Lucius et le livre

qiyan

Un matin à Eusebio

Encore une fois, ce matin là, Tudorplu, le réveil de Lucius, n'avait pas crié assez fort. L'Albatrus qui le menait chaque jour en classe pointait déjà son regard noir et perçant à travers la fenêtre de la salle à manger. Ses ailes mécaniques frappaient comme deux couperais tranchant l'air frais du dehors tandis qu'il toquait la vitre de son bec métallique. Lucius frissonna, attrapa une boite de Chocopix, ouvrit la fenêtre et monta à bord. De toute façon, il était déjà en retard pour l'école se disait-il alors tant pis si l'Albatrus s'impatientait.

 

Ces derniers jours à Eusebio, le froid avait surpris tout le monde. Lucius regardait les immeubles se déplacer à travers les gros nuages de cotons gris. Il y a deux semaines, la ville traversait le désert d'Amoris, c'était les tempêtes de sable brûlant. Puis, Eusebio était arrivé au Nord du continent et on avait vu tombé du ciel de la grêle grosse comme un poing. A présent, l'air glaçant ralentissait le trafic des oiseaux à moteur qui devenaient chaque jour plus bougons, il n'y avait plus personne à s'aventurer à pied dans les rues.

 

« Je n'ai pas envie d'aller à l'école ce matin fit Lucius à l'Albatrus.

Ça m'est égal moi, je te dépose n'importe où et je rentre chez moi » répondit l'Albatrus d'un air farouche.

 

Au loin, Lucius aperçut sur le toit d'un immeuble entièrement recouvert de miroirs une petite cabine de verre. Ce serait un endroit parfait pour passer la journée abrité se dit Lucius. De là, il pourrait regarder la ville se déplacer et observer sans être vu les cieux qui bougeaient. Il donna ordre à l'Albatrus de s'y arrêter.

 

« Je te préviens, je te laisse là et je m'en vais. »  coassa l'animal de ferraille.

 

A peine avait-il déposé Lucius qu'un objet dans la cabine plantée sur le toit attira leur attention. A l'intérieur, un étrange bloc rectangulaire était posé au sol. Lucius le prit en main, il était d'une étonnante densité. Le pourtour rigide s'ouvrait sur une multitude de feuillets souples et remplis de lettres. Lucius avait le souvenir de ce genre d'objets quand il était tout petit chez la grand mère de son arrière grand père. La vieille dame appelait cela : « un livre », elle en possédait une centaine rangés dans un immense meuble à étagères qui parcourait un couloir entier. Lucius n'y avait encore jamais touché. L'Albatrus regardait l'ouvrage avec circonspection par dessus l'épaule de Lucius. Le petit garçon se mit à lire à haute voix et l'oiseau écoutait. Pendant les quelques minutes de lecture, Lucius et l'Albatrus parcoururent ensemble une histoire lointaine et exotique qu'ils n'auraient su imaginer. A la fin, l'oiseau regardait Lucius. Autour d'eux, le froid était le même et les constructions de métal d'Eusebio remuaient identiques.

 

« C'est beau, cela ressemble à mes rêves. » dit l'Albatrus.

 

Lucius se releva et monta sur l'Albatrus.

 

« Je vais aller à l'école ce matin en fait. Nous reviendrons demain ? demanda Lucius.

- C'est d'accord. »

 

Le lendemain matin et chaque jour suivant, l'Albatrus menait Lucius sur le toit de l'immeuble à miroirs pour lire avant la classe une nouvelle page du trésor qu'ils avaient trouvé.

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