Make me thrill as only she knows how

walkman

Je m'appuie sur l'encadrement de la porte du grand salon de Zara. Au milieu de tous ces gens gentils qui papotent un verre à la main, la styliste donne vie à une de ses création bleue marine, elle ne parle à personne et tient son verre de champagne comme si elle craignait de le faire tomber par terre. Elle tournoie dans la musique, la tête un peu penchée sur la droite, sa coiffure sophistiquée un peu défaite et les jambes un peu faibles. Un autre océan que je contemple en enfonçant mes cordes vocales dans un verre bien tassé et dans la cigarette. Difficile de croire qu'une femme comme elle n'ait pas obtenu ce qu'elle espérait. Difficile de l'accepter. Je laisse passer deux jeunes types qui se marrent en suivant leurs canettes de bière et j'avance dans la plèbe. Forcément vers ce qu'elle a de plus joli. Je n'entre pas tout de suite dans son espace, parce qu'elle doit avoir besoin de terminer la chanson de Dean Martin. Et nous aurions tous besoin d'être influencés. Elle libère peu à peu son corps et prend le train musical en pleine course avec pas mal d'élégance. J'aime les belles femmes même quand elles sont tristes. Surtout quand elles sont tristes. Parce que cela signifie qu'on trouvera des choses à se dire. Je peux entendre le son des violons bien avant que ça commence. 

"J'aime la façon que tu as de boire."

Elle n'arrête pas vraiment son élan, mais elle s'approche de moi. 

"Elle me donne envie.

- Putain c'que c'est romantique."

Elle prend ma main après que j'ai porté la cigarette à ma bouche, et commence à tourner lentement autour de moi. Je n'aime pas danser, ça me rend mal à l'aise, j'ai l'impression de parader. Mais à cet instant et pour celui-la seul, je ferais n'importe quoi pour elle. J'en veux au monde de les rendre malheureuses. Elle n'a pas l'air d'être une mauvaise fille, certaines tournent mal mais la plupart du temps, c'est par la force des choses. C'est une réaction épidermique. Elle a la peau douce, que je sens dans ma paume quand elle dépose ma main sur son épaule. Ça n'empêche en rien d'avoir mal mais cela fait aussi partie de la vie. 

"Je pensais que tu m'en voudrais..."

Je prends soin de cracher la fumée vers le plafond. 

"Pourquoi est-ce que je t'en voudrais ? 

- Eh bien parce que j'ai fini avec ton plus grand ennemi, l'autre soir."

Je secoue la tête, ça ne m'a même pas effleuré l'esprit. 

"Tout le monde a le droit de se tromper de personne."

Elle acquiesce dans un très beau sourire. 

"Et là, c'est toi qui te trompe, hein ?"

Je ne lui mens pas. Pas maintenant. Je ne suis pas ce chevalier blanc innocent qui lui donnera des raisons d'y croire. Mais je peux lui assurer qu'un veinard existe. Ça l'amuse et on continue de se plaire. Plus les minutes passent, moins j'arrive à voir les autres êtres humains qu'il y a autour de nous. Je me focalise. J'espère. Je parade. Elle m'influence pour que je continue d'envisager ma vie comme l'idée que j'avais. Le son des violons commence maintenant. Au moment où elle m'embrasse. Il n'y a plus de chanson, et je n'entends pas non plus les conversations qu'il y avait partout. La seule chose que je sens, en plus du regard emmerdé d'Igor Levy, c'est la promesse de lendemains meilleurs. A influencer les jolies femmes, à contempler ses yeux bleus... A me souvenir.

"Comme une fleur qui croit qu'elle s'envole parce qu'elle plie sous la brise."

Elle me regarde, regarde mon verre et ma cigarette. 

"Mais si je te déracine, tu vas mourir..."

De toute façon les vents s'essoufleront avant. 

Signaler ce texte