Ma ruée vers l'or

yl5

Exercice de style

A la fin de mes études, je me souviens d'une annonce fascinante lue dans le Moniteur, concernant la vente d'un vaste domaine minier en Guyane, et avoir été tenté par son acquisition et la prospection du métal jaune, réputé à juste titre faire tourner les têtes.

Hélas ou heureusement mon destin m'a détourné de cette folie, mais malgré tout je cherche toujours et encore l'or mais dans les mots, assurément au grand bénéfice de l'environnement.

Alors dans la droite ligne des exercices à contraintes, je vous livre le résultat de ma quête, réduit à un texte, où sa présence est soit suggérée ou plus souvent ses deux lettres sont incluses dans les termes composant le récit.

 

Ayant tout plaqué en Oregon, randonnant vers le sommaire bourg de San Francisco avec un cortège comprenant leur roulotte déplorable remorquée par une rosse, trotteur réformé, aux mors et éperons rouillés, des bardots lourdement bâtés, et Médor leur labrador aux crocs prompts à mordre, Jason d'Épidaure ex-torero encorné lors de la corrida de Cordoue, et l'orgueilleuse Laure de Lorient divorcée de Raoul d'Auray, abordèrent et explorèrent sous un horizon solaire incolore survolé par corbeaux et condors leur concession accordée, morne fraction de Californie correspondant à un fourré éborgné décroissant à l'orée d'une cordillère entortillée autour d'une rocade en surplomb débordant d'ornières.

Dès lors ils bornèrent ce territoire pour le clore, lorgnant avec curiosité les trognes des forty-niners crottés à l'œuvre, forant tout autour leurs trous dans les moraines tels des forçats couperosés, environnés de norias désamorcées croupissant, d'ordures pourrissant dans des bourbiers marronnasses et de scories grouillant de cloportes.  

Roublards, ils comprirent précocement que ces laborieux orpailleurs ne s'en sortiraient pas glorieusement, mais qu'un commerce rigoureux offrirait obligatoirement et théoriquement la formule pour soutirer une importante portion des fortunes découvertes par ces fouilleurs temporaires, en valorisant sans trop d'efforts ni athanor ou cornue leur projet. Alors ils ouvrirent sans formalités un drugstore construit en rondins vermoulus et cornières remployées, où les cohortes de garimpeiros nord-américains ou provenant du Pérou, lors de leurs courses pourraient pour se fournir et se nourrir évaporer leur récolte contre un ordinaire budgétivore, et surtout pour soigner leurs tourments sporadiques. 

On y trouva sans ordonnance de l'herboriste ou du docteur des fortifiants sans hormones pour revigorer les organismes détériorés des souffreteux courbaturés et des moribonds sur les rotules : du chlore de Niort contre la méforme, les morpions et le compère-loriot ; de la mandragore d'Orly contre le scorbut, le torticolis, les entorses et les hémorroïdes ; de l'ellébore de Gisors absorbé oralement contre la torpeur, le coryza, le psoriasis, la cornée racornie et les orgelets ; de l'orpiment en poudre pour bigorner les microbes du pylore et des broches ou dégorger l'aorte ainsi que les coronaires des thorax tordus ; de l'orviétan aux orties et au cresson contre le choléra, l'ostéoporose, les orteils écorchés et les oreilles à déboucher ; et aussi du formol, du chloroforme et de la morphine en suppositoire pour assommer les douleurs troublant leurs corpulences anorexiques, mais pas de cortisone ni de borax. 

Les baroudeurs bosseurs les plus favorisés par le sort y troquèrent contre leurs trouvailles, leurs croquenots, leurs horribles anoraks et oripeaux troués, pour obtenir non pas des shorts courts, des frocs de croque-mort, des justaucorps informes, ou des grolles aux kroumirs sudoripares,  mais des brogues en crocodile, voire des accoutrements ordinairement portés par des milords modernes ou les monarques contemporains de Lahore.  

Les présentoirs de cet entrepôt de brocanteur regorgeaient de drôles de produits : des cordons bickford de Cork, des tromblons de corsaires portatifs, des brouettes pour mortier inodore de Portland, des rouets historiques contre les sortilèges, des corbeilles en osier du Morbihan, des brocs en porcelaine biscornue coréenne, des brimborions corrects de Lorraine, des torques coruscantes, des assortiments d'allégories pittoresques, des colliers pour corgis, des coraux des Açores, des anamorphoses multicolores d'Angkor, le boîtier reconnu de pandore, des coloriages de trombines de Baltimore, des croquis d'un baron créole, des corsages indéformables de Montreux, du déodorant à la chlorophylle, des horoscopes pour capricorne, des horloges et des montres chromées de Toronto, des cors forgés en Andorre, des amphores autoportantes, des sortes de cornemuses d'Armorique, des cordes pour quatuor, des torches en cornouiller, des oriflammes de Corfou, des conserves de troncs d'ornithorynque, des répertoires Oxford, un ouvrage sur l'humour et le logarithme d'Isidore Loriot, un mémorandum sur les normes de la corporation des cordonniers, une brochure soporifique sur l'amour des doryphores et des scorpions, le brouillon des propos corrosifs de Rousseau et de Robespierre, la correspondance originale romancée en cunéiforme de Gorki à Corneille sous forme de métaphores et d'aphorismes ronflants, des cornes d'oryx en origami, des ornements en ivoire de morse, un grimoire de sorcellerie des korrigans d'Hiroshima, des gourmettes en similor, des orchidées de Sapporo, des hortensias du Vercors, des cynorhodons de Dordogne, des immortelles de Mordovie, de la chicorée de la forêt de Belfort et du phosphore du Bosphore.

Pour améliorer la croissance inexorable de leur trésor en essor, ils profitèrent que les touareg zoroastriens, les orthodoxes Biélorusses, les anachorètes équatoriens défroqués, les Croates rigoristes désordonnés, les adorateurs sans tchador du Coran d'Oran, les protestants timorés de Dortmund et d'Hanovre, les mormons concordataires du Missouri, et les connaisseurs moroses et incorruptibles de la Torah, optèrent pour honorer la religion du porc d'or en ignorant leurs morales, et alors les commerçants s'associèrent pour collaborer avec la torride et décolorée Flore de la Nouvelle-Orléans pour monter un bordel abordable, propre et florissant.

Elle apporta d'abord pour boire de nombreuses tournées un comptoir gorgé de Kronenbourg au sorgho, de Gévéor de contrebande, de tord-boyaux salvadorien et de cordiaux des Corbières avec Nestor et ses garçons ; puis pour les rondes ou les boléros un orchestre folklorique avec orgue, ocarina, accordéon, trompes, chorale avec Florent le  corpulent ténor maori et Hector le soprano crooner roumain, mais surtout Corinne, Flora, Doris, Dorothée et Ornella d'adorables orphelines déshonorées, converties avec force torgnoles en d'accortes prostituées corvéables, arborant des torses aux rotoplos corsetés et des porte-jarretelles noirs, qui subornées morflèrent pour accomplir de sordides fornications gores, provoquant contre des dollars ou des paillettes, des orgasmes exorbitants sans fioritures aux organes filiformes des porions déformés et essorés, devant leurs orifices et clitoris torturés, sans omettre d'insupportables blennorragies.  

Métamorphosés en millionnaires croulant sous la surabondance, nos sombres héros corrompus songèrent dorénavant à abandonner leur foyer poreux sans confort.

Laure se croyant décoratrice élabora alors son programme pour concevoir un manoir à la Chambord, calorifugé et insonorisé, aux croupes couvertes en ardoises, où pour les dorloter un majordome professionnel de Londres commanderait une troupe de soubrettes et un personnel performant.

La propriété entourée par une clôture robuste de forteresse comporterait un portail en bronze doré et orme chantourné, ouvrant sur une cour gravillonnée, et un forum arboré bordé par une orangerie et ses oriels, un triforium en torchis victorien, de gloriettes armoriées avec des profils de gorgones, de tours arrondies bouchardées formant des miradors sans débords, d'avant-corps en porte-à-faux, et de contreforts en encorbellement.

Unecorniche à bec-de-corbin couronnerait des portiques doriques et corinthiens en diorite orbiculaire de Corse. L'impressionnant porche parcouru, on découvrirait un corridor orné de poutres torsadées en sycomore corroyé reposant sur des parois de porphyre rouge et de cornaline orangée, support des portraits des propriétaires, des eaux fortes de Fragonard, des reproductions du Gréco et des panoramas de Pretoria, qui les conduirait vers un grandiose séjour au décorum rococo, où le brocart dominerait et où ressortiraient pour s'asseoir des guéridons aux napperons brodés, des tabourets tarabiscotés, des cabriolets pléthoriques, et des voltaires aux dossiers ouvragés, avant de rencontrer après un boudoir romantique un formidable dortoir sans convertible, puis un bonheur-du-jour en poirier de Corrèze, et d'énormes armoires normandes en robinier avec des tiroirs courbes, sans oublier des chiffonniers en pommier de Cahors pour loger une incommensurable garde-robe, suivront un coucher où dormir, port de Morphée, avec ses oreillers et ses courtepointes en organdi tricolore et des couvertures en fourrure de castors d‘Ontario et d'ours de Moravie, et à proximité trônant sur une plateforme marmoréenne en portor, une baignoire hors normes en corindon et fluorine marocaine avec une robinetterie recouverte de carats.

Un prototype d'escalator raccorderait le couloir d'honneur à un laboratoire pour gastronomes où une tortore roborative de cordon-bleu serait élaborée par Norbert au fourneau patron des marmitons, pas pour que les ogres morfals gourmands et gourmets picorent des rogatons, mais se goinfrent et dévorent dès potron-minet avec un robusta torréfié : des brioches de Bornéo, des croissants de Louksor, du porridge de York, des corn-flakes d'Orgeval, des croque-monsieur d'Orsay ; puis des hors-d'œuvre dont du bortsch de Kherson, du foie-gras au torchon, des rogues d'esturgeon, des ormeaux des Comores ; des rollmops avec ses gros cornichons, du homard thermidor, de la tortue du Timor, de la morue portugaise, de la dorade du détroit d'Ormuz, du rouget de Roubaix, des brochettes de brochet aux brocolis ; du goret à l'origan, de la mortadelle lombarde, du chorizo du picador, des raviolis de Formose aux girolles, des tourtes aux poireaux, des colverts rouennais aux crosnes, des ortolans aux morilles, de la choucroute de Forbach, le rosbif et le tournedos morceaux du boucher, des rôtis d'auroch aux aromates, des rognons de Rotterdam, du corned-beef au Kubor et à la coriandre, de l'entrecôte bordelaise, des orignaux à la  broche, des scaroles romaines, de la fourme, du roquefort et du gorgonzola, du pop-corn à la confiture, des sorbets aux goldens, des bavarois et des charlottes aux marrons, du touron d'Aragon, des macarons à la rose et des florentins euphorisants, des croquignoles arrosés de Bourbon royal, de Porto hors catégorie, de Bordeaux et de Bourgognes d'origine contrôlée, de roteuses dom Pérignon, et pourquoi pas de sirop d'orgeat.

Leur avoir monstrueux débordant désormais de leurs grassouillets et coriaces coffres forts, un ordre opportun résonna : « Filons ! »

Alors que dehors Orion mourait, lors d'une aurore favorable d'octobre, ils sortirent leurs pépites, lingots et barres avec discrétion et leurs passeports, pour les transporter sur le littoral pour occuper un cargo protégé par une corvette et un torpilleur jordanien en direction de Bangalore, via le Colorado et la Floride.

Sans forte escorte protectrice hormis Igor, Fédor et Boris leurs trois gorilles périgourdins, ils jouèrent les cochers d'opérette et s'envolèrent de leur coron, mais poursuivis en cours de route par une horde de rôdeurs gouvernée par l'ex major nordiste Théodore Morgan Junior et son subordonné le caporal Georges Robert Ford incorporant aux troufions tocards hors-la-loi des desperados et des forbans sortant de prison, ils foncèrent tant que les rayons corrodés de la roue droite rompirent transformant leur chariot en corbillard, et ainsi ils tombèrent et roulèrent avec leurs quatorze fourgons dans la gorge du rio Bravo, aussi profonde qu'un fjord norvégien, et coulèrent emportés dans un vortex, tourbillon mortel, alourdis par leur or dont ils doublèrent leurs caracos en angora et leurs uniformes de conquistadors.

Jason alors pérora implorant ses proches : « Maman, viens m'aider ! » Sur ces paroles ils se noyèrent dans le torrent corsé par un extraordinaire orage, et personne ne les retrouva dans cette morgue tropicale, cromlech et eldorado conservé par les alligators et les crotales.

 

  • je le lirai en plusieurs fois. :o))

    · Il y a plus d'un an ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

    • C'est vrai que cela en fait des mots à lire !

      · Il y a plus d'un an ·
      30ansagathe orig

      yl5

    • et encore plus de lettres. :o))

      · Il y a plus d'un an ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

    • 1862 mots et 10635 caractères sans les espaces !

      · Il y a plus d'un an ·
      30ansagathe orig

      yl5

    • c'est fou ce qu'il peut y avoir de lettres dans une lettre. :o))

      · Il y a plus d'un an ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

    • c'est fort!

      · Il y a plus d'un an ·
      One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

      vividecateri

  • Voilà un texte hors du commun!!! j'aime bien le mot brimborion... Mais pourquoi avoir écrit robinetterie recouverte de carats. alors qu'il suffisait qu'elle soit en or... ah peut-être pour voir si j'allais le relever.... lol je te taquine Bravo belle performance à la Perec et dans son prénom il y a or ... aussi ce cher Georges... J'aime bien aussi les gardes du corps périgourdin...je me suis régalée... des kissous du dimanche

    · Il y a plus d'un an ·
    One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

    vividecateri

    • Un grand merci, pour la robinetterie je ne voulais pas utiliser plusieurs fois le mot or tout simplement ! Bon dimanche au chaud car ici en Picardie ça fait froid ce matin ! Byses.

      · Il y a plus d'un an ·
      30ansagathe orig

      yl5

    • C'est l'or, Monseignor, il est l'or de se lever.
      C'est vrai que c'est une "performance à la Perec".

      · Il y a plus d'un an ·
      Lwlavatar

      Christophe Hulé

    • des kissous ici 12 degrés en dordogne

      · Il y a plus d'un an ·
      One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

      vividecateri

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