Mal à ma Poste

Jean Claude Blanc

                                        Mal à ma Poste

Bientôt retraite des durs à cuire

Vais me tirer, sans coup férir

Serrer les mains de tous mes potes

Le cœur serré, mal à ma Poste

Petit commerce, bien à portée

Des citoyens, des obligés

Le Préposé, dès première heure

A son métier, rend les honneurs

C’est un complice, drôle de compère

Trinque toujours, cannette de bière

On a nos us et nos manières

Mal à ma Poste, plus solidaire

Organisée comme une armée

Y’a des brigades de volontaires

Des chefs et des hommes à tout faire

Porter courrier, mission sacrée

On n’est plus que des usagers

Des numéros sur un fichier

Si ton adresse est raturée

File au rebut, des délaissés

Agent d’avant, compatissant

Il connaissait tous ses clients

De déchiffrer, prenait son temps

Mal à ma Poste, intransigeante

De nos tournées, on est plus maitres

On compte même les boîtes à lettres

Sont calculés les kilomètres

Mal à ma Poste, au chronomètre

Se faire des sous, un point c’est tout

Conter fleurette, on s’en fout

Vendre à tout prix, c’est le grand cri

Mal à ma Poste, plus humaniste

Des vieux soudards on en veut plus

Car ils polluent les jeunes recrues

Service public, perdu de vue

On a changé de devanture

Mal à ma Poste, pourtant y bosse

Y fais des heures à rallonge

Suis-je trop con, trop consciencieux

Jeunes qu’arrivent, moins scrupuleux

J’ai commencé comme les copains

Paris concours, de contrôleur

Centre de tri, nuits de labeur

Garnir casiers, de litres de vin

Les PTT, on s’appelait

On arborait blason doré

Mais le slogan, on l’a changé

Banque Postale, et Centre Courrier

Les Télécom se sont barrés

Nos cogiteurs, à court d’idées

De leur haut siège ont calculé

Qu’il valait mieux, tout séparer

Pas mettre leurs œufs dans même panier

En un clin d’œil, tout transformer

Vieux bâtiments, en tôle d’acier

Petits agneaux, tous rassemblés

Avec réflexes conditionnés

Mal à ma Poste, d’autrefois

L’époque où l’on avait la foi

Le foie solide, de s’en descendre

En cartonnant début décembre

Les managers, n’ont rien compris

La clientèle, faut la soigner

Pour l’attirer, y mettre le prix

Mal à ma Poste, mal gérée

Les vieux penseurs, qui disent vrai

Perturbent système, faut les virer

On fait appel aux CDD

Sont à la botte, bien obligés

Service Public, on en est fier

Mais on veut plus de fonctionnaires

Cherchez l’erreur, y’a comme un hic

Sont hypocrites, nos politiques

Notre savoir-faire, connait la crise

Crise de conscience, ça va sans dire

Les dignitaires, comptent leurs chiffres

Mais se suicide notre entreprise

Mal à ma Poste, à l’agonie

J’y vois pas beau, pour l’avenir

L’Europe se joue, les économe

A rendre esclaves, tous ses bons hommes

Un coup dans l’aile, notre humanisme…

Mal à mon poste, qui se dégrade

Service social, quelle rigolade

Nouveau slogan, pour taire les peines

Corne d’abondance, ressources humaines

Croise mes potes, à la retraite

Qui ont soldé pour 3 fois rien

Années de galères, de turbin

Mal à ma Poste, que l’on maltraite

A quoi ça sert, se lamenter

Notre malheur, on l’a cherché

Faut diviser pour mieux régner

Nos camarades, n’ont rien pigé

La grande famille des postillons

C’est une histoire, de troufignons

Chacun sa merde, ses ambitions

Pour récolter quelques galons

Notre entreprise est devenue

Une république bananière

Où sont passées ses belles vertus

On n’ose plus brandir bannière

Les nouvelles races de postiers

On les trouve à l’ANPE

Ces pauvres gamins, désorientés

Aiguisent vite, leurs dents d’acier

Je vais tirer ma révérence

Poste d’antan, de mon enfance

N’en reste plus, quelques débris

De nostalgie, suis envahi

Lettres de noblesse, on a perdu

Il n’est plus temps, de regretter

Les citoyens sont les cocus

A quoi ça sert d’aller voter

On ne nous vend, plus que du vent

Embarrassé gouvernement

Se laisse mener par bout du nez

Car ont du flaire, les banquiers

Mal à ma Poste, pense à mes potes

On fait le job, mais que faire d’autre

Car on nous tient la dragée haute

C’est nous qu’on bosse, c’est nous qu’on snobe  

JC Blanc        février 2013

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