Ma mère est morte hier

Dans sa tête tournait « ma mère est morte hier ». Pourtant il marchait, il prenait ce chemin qu'il connaissait si bien, il allait arriver chez cette fille qu'il fréquentait parfois et composera le code, activera l'interphone, et quand il la verra, il sourirai parce qu'il sera heureux de la voir, comme chaque fois, et ils s'embrasseront et peut-être qu'ils sortiront, en se tenant la main et qu'ils se promèneront en parlant de sujets qu'ils ne partageaient pas vraiment et, comme chaque fois, ils ne se comprendront pas, mais ça leur fera plaisir de se voir passionnés, et ils regarderont les amoureux sur les quais de la Seine, et les péniches passer, les oiseaux s'envoler, les mendiants mendier ; ou bien ils resteront sur le canapé et ils se raconteront leur journée, et ils riront, s'embrasseront, et ils feront l'amour parce qu'ils faisaient toujours l'amour, quand ils étaient seuls, sur ce canapé ; et toujours il y aura ces petits mots qui planeront dans son crâne, « ma mère est morte hier », mais juste les mots, pas l'idée, l'idée est encore loin, l'idée elle n'est pas encore là, l'idée elle est moche, alors qu'aujourd'hui il fait beau et que ce chemin est beau, même s'il le connait par cœur, elle sera belle en ouvrant la porte, il sera beau cet après-midi passé avec elle, et ils sont un peu jolis aussi ces mots, «  ma mère est morte hier », on dirait le début d'un roman.