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Fionavanessabis

Mots imposés : minet, prochaine, bouquin, venir, cacahuètes. Dans la salle de cinéma

En ce quinze août, j'ai opté pour une occupation devenue vintage, aller au cinéma.

D'abord, il faut prévoir le trajet, l'horaire de la prochaine séance, le budget parking, la tenue pas trop estivale au cas où la clim soit trop prononcée, les caramels dans le sac à main, dérobés à la vue de vendeurs de popcorn de luxe. Prévoir aussi vingt bonnes minutes de tentative de persuasion pour y inviter mon ado. Le tirer de la nouvelle saison de sa série préférée n'est pas une mince affaire et j'irai finalement seule, le film ne comportant ni homme-araignée ni donzelles inopinément transformées en sirènes sur la plage australienne. Avec un peu de chance, au-delà de la bande-annonce haute en couleurs pour le dernier blockbuster, il y aura un court métrage, de jeune réalisatrice, avec deux protagonistes, un perroquet et un minet. Les dialogues porteront sur les choses existentielles de la vie, comme le choix de croquettes à teneur réduite en céréales, ou comment reconnaître le sexe d'un perroquet. Une caméra suivra avec liberté leurs déambulations dans Marseille, et je finirai avec un léger haut-le-cœur devant le sac et le ressac de cette caméra portative. 

En somme, pas de quoi fouetter un chat mais c'est la bouchée apéritive, même si le goût des soirées d'Eddy Mitchell, dans le petit écran certes, avec les actualités rétro, et leur formule complète avec court-métrage, entracte, deuxième film me laissera un rien nostalgique.

Il me faut en venir au coeur de la cérémonie. Le film aura été tiré d'un bouquin dont la valeur marchande ne sera plus à prouver, avec l'avantage que l'équipe des quatre co-scénaristes aura pu l'adapter en un temps record grâce à la trame de l'histoire déjà fournie par le roman, leur permettant ainsi de compenser les jours de grève de leur profession.

Peut-être y aura-t-il de beaux panoramas, mais ce qui est sûr c'est qu'on y verra une comédienne principale afro-américaine et son partenaire blanc, à moins que ce ne soit l'inverse. Son patron sera une femme asiatique et sexy, son meilleur ami gay, chômeur et indien à la fois, et sa voisine du dessous hispano et octogénaire. Et il y aura des incrustations de logo pour ordinateur ou pour sneakers tous les quarts d'heure. On vous aura conté les avantages de la version longue disponible en DVD pour Noël, où l'on pourra voir les deux scènes coupées au montage.

 Il y aura aussi probablement mes voisins de salle qui commenteront le look des acteurs durant la première demi-heure, tout en faisant crisser leur popcorn sous la dent, et de préférence pendant une réplique clé, installant au fur et à mesure une envie d'envoyer mon talon dans les cacahuètes du jeune homme. Heureusement le caractère obscur de la salle préservera mon capital sympathie et il ne verra pas mon rictus agacé de son incivilité. Je tiendrai bon au nom du cinéma et même si le prix pourtant exorbitant de mon ticket ne mettra pas Netflix au tapis, j'aurai le plaisir suranné de la promenade vespérale après le générique de fin, où je pourrai reformer mentalement le scénario et le modifier à l'infini, pour le rendre plus drôle, plus inattendu, suivant la version,et cette petite gymnastique de jouvance cérébrale ne sera pas dénuée d'intérêt pour la santé. Et même me creuser le ciboulot un peu plus sur le chemin du retour pour trouver quel film à l'affiche sera un bon compromis pour passer une soirée avec mon ado de quinze ans ; éviter les films qu'il a déjà vus, ou qu'il veut voir avec ses copains, les films trop sanglants pour moi, ainsi que ceux qui font référence aux années quatre-vingt qu'il n'a pas connues, ceux qui sont anti-féministes et écologiquement incorrects, ce qu'il ne manquerait pas de me signaler sans appel, et les remake de remake que mon rejeton trouverait indiscutablement le plus innovant des scénarii mais dont j'aurai vu la version d' il y a dix ans !

Enfin, je pourrai toujours me mettre au lit avec un oreiller supplémentaire dans le dos et la version papier du film, de véritables pages de roman à feuilleter, et cela compensera l'inconfort du fauteuil à peine plus rembourré qu'un strapontin sur lequel j'ai dû siéger durant deux heures trente-cinq, afin d'être fidèle à ma conviction de soutenir le septième art. Et graduellement, aux abords du sommeil, se projetteraient sur mon mur de merveilleuses images dignes de la lanterne magique, rejouant les scènes du film en y superposant des réminiscences de contes, revisitant les personnages et les décors avec une teinte arthurienne et chevaleresque, qui paveront mon sommeil de do

uceur.

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