Ma première prestation télé

Hervé Lénervé

Dur d’être à la hauteur comme auteur à succès

Après le succès phénoménal et inattendu de ma première pièce « Théâtre » qui la classe déjà parmi les pièces cultes telle « Le père Noël s'appelle Raymonde. » j'étais invité à une émission culturelle télévisuelle de Chancel.

-         Psitt ! Il est mort.

-         Je sais, c'était pour la rime.

Il y avait là, tous les grands, que des pointures, du 34 au 45. Éric-Emmanuel Schmitt en tête (chauve), suivi de Jean Bellorini et bien d'autres dont j'ai oublié le nom, l'œuvre et l'orphelin. Il y en avait même qui n'aurait pas dû y être pour cause de squelettisation. Oscar Wilde en duel d'esprit à vingt mètres avec Sacha Guitry. Encore vif l'Oscar, il réussit à me mettre une main au cul, avant que je ne réussisse moi-même à m'asseoir. Vif du geste, pour le reste moins, il n'est plus aussi brillant que vivant. J'ai chopé deux répliques entre Guitry et Wilde.

Guitry - Les femmes n'ont qu'un seul défaut… celui d'être femme.

Wilde – Poil aux nichons !

 Guitry - Tu pourrais au moins rimer.

Wilde – Atout, atout et le p'tit au bout. C'est mieux là ? (Ah, c'est pas bô de mourir !)

J'étais venu accompagner de la p'tite Marie qui est une actrice renommée à présent. Elle est même sollicitée pour des films d'auteurs (c'est con cette expression, comme si les autres films se faisaient tous seuls). Je l'avais vu dernièrement dans « Ça glisse au pays des merveilles ». Elle était très bien, très juste dans un jeu tout en retenue. « Attend ! Attend ! Je sens que ça vient ! Ouiiiiii !!! » Grande actrice la p'tite Marie !

Bon, voilà, ça papotait de partout et nous on faisait tapisserie à transpirer comme des phoques (ça transpire grave, le phoque, c'est connu !) Car les démiurges nous snobaient. Pour passer le temps je passais ma main sous les jupes de la p'tite Marie, mais je la retirais instantanément, car il y avait déjà foule. Elle me lança un clin d'œil complice pour m'inciter à revenir plus tard et me susurra à l'oreille. « Entre 14 et 15 heures, c'est plus calme. » Cool ! Ça ne m'arrangeait pas trop c'était l'heure de ma sieste.

Puis Chancel qui chancelait dur à force d'essayer de donner le change, s'en prit à moi. Quelle mouche l'avait piqué celui-là !

-         Monsieur Lénervé comptez-vous renouveler votre coup d'essai qui fut un coup de maître.

Je n'avais pas l'habitude de ses réunions « aréopagées » et encore moins de celle des studios. J'étais intimidé, voilà tout.

-         Vous pouvez répéter la question ?

Là, j'aperçus tous les auteurs morts rirent sous cape de voir que j'étais plus sourd ou plus débile qu'eux.

-         Ecrivez- vous une autre pièce, en ce moment ?

-         Vous pouvez épeler la question ?

Maintenant, les auteurs morts comme vivants avaient viré la cape, ils se gondolaient tous, comme des baleines. (La baleine ça se gondole à donf ! C'est connu aussi)

-         Ecrire… autre…pièce ?

-         Désolé, j'ai mis la dernière dans le parcmètre.

Après, cela ne s'arrangea pas, car le peu de moyens qu'il me restait s'envola à cause de la main de la p'tite Marie qui cherchait l'interrupteur, pour diminuer l'intensité de la lumière, dans mon caleçon.

Chancel chancelant de plus belle, changea son fusil d'épaule.

-         Et vous, mademoiselle Marie. Qu'avez- vous en chantier ?

La p'tite Marie, fine comme elle était, eut la présence d'esprit de ne pas préciser que des chantiers, elle en avait plein le bâtiment. Elle se contenta de répondre sobrement : « Ouiii ! Oh, ouiii !!! » Quelle Actrice !

Voilà, c'en était fini de notre prestation. Dans le taxi qui nous ramenait Marie et moi, on eut le temps de faire quatre enfants, tous de la même mère et maintenant on vit peinard comme des renards (le renard est peinard, c'est moins connu, ça) avec notre marmaille, grâce aux royalties de notre premier et seul succès : « Théâtre »

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