Luberon Rouge Sang - chapitre 8
Christian
L'enquête
— Franck, des randonneurs viennent de retrouver deux macchabées complètement dévorés au Portalas dessous la forêt de Cèdres, tu te charges de l'affaire ?
— Si je ne prends pas ? Moi tu sais les cadavres c'est pas trop mon truc.
— Si tu prends pas, mon vieux, c'est encore Cavaillon qui s'y colle. Si on continue à ne faire que les cambriolages et les petits dealers de shit en sortie du lycée, en haut lieu ils vont estimer qu'une gendarmerie c'est bien suffisant pour ça. Ai-je besoin de te faire un dessin, Franck !
Non, Franck n'a que trop bien compris, lui qui vient enfin de s'installer à Villars dans une superbe petite ville provençale avec son épouse et ses deux fils. Il n'a pas plus envie que ses collègues de se retrouver muté sur Aix ou pire Marseille dans les quartiers Nord, si le commissariat venait à fermer.
— Bon ok, commissaire, je prends. Dites moi, il y a du monde sur place ?
— Non, l'audition des témoins a été faite, mais ne compte sur eux ! Ils sont complètement traumatisés par ce qu'ils ont découvert, je les ai envoyé chez un psy !
— D'accord, en plus d'après ce que je connais du coin, on ne peut y aller qu' à pied.
— Bon écoute tu fais le nécessaire c'est ton job ! J'ai déjà prévenu les pompiers pour ramasser les restes, estimes-toi heureux.
— Moi qui pensais rentrer tôt pour l'apéro c'est râpé ! s'exclame-t-il en raccrochant le téléphone.
— Quentin, Jérémie, vous venez avec moi, mettez les brodequins de service et prenez tout le nécessaire pour les prélèvements ADN.
— Ok, Inspecteur, c'est pour un accident !
— Je n'en sais rien, on verra sur place à l'arche du Portalas.
Les trois policiers passent à la caserne des pompiers en sortie d'Apt, proche du plan d'eau. Il suivent le camion d'intervention qui, sirène hurlante, prend la direction de Bonnieux pour couper au plus court en direction de la Forêt de cèdres.
A la grande surprise des promeneurs, qui doivent s'écarter, le convoi emprunte la piste forestière pour se rendre au point de vue qui domine la Durance, avec une vue sur les Alpilles et l'étang de Berre par beau temps comme aujourd'hui.
— Punaise, quelle vue, je n'étais jamais venu ci, s'extasie Quentin, dommage que ce soit pour un meurtre.
— On n'en sait encore rien mon petit Quentin, le propre d'un enquêteur de Police c'est d'enquêter par de tirer des conclusions avant d'avoir commencé.
— Bon, inspecteur, on descend ? C'est par ici ! Suivez-nous et faites attention aux éboulis, c'est glissant par ici, prévient le capitaine des pompiers.
Le Portalas se découpe sous leurs yeux, merveille de la nature, dans 15 minutes ils seront au pied de l'Arche.
— Où sont les corps demande le Capitaine.
— D'après les randonneurs qui ont fait la découverte, sur un promontoire juste sous l'arche.
— Ok, on y monte et on vous prévient quand on les a trouvés.
— Par contre vous ne touchez à rien, nous devons faire des photos et des prélèvements, précise Franck.
Les quatre pompiers, dont deux volontaires, arrivent sur le promontoire en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
— M. l'Inspecteur, vous pouvez venir ils n'ont pas bougé ! Je vous préviens ce n'est pas beau à voir, si vous avez le coeur bien accroché ça va vous servir.
— Hé bien, au moins on est prévenu, pas vrai les garçons, allez on grimpe.
Moins leste que les pompiers, entraînement oblige, en 5 mn ils ont sur place.
— Ouf ! se dit en lui même Franck, je m'attendais pas à ça, à la vue de l'état des corps
Derrière lui Jérémie vient de vomir, la vue, l'odeur infecte émanant des tripes à l'air, cela en est trop pour lui.
— Oh, les gars ! Je sais ce n'est pas beau à voir, mais si on se laisse emporter par nos réactions émotionnelles, on n'avancera pas.
— Quentin, constatations d'usage, photos des corps, du lieu, de leur emplacement, leurs dispositions au sol
— Jérémie trouve moi des grandes pinces, je vais essayer de voir si, dans leurs vêtements ou ce qu'il en reste, on trouve quelque chose pour les identifier.
— Capitaine, je suis désolé, mais je n'ai pas trop l'habitude des cadavres, à votre avis la mort remonte loin, ça pourrait nous donner une idée de la raison du pourquoi il sont dans cet état.
— Pour ce que j'en vois, les jambes et les bras ne sont pas dévorés, ils ont encore rose ou presque, pour moi la mort remonte à cette nuit au plus tard.
— Attendez, vous dites dévorés !!
— Je ne vois pas comment qualifier autrement leur état, regardez ils ont éventrés, les viscères à l'air pour ce qu'il en reste, la cage thoracique enfoncée et les visages raclés jusqu'à l'os, on dirait que toutes les parties molles du corps ont été mangé.
— Mangées ! Mais ce ne sont quand même pas les choucas ou les corbeaux, dont le nombre a supris les témoins de la scène ici, qui sont à l'origine de ce massacre.
— Non, vous avez raison, ces charognards sont arrivés bien après, attirés par l'odeur du sang certainement.
— Quel bestiole les a donc dévorés, des chiens errants, des loups, il paraîtrait qu'il y des meutes qui ont franchi la frontière Italienne et traversent maintenant les Alpes de Haute Provence.
— Personnellement ça m'étonnerait, le loup évite l'homme en général et les chiens errants sont peureux. Je pencherai plus pour un fauve, ces malheureux en seraient devenues sa proie.
— Merci capitaine, voilà déjà une piste de recherche, trouver le fauve.
— Inspecteur, pendant que vous parliez, j'ai pris les pinces et en fouillant les restes du blouson, en me bouchant les narines, j'ai retrouvé un téléphone portable.
— Excellente initiative, Quentin, on le confiera au labo à Avignon, il trouvera peut-être son propriétaire.
— Nous pouvons commencer notre travail inspecteur, nous avons apporté les sacs mortuaires pour ramasser les cadavres, je suis désolé d'utiliser ce mot mais dans le cas présent je n'en trouve pas d'autres. J'espère que vous ne demanderez pas aux familles de venir identifier les corps, ce serait une douleur insupportable à la vue de ce carnage et ensuite ce serait impossible.
— Non bien sûr, mais attendez que nous ayons terminé les prélèvements sur les corps pour l'ADN ainsi qu'autour de la scène du crime. Si c'est un fauve il y a peut-être des traces identifiables pour des spécialistes de la "Scientifique".
Après être resté une heure sur place, les pompiers redescendent enfin les deux sacs mortuaires avec leur macabre contenu.
Franck appelle immédiatement ses collègues d'Avignon
— Joesph, bonjour, c'est Franck du commissariat d'Apt, je vais t'envoyer par navette spéciale, une glacière avec les reliefs, en fin je ne sais pas trop les qualifier, d'une scène de meurtre où d'accident je n'en sais encore rien tellement c'est bizarre. Je t'adresse tout le dossier avec. Tes analyses nous ferons peut-être sortir un peu du flou, on est incapable d'identifier les cadavres, tellement ils sont méconnaissables, c'est pour te dire.
— Ok Franck ! Je ferais au plus vite, bien que mon équipe soit surbookée, avec toutes les compressions d'effectifs que nous subissons en ce moment, une bouteille de rosé du Lubéron serait la bienvenue dans la glacière.
— Vendu, je la glisse dans la glacière mais elle ne fera pas partie des pièces à conviction !