LR 641 - A ma mère

Louve

Avec les mots : accourir - morceau - fantôme - atelier - puits.

Une image à la fois gaie et douloureuse me vient, celle du petit puits trônant juste au détour de l'allée. Un petit puits condamné, défendu farouchement par une armée d'oeillets, pourtant si tendres dans leur robe d'un mauve à peine ébauché.

Un morceau de vie où tu accourais, cher fantôme, tant bien que mal pour m'accueillir en ton jardin. Petit clin d'oeil à la mémoire dans ce matin qui pleure, à cet atelier du bonheur qu'était cet endroit si riche de nous. Là où les pivoines d'un rose tendre parsemaient l'herbe de leurs pétales si fragiles, lorsqu'à peine ma main les effleurait. Là, où l'on s'émouvait, où mille anecdotes s'échappaient de nos lèvres rieuses, pendant que nous croquions à pleine bouche les cerises vermeilles ou les minuscules fraises des bois, égarées près du vieux mur, si goûteuses !

De la tristesse encore, lorsqu'après quatorze ans, mes pas m'entraînent dans cette rue, où la maison est toujours là mais où le petit jardin et son puits ont disparu, profanés par les pelleteuses ; où les rosiers, le carré où perlait le muguet, entouraient, comme une haie d'honneur, la vieille demeure, toujours si vaillante, qui me regarde passer...

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