand Marion mettait son poste à fond (ce qui ne durait jamais longtemps, car les autorités parentales ne tardaient pas à répliquer), j’avais brièvement aperçu la tête des trois membres, vêtus de smokings pour un shoot pour un quelconque magazine (que Marion s’empressait de m’arracher pour découper la photo et la coller sur les murs de sa chambre). Autant dire, que n’ayant en plus jamais mis les pieds dans un concert, je n’étais pas du tout préparer à ce qui m’attendais et ne comprenait pas pourquoi ces espèces de clones de ma sœur, sur maquillées et fringuées à la mode usaient leurs cordes vocales à ce point.
Et puis le choc. La révélation. Deux accords plaqués sur une guitare. J’oublie le monde qui m’entoure. Il n’y a plus que lui, lui en travers les néons qui me fixe et entame sa chanson avec cet air grave et mélancolique. Les paroles sont en anglais, langue que je baragouine avec peine à l’époque mais son sens me perce le cœur, me fait frissonner de tout mon corps. Max Serray. Chanteur, guitariste.
A cet instant, je deviens groupie. J’insiste sur le fait que cela n’a rien à voir avec le terme de fan hystérique. Une groupie ne se contente pas de hurler comme une furie à chaque apparition de son idole et ne couvre pas les murs de sa chambre d’images de papier glacé. Une groupie le suit pendant toutes ses tournées, l’admire de loin, et n’oublie pas de développer sa propre personnalité en attendant. Mais je n’habitais pas aux USA, je ne m’appelais pas Marianne ou Anita alors mes parents ne m’ont jamais laissé le privilège de le suivre en tournée en France et en Navarre. Toujours est-il que j’ai eu quand même le droit d’assister à deux autres dates. 

J’ai désormais vingt-sept ans, enfin dans deux mois et j’en suis toujours aussi raide dingue.  Les Black Metro ont splitté au sommet de leur gloire (enfin, presque, leur dernier album ne s’est vendu qu’à mille exemplaires). Vingt-sept ans, c’est l’apothéose,   le firmament pour tout musicien rock. C’est là où la légende s’inscrit, là où sa vie pleine d’excès et de sueur s’achève. Au sens propre comme au figuré. Et alors que Jimi Hendrix s’étouffait dans son vomi, que le corps de Janis Joplin se consumait avec la drogue, je me réveille dans le canapé-lit acheté à Ikea dans un appartement standing occupées par mes sœurs.
L’adolescente purulente n’est jamais devenue une rockstar. Car si j’étais amoureuse de Max, je suis tout autant amoureuse de ses destins qui s’écrivent avec des riffs bruts de guitare électrique. J’aurais voulu connaître un peu le succès, moi aussi. Savoir ce que c’est, de jouer devant des milliers de personnes, de sentir la brûlure des cordes, de chanter fort devant un micro et d’entendre le public vibrer au son de mes douleurs comme de joie.
A vingt-sept ans, je suis officiellement ce que l’on considère comme une ratée, d’après mes sœurs. Eh oui, je suis suffisamment masochiste pour avoir décidé de continuer à vivre avec celles qui m’ont toujours considérée comme un boulet. (Il paraît que je suis toujours la petite sœur dont on doit s’occuper). Moi, je ne vois pas ce qu’il y a de mal à bosser dans un magazine de rock, à écrire des chroniques de disques que personne n’écoutera ja

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