Ma question au lama
jeffrey-gandhide
En voyage, je visite un temple et tombe sur le Lama, quelle chance ! Je me presse de lui demander un peu de temps (c'est effronté mais j'ai bien trop mal pour en avoir honte). Il me considère avec un large sourire et le regard attendrit, comme si j'étais venu lui faire des louanges. Là il me propose de manger avec lui. Vendu ! J'aurai tout le temps de le questionner.
- Merci de votre temps, voilà je ne vais pas tourner autour du pot : comment être heureux ?
- Crois-tu que le bonheur soit le même pour tous ?
- Trop mal pour jouer la devinette je reformule : comment avez-vous trouvé le bonheur ?
- On croit le voir derrière chaque sourire, après un examen ou en ayant reçu des parents le cadeau rêvé. Mais la joie ne dure qu'un temps, tout fini par nous être cruellement familier, pour ne pas devenir carrément dérisoire.
Je réfléchis à sa phrase... C'est vrai, chaque fois que j'ai été heureux c'était pour un temps… Ok, mais la question demeure. Avec une montée de tristesse je m'impatiente mais il poursuit :
- Il y a eu des moments de grande joie dans votre vie, c'est une évidence. Vous en rappelez-vous ?
- (Je réfléchis). Jeune j'avais sauté au cou de mon père pour une manette de Playstation, plus jeune encore c'était pour la Gameboy Color avec Pokémon. C'était des produits dont je rêvais, c'est vrai, mais qui aujourd'hui dorment dans un placard. Dans mes premières années, il y avait le Mégazorde des Power Rangers, je regardais les images dans les catalogues, m'imaginais des histoires et me voyais jouer avec… Je ne l'ai jamais eu et bien sûr, aujourd'hui, l'avoir me toucherai 5 minutes. (Je sens qu'il se passe quelque chose en moi avec ces réflexions)
- Sans ses convoitises quel aurait été votre cheminement ? Auriez-vous compris certaines choses sans les expérimenter ?
Sa question coupe mes réflexions et un flash me vient : un peu plus loin, 20 ans : je rêve ma première voiture, un appart' sur Paris et un travail qui me permettrait d'acheter, juste acheter, je ne parle pas de produits particuliers, pas de logements, simplement d'avoir la liberté d'acheter les choses qui me font envie.
Premier taff, je créé mon style vestimentaire et l'alimente, j'achète ma première voiture. Un taff régulier et un an après je loge sur Paris… Et le bonheur dans tout ça ? Ressenti, je crois, mais éphémère et même illusoire concernant Paris. Je pense avoir palpé un bonheur mais je ne le défini même plus comme ça… Je lui répond :
- Je crois que ces objectifs m'ont donné envie d'avancer, avancer en espérant un futur meilleur, un futur me garantissant le bonheur. Je palliais à une vie que je trouvais malheureuse… (Cette dernière phrase est un peu comme sortie de mon inconscient, de ma bouche, avant même que je la réalise, elle me fait un peu mal).
- Ces réflexions et la considérations du bonheur qui change se font justement parce que vous en avez la force aujourd'hui. Maintenant, ce bonheur, le petit enfant et le jeune adulte en avaient déjà une définition non ?
- C'est vrai, cette définition j'en étais convaincu à l'époque, ce n'est que depuis quelque temps que ma définition change
- Et... est-ce que ce n'est pas normal finalement ?
- C'est peut-être le chemin normal... (je n'ai plus d'impatience, la conversation change, elle est calme)
- Maintenant je questionne le petit enfant, comment il se sent ?
- (Je comprend que c'est une métaphore pour que je réponde spontanément, sans réflexion). Bien, calme, (avec un sourire) comme après un bon repas
- Est-il heureux ?
- (Je souris). Le bonheur serait la moyenne entre les piques, comment je me sens en dehors des espoirs ou des désillusions.
- (Il sourit). Et c'est là votre définition.
Nous avons terminé le repas sans presque parler de nouveau, l'ambiance était calme, apaisante, même les serveurs l'ont ressenti.
Je reprends ma visite touristique, le salue en le remerciant mais simplement, avec un sourire, comme à une simple rencontre dans la rue. C'était le Lama mais il ne m'a rien apporté de fou, il a orienté la conversation pour faire sortir mes réponses. Ou plutôt il a orienté la conversation pour cerner mes interrogations et cela sans avoir aucunes idée de mes réponses. Cette rencontre n'était pas la providence, c'est simplement mes questions qui étaient assez proche de la réponse pour que j'en sois satisfait, presque comme une validation.
Je poursuivis mes réflexions avec un regard sur le passé étonnamment lucide, presque comme si c'était le point de vue d'un autre. On construit des objectifs qui nous garantissent du plaisir en shot, un cadre qui nous donne le confort. Un plaisir qui retombe après le shot et un cadre qui avec le temps embrasse l'habitude. C'est pourtant une mécanique de survie très puissante et donc… légitime.
On construira des rêves similaire car ce sont des schémas récurrents : des objectifs et des actions différentes pour des émotions et des sensations similaires, éphémères… Et pourtant celui qui vit comme ça trouve un équilibre, cet équilibre ne fait simplement plus sens pour moi.
Ma question au Lama, GANDHIDE.
J'adore, "On nous fait croire", chante Souchon, le bonheur est pesé à la taille du caddie.
· Il y a plus de 2 ans ·Christophe Hulé
Ohh merciii ! Je n'ai pas la référence, j'irai voir
· Il y a environ 2 ans ·jeffrey-gandhide