Mademoiselle Rachel : épisode un

anakronique

Mademoiselle Rachel : épisode un.

                                                                                                                                                                           Quand l’ennui me prend, quand l’envie me tend, j’aime bien aller les soirs de brume, rendre visite à madame Janine, une femme charmante qui a la profession peu commune de tenancière de bordel ; ho une maison propre avec des filles de toute beauté, un endroit ou l’ont retrouve toute la bourgeoisie locale, du sous-préfet à l’archiprêtre en passant par le petit commerçant avare qui prend les filles les moins belles parce qu’« un commerce, ça gagne mal. »

Mais moi le traine-savate, le traine surin, j'ai juste droit aux cuisines, je les vois par la porte entrouverte tous ces nantis maltraiter les gamines pour assouvir leurs bestiaux instincts ; et parfois ça me fait mal ; alors quand les filles passent derrière le comptoir je leurs prépare mon vrai café, pas celui des pauvres, pas du tire-jus pour prolos, non, du vrai, du qui fait voyager, du qui fait oublier la misère. Elles s’asseyent là quelques instants, une tasse à la main, je leurs raconte mes péripéties à travers ce vaste monde d’inhumain, parce moi j’ai bourlingué pas mal de bleds dans la coloniale ! Ça leur remonte le moral aux gamines. Elles repartent toujours en me claquant un sonore baiser sur la joue, ça me suffit, c’est mon bonheur ; madame Janine m’appelle le psy, je n’ai jamais compris la signification du mot, mais j’aime ça. On dirait que je suis utile et ça me plaît, en plus je fais des petits travaux dans l’établissement ; je monte le bois, je répare la plomberie qui casse « les filles se lavent souvent ici », je donne un coup de main à Farida la cuisinière les jours de grosse affluence et de temps en temps pour me remercier madame Janine me laisse aller avec mademoiselle Rachel.

Mademoiselle Rachel c’est comme… c’est comme si les bons dieux avaient lâché un ange sur terre pour embêter les riches ; anarchiste qu’elle est ! « Le pouvoir appartient au peuple ! » « Mon corps m’appartient j’en fais ce que j’en veux ! ». Elle parle bien, « avec l’argent de mon corps je nourris ma famille ». Quand je suis avec elle j’ai l’impression d’être un monsieur, y a du respect pour moi, et ça me plait, ça me plaît beaucoup.

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