Vol au-dessus de Tatikala

celinero

Conte écrit avec les contraintes suivantes : garçon, ville volante, oiseau à moteur, livre.

Paul était un petit garçon ayant une grande soif d'aventure. Il parlait sans cesse de s'envoler découvrir le vaste monde ce qui faisait soupirer sa maman. Pour son anniversaire, il avait demandé un avion télécommandé, mais ce jouet était trop cher et sa maman lui offrit à la place un vieil oiseau en bois avec un mécanisme qui le faisait marcher en rond, même pas voler ! Paul alla se coucher très déçu, abandonnant l'oiseau dans un recoin de sa chambre.

    Un léger bruit de moteur le réveilla brusquement. L'oiseau se tenait sur ses deux pattes, et il était devenu énorme ! L'oiseau remuait les ailes mais rien n'y faisait, il ne pouvait pas voler.

- Aide-moi donc au lieu de me regarder bêtement !

Paul ne réagit pas, il ne comprenait pas d'où venait la voix.

- Allons, viens sur mon dos remonter le mécanisme !

- Mais c'est toi qui parles, demanda-t-il à l'oiseau ?

- Evidemment, qui d'autre ?! Dis, tu sais lire ?

- Oui, mentit Paul qui venait tout juste d'apprendre.

- Parfait, monte, tourne la clé pour que je m'envole, je suis pressé !

Paul s'exécuta et s'agrippa de toutes ses forces et l'oiseau mécanique prit son envol. L'oiseau fila à travers les nuages, tel un avion de chasse. Paul, qui avait toujours rêvé de voler, reconsidéra ses envies au bout du dixième looping : son estomac ne le supportait plus. L'oiseau finit par atterrir et Paul se retrouva sur un sol mou et doux. Il roula sur le côté et l'oiseau le rattrapa de justesse avant qu'il ne tombe dans le vide.

- Doucement l'ami ! Tu n'as pas d'ailes alors éloigne-toi du bord !

- Mais, mais… Nous flottons ! Dans les airs ! Où sommes-nous ?

- Tu es sur Tatikala.

- Tatie ta quoi ?

- Tatikala, l'île des jouets perdus. Cette île volante abrite une ville où tous les jouets non désirés, perdus ou oubliés se retrouvent pour y couler des jours de retraite heureux. Tatikala c'est un peu le paradis des vieux jouets si tu veux.

- Trop génial ! Tu crois que je vais y trouver un avion télécommandé ?

- Tu ne comprends pas, cette ville flottante sillonne le ciel à la recherche des jouets oubliés, perdus, non désirés etc... Cette ville est le cimetière des jouets, pas un magasin où l'on trouve les dernières inventions rutilantes et bruyantes qui satisfont les garçons pourris gâtés dans ton genre.

- Je ne suis pas un garçon pourri gâté d'abord.

- Alors pourquoi m'as-tu dédaigné toute la journée ? Ta mère pensait de tout cœur te faire plaisir.

- C'est que… Attends, si je suis sur une île, dans les airs, comment je vais rentrer chez moi ? Vais-je revoir ma maman ?

A l'idée d'avoir perdu sa mère pour toujours, Paul se mit à sangloter. L'oiseau se radoucit :

- Ecoute petit, je suis désolé. Quoi qu'il arrive je te ramènerai chez toi avant la fin de la nuit. Mais j'ai un problème à régler, et j'ai besoin de ton aide.

- Quel problème ? demanda Paul entre deux reniflements.

- Ne trouves-tu pas cette île étrangement silencieuse pour une île aux jouets ? Il se passe quelque chose de pas net ici. Les oiseaux, vrais comme faux, murmurent des choses. La ville est figée, bloquée. D'après un vieux merle, l'île est un jouet géant dont il faut remonter le mécanisme. L'île puise dans l'énergie des jouets qui s'échouent ici pour continuer à dériver, mais tôt ou tard elle s'écrasera sur ton monde. Je me sens déjà faiblir…

- Mais ça veut dire quoi remonter le mécanisme ? Il y a une clé ou un truc comme sur ton dos ?

- Cette île est née d'une histoire oubliée. Il faut que tu entres dans le manoir au bout de l'allée et lises le Livre des Origines depuis le début, à haute voix. Fais vite...

    L'oiseau se laissa tomber sur le flanc, épuisé. Paul n'eut aucune difficulté à trouver la maison, il sentait le regard de peluches et de poupées immobilisées le suivre, mais il n'avait pas peur. Il voyait de l'espoir dans ces regards, du soutien aussi. Il monta un imposant escalier qui débouchait sur un long couloir. Des jouets échoués traînaient ici et là. Il manquait à certains un œil, une patte, ou une aile. D'autres semblaient être en parfait état mais ils avaient été simplement oubliés. Au bout du couloir, le livre trônait sur un présentoir trop haut pour Paul. Il trouva un tabouret sur lequel grimper et ouvrit le Livre des Origines :

- Je n'y arriverais jamais. Je ne sais pas bien lire. Je ne vais jamais revoir ma maman, pleurnicha Paul, abattu en voyant toutes ces lettres alignées sans image.

- Non, ils comptent sur moi. Se reprit-il. Je dois les aider. Allons ! Il… ét-a-it… était ! Il était une f… fo-is, il était une fois…

Et Paul lut toute la nuit. Il déchiffra tant bien que mal le Livre des Origines. Bien qu'il butât sur quelques syllabes, la magie opéra et le mécanisme fut remonté. L'île pouvait à nouveau sillonner le monde. L'oiseau, qui s'appelait Karl, ramena Paul chez lui.

- Dis Karl, demanda Paul, Tatikala, est-ce la seule ville volante au monde ? L'ai-je rêvée ?

- A ta première question je réponds non, il y en a des milliers à découvrir, et toutes ne volent pas sur des îles... A la deuxième je te laisse le soin de répondre par toi-même.

   Karl revint souvent chercher Paul pour l'emmener vers d'autres villes volantes, d'autres aventures, et les deux amis voguèrent ainsi de nombreuses nuits entre rêve et réalité. 

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