Malheur, Enfer et Dame Nation -dernière partie

Juliet


L'endroit était sale, l'endroit était poussiéreux. C'était un chantier abandonné où les pierres de bâtiments en ruines s'amoncelaient sur le sol, entravaient toute liberté de circulation sur ce sol sec et sableux. C'était comme se trouver au milieu d'un champ dévasté par une explosion, désolation humaine d'un passé anéanti jusque dans les mémoire. Là où les pierres régnaient, il y a peu encore des humains avaient leur place, jusqu'à ce que la volonté des hommes ne fasse un désert de ce quartier où habitants furent chassés comme des pestiférés par leur propre état.
Frottant le bout de ses semelles contre la poussière, ses mains refroidies par l'atmosphère ambiante, Terukichi tournait en rond, le nez baissé.
Il était le seul symbole de vie dans ce mort paysage, il était la solitude alors, et si le ciel était ce jour-là aussi gris que l'horizon désolé qui s'étendait à perte de vue, il faisait jour dans l'esprit de Terukichi qui voyait plus clair que jamais.
Terukichi a mis fin à ses pas d'impatience lorsque, se détachant dans le fond morne du paysage, il a vu cette silhouette. Elle avançait vers lui, d'un pas flegme mais sans hésitation, et semblait gagner en assurance au fur et à mesure qu'elle avançait à travers le rideau opaque de poussière. C'était un mur immatériel qui les séparait et qui se brisait au fil des secondes et, bientôt, la silhouette n'en était plus une comme elle avait pris les traits et les contours nets qui la distinguaient de tout anonymat.
Parce que Terukichi n'était pas une personne que l'on pouvait intimider facilement, il n'a eu aucun mal à lever le regard pour toiser cet homme qui le surplombait du haut de son mètre quatre-vingt dix.


« Tu me regardes avec ces yeux là, luisants d'une victoire sadique, mais toi, vois-tu, tu n'arrives pas à la cheville de Masashi. Parce que ses yeux ne brillent d'aucun éclat quels que soient ses sentiments, parce qu'ils ne laissent rien lire dans leur noirceur éteinte, lui, il est beaucoup plus fort que toi.
Parce que toi, tu es un salaud qui ne peut pas se cacher. Lui le peut, tu sais. Masashi sait se cacher. »


-Tu les as ?

C'était direct, c'était honnête. Il n'y avait rien qui intéressait cet homme agité par l'impatience que ce que Terukichi dissimulait sur lui.
-Bien sûr, je l'ai.
-Donne-moi la preuve que tu ne mens pas.
-Que voulez-vous dire ?
-Tu disais que tu ne voulais pas d'argent en échange. Pour cette raison, tu admets qu'il m'est légitime de me méfier de toi.
-J'ai pourtant une bonne raison de le faire. Ce n'est pas pour vous, vous savez, c'est pour moi.
-Et je peux savoir ce que ça t'apporterait ?
-Je hais cet homme. Il n'y a rien d'autre à savoir.

Terukichi se retient de rire. Il est de marbre, vu de l'extérieur, blanc et impassible, un bloc insensible de matière organique, et pourtant à l'intérieur de lui, Terukichi est mort de rire. Il pense à Tatsurô qui a failli mourir de chagrin, à Miko qui a failli mourir de douleur, et Terukichi est mort de rire. Il frôle un but et ce n'est plus qu'une question de secondes avant de le tenir fermement dans sa main.
-Alors, dépêche-toi de me le donner.
-Il y a quand même une chose que je veux en échange.
La main que l'homme le surplombant lui avait tendue, elle est demeurée suspendue dans le vide de l'attente. Un sourire narquois est passé sur ce visage qui semblait avoir été taillé grossièrement dans de la roche brute. Un visage qui présentait des traits irréguliers, des aspérités et des cicatrices qui étaient comme des estafilades gravées au couteau sur la pierre.
-C'était trop beau, hein... Et qu'est-ce qu'un gamin comme toi devrait vouloir ?
-Je veux m'assurer de quelque chose. Juste... que vous m'ôtiez d'un doute qui n'a jamais cessé de me hanter durant des années.

C'est lorsque le regard jusqu'alors hautain de l'homme a vu brusquement sa nature se transmuer que Terukichi a su. Il avait raison, Teru, lorsqu'il disait que Masashi était démesurément grand.
Mais Masashi avait tort, pourtant, lorsqu'il lui rétorquait que c'était lui qui était trop petit.
Petit, Terukichi ne l'était pas. Il ne le serait plus jamais. Et ça, c'était une victoire dans le cœur du garçon qui, ses yeux brillants levés sur son interlocuteur, n'a pas frémi des paupières lorsqu'une éclaircie soudaine vint irradier ses iris d'un rayon inattendu.
-Pour le livre que je détiens, Monsieur, vous pourrez bien satisfaire la simple curiosité d'un adolescent, n'est-ce pas ?
Il n'y avait pas besoin de réponse formulée. Terukichi l'a eue lorsque son interlocuteur a enfin baissé cette main qu'il avait gardée tendue, envieuse. Et quelque chose au coin de son sourire laissait présager à Teru qu'il ne déplaisait pas à son interlocuteur de s'embarquer dans un voyage imprévu.
-Et ce que tu veux savoir, gamin, qu'est-ce que c'est ?
Terukichi a levé les yeux au ciel. À ce moment-là, le rayon blafard qui illumina ses iris l'aveugla.












-Terukichi a... quoi ?
C'était Masashi qui avait parlé, et pourtant, ce sont les yeux de Miko qui ont exprimé au destinataire de ces paroles toute leur détresse, toute leur angoisse, et ce refus au fond d'y croire, cette incapacité à comprendre, mais cette fatalité aussi, cette désolation qui disait que tout cela avait beau ne paraître être qu'un cauchemar, c'était une réalité qui frappait de plein fouet, un boulet de canon dans la forteresse de l'âme qui fait s'écrouler les pierres qui assuraient jusqu'ici un semblant de sécurité.
Des ruines poussiéreuses, un sol stérile jonché de roches explosées, un paysage de désolation et de ruines dominé par un ciel gris.

C'était Masashi qui avait parlé la gorge nouée, oui, et pourtant, Miko a dirigé sur Tatsurô des yeux qui le suppliaient de dire que ce n'était qu'un mensonge.
Mais le dire, tel eût été le mensonge, et Tatsurô a ignoré ce doux visage assombri par l'inquiétude pour mieux savourer celui que Masashi lui présentait enfin, dépourvu de son masque d'insensibilité qu'il n'avait jamais cessé de forger et de perfectionner au fil des années. Il avait fini par devenir criant de vérité, ce masque, ressemblant comme deux gouttes d'eau au visage naturel de Masashi, il avait réussi à tromper le monde autour de lui, mais à tromper le monde en lui aussi, ce masque qu'il n'arrivait plus à différencier de son véritable visage, et le voilà à présent qu'il avait été tombé sans plus de difficulté que l'on n'arrache ses plumes à l'oiseau blanc attrapé en plein vol.
La voix de Tatsurô a transpercé l'air comme la balle du fusil qui avait tombé l'oiseau.
-C'est de ta faute, aussi. Réellement, je ne pensais pas... que tu avais perduré les habitudes de notre père. Alors, lorsque Terukichi m'a appris qu'il l'avait trouvé... Si tu savais combien j'ai ri de constater à quel point tu peux être imprudent, Masashi. Toi, je crois que l'orgueil t'a monté à la tête au point que tu en as oublié que tu étais tout aussi vulnérable que quiconque.
-Tatsurô.
-Masashi, et tu sais ce qui est le plus drôle dans tout ça ? C'est que tu ne peux pas le haïr, Masashi, tu ne peux pas le lui reprocher, parce que tu sais que ton propre drame n'est que le résultat de tes erreurs et, Masashi, tu peux bien aller le dénoncer, Terukichi ne pourra jamais être emprisonné à cause de cela parce qu'il est un querelleur, et qu'il a tous les droits sur ceux que la justice n'a pas châtiés pour leurs crimes !
-Tatsurô !

Tatsurô a fait face. Devant la main de Miko qui se levait, menaçante, il a juste attendu avec courage le coup qui le blesserait plus au cœur qu'au corps. Mais le coup n'est pas venu. Pleurant de rage, Miko le fusillait du regard tandis que, autour de son poignet, la main de Masashi s'était resserrée, fatale.
-Lâche-moi.
-Non, Miko, ce n'est pas la réaction appropriée. C'est trop tard de toute façon.
-Encore en train de jouer les moralisateurs, railla Tatsurô, amer. Tu es si désespéré que tu es obligé de t'inventer une personnalité sur-mesure pour ne pas te faire haïr, Masashi. Voir ton visage me dégoûte.
-Masashi, je te dis de me lâcher, luttait Miko avec rage, Tatsurô, il...
-Arrête ! Il est de ton côté, alors qu'est-ce que tu obtiendrais à le frapper, dis ?! Ce n'est pas à toi qu'il s'en est pris !
-C'est à mon frère qu'il s'en est pris, abruti !


Masashi s'est plié en deux, le souffle coupé. Le coup de coude reçu en plein ventre le rendit inapte à la parole et alors, libérée de son entrave, Miko s'est avancée vers Tatsurô, menaçante.
-Est-ce que tu te rends compte de ce que tu as fait ?! Est-ce que tu te rends compte de ce que tu lui as fait faire ?! Tatsurô, alors que j'ai défendu ta cause durant tout ce temps, alors que je te faisais confiance et te soutenais lorsque tu disais que tu espérais seulement retrouver ton bien et ton frère, toi, tout ce à quoi tu pensais, c'était le détruire ! Est-ce que c'était vital pour toi, ça, Tatsurô ?! Est-ce que tu avais besoin de ruiner Masashi plutôt que de tenter de lui pardonner au point d'utiliser Teru pour ça ?! Pour quoi est-ce que tu crois que j'ai vécu toutes ces horreurs durant ces années, Tatsurô ?! Pour qui crois-tu que j'ai survécu tant bien que mal tandis que je ne pensais chaque jour qu'à la mort comme la seule issue possible à la souffrance ?! C'était pour Terukichi, tout ça ! C'était pour mon frère, Tatsurô, c'était parce que je ne voulais pas le traumatiser, c'était parce que je voulais continuer à le voir grandir, c'était parce que je voulais m'en sortir et lui offrir une vie digne, c'était parce que je voulais l'élever et lui faire oublier le deuil de ses parents et toi, Tatsurô, tu as osé faire ça ?! Tous les sacrifices que j'ai subis pour Terukichi, toi, tu les as gâchés en forçant mon frère à devenir un voleur, un traître, un criminel, Tatsurô, tu as fait de mon frère ce que je ne voulais jamais le voir devenir ! Et tout ça pour ta satisfaction personnelle ?! Et tout ça parce que tu n'as même pas eu le cran de faire face à ton propre frère, il a fallu que tu fasses appel au mien pour régler tes problèmes ?! Mais comment as-tu osé, Tatsurô, abuser de nous qui étions tes amis et tes alliés, comment as-tu osé, Tatsurô, profiter du statut prétendument intouchable de Terukichi alors que, dans le fond, tu sais à quel point il est...
-Miko, calme-toi.

« Tu sais à quel point il est vulnérable. »

La bouche emprisonnée derrière la main ferme de Masashi, Miko est devenue muette. Mais si sa voix ne pouvait plus émettre que des sons étouffés et indistincts, tout son être entier hurlait à Tatsurô la rancœur, l'amertume et la déception de cette trahison.
Du moins ce qu'elle prenait comme telle.
Et il ne ressentait rien, Tatsurô, face à cette haine évidente et irréversible, parce qu'il la savait engendrée par l'illusion et le mensonge, Tatsurô n'a eu d'autre regret face à cette haine que celui de ne pas pouvoir prendre Miko dans ses bras.
Parce qu'il n'existait jamais de haine en Miko qui n'allait de paire avec la tristesse.
Et c'était bien de la tristesse cette fois qui dégorgeait tandis que Miko, sans bruit, versait des larmes qui venaient s'écraser contre la main de Masashi. Cette main qui la maintenait sans violence, l'homme a fini par la retirer, laissant chancelante la jeune femme perdue dans la déréliction.
-Ce n'est peut-être pas trop tard.
 
Miko a baissé la tête. Instinctivement, elle avait tourné le dos pour se tourner vers Masashi. Même si elle ne lui a pas jeté un regard, même si elle ne lui signifiait pas être de son côté, du moins elle signifiait à Tatsurô qu'elle n'était plus du sien.
-Si tu me dis où est-ce qu'il est allé, Tatsurô, je vais arrêter Terukichi.
Silence. Tatsurô n'a aucun doute. Ce n'est pas pour empêcher le garçon de commettre un crime qui n'en était pas un, ce n'était pas pour soulager Miko qui était terrifiée à l'idée de voir son frère corrompu, et la seule volonté de Masashi était d'empêcher Terukichi de commettre l'acte qui signerait la fin de sa glorieuse carrière. Cela, Tatsurô le savait parfaitement ou, du moins, il ne doutait pas de le savoir.
Alors, il ne sait pas pourquoi il l'a fait. Il s'est dit que c'était juste insupportable de voir Miko pleurer et pourtant, dans le fond, Tatsurô n'était pas convaincu par cette seule raison.
-Puisque c'est de toute façon trop tard, puisqu'il a déjà franchi le pas, Masashi, je peux te le dire.









-C'est de votre faute, aussi. Avoir caché ce livre sous un faux fond de tiroir... J'allais forcément le trouver. Vous ne croyiez tout de même pas que je ne profitais jamais de votre absence pour fouiller, non ? Avant même que Tatsurô ne me dise où il était, je l'avais trouvé. C'est parce que je l'avais trouvé que j'ai eu cette idée, d'ailleurs. Hein ? Pourquoi vous semblez surpris ? Je vois... vous pensiez que c'était l'idée de Tatsurô. Ne méjugez pas les gens comme ça ; Tatsurô n'est pas comme moi, il n'est pas de nature si sournoise. Lui, ce qu'il voulait, ce n'était pas une vengeance. Mais ce qu'il voulait, dans le fond... je crois que j'y ai toujours prêté moins d'attention à ce que je voulais, moi. Et ce que je voulais, c'était vous emmerder. Ouais, c'est cela... J'ai eu cette putain d'envie de vous emmerder qui m'a amené à donner ce livre à votre plus grand concurrent.

Silence. Masashi était épuisé, éreinté, désabusé. Il n'y avait en lui pas plus d'envie de se défendre qu'il n'en avait de supporter plus longtemps ce sourire narquois par lequel Terukichi lui manifestait tout son mépris. Il n'avait pas envie de s'y confronter, non, et pourtant, Masashi n'a pas fait mine de s'en aller. Il avait le souffle court, Masashi, les poumons torturés par cette poussière qui flottait tout autour d'eux, et son allergie ajoutée à l'épuisement d'avoir couru sur deux kilomètres, il lui était demandé plus d'efforts et de volonté encore pour respirer que pour faire face à cette abomination. Celle que lui inspirait ce visage d'ange assombri par le dégoût.
-Vous ne me frappez pas ?
Masashi baisse les yeux sur Teru. Lui a cessé de le regarder à ce moment-là. Ce n'était en rien de la gêne, et moins encore de la peur, oh, non, seulement, Teru fixait le vague, pensif, et si ses pensées étaient invisibles, leur nature transparaissait comme il fronçait inconsciemment les sourcils.
-Je donnerais cher pour pouvoir le faire.
Masashi s'est demandé s'il l'avait entendu. Plongé dans son monde intérieur, Terukichi semblait être déjà bien trop loin pour pouvoir remonter à la surface. Pourtant, sa voix a paru si proche à Masashi.
-Parce qu'il y a quelque chose qui vous en empêche ?
-Imbécile. T'es qu'un minus, je ne peux pas lever la main sur toi.
-Je ne suis pas petit, Masashi. D'ailleurs, j'ai très récemment découvert qu'en réalité, j'étais quelqu'un de grand. Seulement, vous, vous êtes immense. Alors tout le monde paraît petit à côté de vous. C'est comme ça, c'est pour ça... que vous avez marché sur le monde.

Masashi se demande. Il se demande quand et comment Terukichi a découvert la réalité ; celle de sa grandeur. Il voudrait connaître l'élément déclencheur, la nature de cette étincelle qui avait illuminé ses yeux et, avec eux, le monde qu'ils voyaient, ainsi que son propre reflet. Il se demande comment Terukichi fait pour réaliser si jeune des vérités que certains n'ont jamais acquises jusqu'à leur mort, et comment peut-il malgré tout, en dépit de cette lucidité évidente, se tromper si lamentablement. Masashi n'est pas immense. Croire le contraire, c'était sans doute la pire erreur qu'avait jamais faite Teru.
-De toute façon, partons d'ici.

Ça avait sonné comme une conclusion parfaite. D'un ton naturel, presque indifférent, Masashi avait déclaré ces mots et, sans plus attendre de réaction, avait déjà tourné les talons. Les mains dans les poches. Les deux dans les poches, alors aucune sur le cœur. Tant pis, songe Masashi avec lassitude. Le temps n'est pas encore venu. Peut-être ne viendra-t-il jamais. Tout ce qui importe à Masashi en cet instant-même est de fuir sans condition ces infimes particules environnantes qui polluent son atmosphère et oppressent ses poumons.
Demeurer quelques minutes de plus dans cet univers de poussière pourrait lui être fatal, autant pour les dégâts physiques que cela lui causerait que pour la dépression que cette désolation environnante effectuerait sur son moral. Bientôt, Masashi a entendu derrière lui les pas lents de Teru le suivre, gardant entre eux une distance qui se devait d'être là dans cette situation qui voulait laisser croire qu'ils étaient officiellement deux ennemis en pleine guerre froide.
Une fois encore, en entendant la voix de Terukichi, Masashi a eu l'impression de le sentir de lui plus proche qu'il ne l'aurait cru.
-De toute façon, le journal de votre père, vous le récupérerez. Il n'y a pas d'autre choix.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 





 

-Tu refuses encore de m'adresser la parole ?
Miko n'entend pas vraiment. Miko ne vit pas vraiment, en fait, en ces instants où la mort rôde autour d'elle. Mort d'inquiétude, mort de peur, mort de chagrin si jamais devait survenir le drame auquel elle s'attendait. Miko guettait par la fenêtre, pétrifiée sous le poids de tous les scénarios qu'elle ne savait faire cesser de défiler à l'intérieur de son esprit. Les images se succédaient à toute allure devant ses yeux comme une bande de film dégénérée et alors, Miko déglutissait, tremblante, moite de sueur en cette journée froide, comme elle guettait désespérément par la fenêtre chaque silhouette humaine dans l'attente angoissée de voir apparaître celle de Teru.
Parce que Teru allait revenir. C'était ce que lui avait juré Tatsurô pourtant, Miko craignait ne plus jamais le revoir, comme si le fait que Masashi était parti à sa rencontre pouvait être la signification de son arrêt de mort.
Masashi ne pourrait pas pardonner à Teru si facilement. Ce n'était pas possible. Terukichi était provocateur, il était impudent et frondeur, et sans doute devait arriver vite l'instant où les nerfs tendus par la colère de Masashi lâcheraient. Alors, ses paumes moites plaquées sur la vitre sale, Miko suppliait un Dieu en lequel elle n'avait jamais cru. Derrière elle, assis sur le piano, Tatsurô ne se faisait pas de souci pour Teru. Juste, il regardait la jeune femme de dos qui semblait ignorer jusqu'à son existence, et il se sentait désolé.
-Ce livre, c'était le journal que mon père a tenu durant des années. Soigneusement, il y notait comme des formules magiques secrètes les compositions de chaque parfum qu'il créait. Mon frère et moi... n'avons jamais su quelle obsession lui prenait de noter ses découvertes dans son journal. Je crois que c'était un symbole pour lui, comme s'il écrivait une histoire... son histoire à lui, mais est-ce que la vie de mon père ne s'est résumée qu'à des parfums, dis ? N'empêche que, ce journal, c'était ce que mon père avait de plus précieux. Alors, lorsqu'il est mort, puisque je n'étais plus en droit d'hériter de quoi que ce fût... Masashi l'a gardé. Cela, j'en étais certain. Masashi avait précieusement gardé ce journal et avait continué à y noter ses propres inventions, ses propres découvertes, comme une suite à l'histoire à jamais inachevée de mon père. Et puis il y a eu ça, Miko... Lorsque Terukichi m'a appris, lorsque j'ai su avec effarement que Masashi gardait ce journal dans la même cachette qu'utilisait mon père, cette idée a germé aussitôt dans mon esprit... Mais Terukichi m'a devancé. Avant que je n'aie le temps de dire quoi que ce soit, Terukichi m'a d'ores et déjà avoué qu'il comptait faire subir à Masashi ce qu'il m'avait fait subir, à moi.
En imitant ce que mon défunt frère jumeau avait fait, Miko, Terukichi voulait priver Masashi de ce qui avait été sa plus grande réussite.



Kentarô. Ah, oui, songe Miko. Kentarô... C'est lui dont s'était servi Masashi pour faire accuser Tatsurô d'un crime qu'il n'avait pas commis. Juste parce qu'ils avaient le même visage, Masashi avait réussi à faire passer l'erreur de Kentarô pour celle de Tatsurô et alors, ce dernier a été puni à sa place. Kentarô n'aurait pas pu l'être, après tout. Parce que même avant que ne soit découverte la tromperie, son seul coupable était déjà mort.
 

Et Miko se souvient, oui, il y a quelques jours... Alors qu'elle était venue se recueillir sur la tombe de Kentarô en secret, elle y a vu des fleurs. Un bouquet d'azalées fraîches qui éclataient de blancheur au milieu de la grisaille morne du cimetière. Et qui avait déposé ces fleurs sur la tombe de son défunt ami, Miko n'avait pas pu le deviner alors. Tout ce dont elle était sûre était que ni Tatsurô ni Terukichi ne s'étaient rendus récemment au pied de cette tombe.
-Ne m'en veux pas, je t'en supplie. Ce n'est pas ce que tu crois, Miko. Ton frère... Je n'aurais jamais conduit ton frère à devenir un criminel. Ce qu'il a fait, au final, ce n'est que la justice, et ni lui ni Masashi ne seront inquiétés... Miko, le livre de mon père, Masashi va le récupérer, dis. Teru l'a peut-être vendu, mais je te jure qu'il va le récupérer.
-Il arrive.


Elle est passée en trombe devant lui comme devant un pot de fleurs. Interdit, Tatsurô a regardé la jeune femme dévaler les escaliers de bois avant de s'arrêter net sur le seuil pour ouvrir la porte à son frère. Elle eut à peine le temps de le voir que, déjà, elle enfouissait son visage au creux de son cou. Entourant son frère de ses bras, le serrant contre elle comme elle étreindrait sa propre vie, Miko s'est mise à sangloter doucement et, dans son mélange de joie et de soulagement, n'a pas même vu Masashi qui se tenait derrière le jeune homme, blafard.








-C'est dommage que tu sois là. Je te préviens ; cet endroit est notre repaire secret, à Miko, Teru et moi. Tu ne seras jamais autorisé à y pénétrer. Enfin, pour aujourd'hui... puisque tu es là, entre.
D'un geste de la main, Tatsurô a invité Masashi à pénétrer la pièce. Ce dernier, évaluant l'endroit depuis le seuil, est demeuré hésitant quelques instants en voyant la couche de poussière sur les vitres mais, parce que ses trois hôtes l'avaient devancé, il s'est décidé à entrer, priant le ciel de résister à ses allergies. Ils se sont retrouvés ainsi tous les quatre debout sur le plancher, et si Tatsurô dévisageait lourdement Masashi, si ce dernier observait Teru avec curiosité, l'adolescent lui ne regardait personne, comme il avait enfoui son visage au creux de l'épaule de Miko de laquelle il n'avait pas quitté les bras. C'était comme si, en retrouvant sa sœur quittée depuis peu, Terukichi avait retrouvé un rêve perdu que cette fois, il refusait de lâcher. Les rôles s'étaient intervertis et si au début, c'est Miko qui avait assailli Teru, à présent le jeune homme seul enfermait tendrement sa sœur dans son étreinte.
-Assieds-toi...
Masashi est resté perplexe. Tatsurô se moquait-il de lui, ou bien cette invitation n'était-elle qu'une politesse machinale ? Il n'y avait dans cette pièce vide nulle part où s'asseoir, si ce n'était peut-être sur cet imposant piano qui luisait étrangement de propreté au milieu de la saleté ambiante, mais Masashi jugeait qu'il ne valait sans doute mieux pas se servir du noble instrument comme d'une chaise, aussi, il a préféré rester debout.
-Non, merci.
-Comme tu veux.
Sur ces mots, Tatsurô grimpa sur le piano et, ainsi installé, se mit à balancer innocemment ses jambes d'avant en arrière devant un Masashi bougon.
-Je te le répète ; après aujourd'hui, tu ne devras plus revenir. Cet endroit ne t'appartient pas.
-Je suis désolé. Terukichi m'a mené ici, je ne savais pas.
Tatsurô a tiqué. Hypocrisie, encore de l'hypocrisie. Sans rien dire, il a fixé ses pieds qui se balançaient tel un enfant en pleine bouderie.
-J'avais peur que tu ne lui fasses du mal.
Masashi dirige son regard sur Miko. Scintillant. Il le sait parfaitement, bien sûr, pourtant il ne peut pas s'empêcher de demander :
-De quoi est-ce que tu parles ?
-De mon frère, pardi, répond-elle comme elle plonge tendrement ses doigts dans les cheveux d'argent de Teru. Après ce qu'il a fait, j'étais morte de peur à l'idée que tu ne laisses éclater ta colère.
Masashi n'a pas jugé utile de répondre. Ou plutôt, il ne savait pas quoi dire qui eût convaincu Tatsurô en même temps que la jeune femme et alors, il s'est contenté de hausser les épaules comme si tout ceci n'était que détail.
-Masashi est lâche, Miko. Il n'ose pas s'en prendre aux plus faibles que lui. Mais Masashi est bête, parce qu'en vrai, je suis plus fort.
Amusée de ces paroles provocatrices qui s'étaient faites tendres, presque alanguies, Miko a tenu le visage de son frère entre ses mains dans un rire affectueux, et le frère et la sœur de se dévisager avec amour sous les regards pudiques des deux hommes présents.
-Rends-la moi.
Personne n'a su à qui est-ce que Tatsurô s'était adressé. C'est pourquoi ils ont levé sur lui un regard interrogateur, avant de se rendre compte que c'est Masashi que Tatsurô toisait avec insistance.
-Ce que tu m'as pris, Masashi. Maintenant, rends-le moi.
-Qu'est-ce que tu veux dire ?
-Ne fais pas l'imbécile. La place que tu m'as prise, rends-la moi.

Silence. Contre la vitre sale, un vent bat doucement, tel un cœur épuisé qui lutte pour manifester son existence dans l'espoir d'être remarqué et surtout, d'être aimé. Dans la poitrine de Masashi, son cœur bat à mille à l'heure mais il l'espère inaudible.
-C'est impossible.
-Pourquoi ?! aboya Tatsurô qui fit sursauter Terukichi.
-Parce que personne ne ferait confiance à quelqu'un qui... Enfin, tu es censé avoir trahi notre père, tu sais.
-Je suis « censé », oui, riposta Tatsurô, et à cause de qui ?! Tu sais très bien que ce n'est pas vrai, tu sais très bien que je n'ai rien fait, Masashi ! C'est toi qui as dénaturé la vérité, c'est toi qui l'as dissimulée, et c'est toi seul qui peux la rétablir ! C'est à toi de leur dire, maintenant, prends tes responsabilités !
-Quoi ? raille Masashi. Et que veux-tu que je leur dise ? Que j'étais au courant depuis longtemps que Kentarô comptait trahir papa en vendant les formules de ses parfums ? Je vais leur dire que j'avais découvert le manège de notre frère totalement par hasard et que, le jour où Kentarô s'est rendu en secret -du moins le croyait-il- dans cet entrepôt isolé où lui et le patron de la firme concurrente à celle de notre père devaient se rencontrer, je l'ai suivi ? Je vais leur dire que ce jour-là, j'ai filmé Kentarô en train de donner les formules des parfums à ce concurrent déloyal contre une énorme somme d'argent ? Est-ce que je dois leur dire que si j'ai fait ça, c'était dans la seule et unique intention de me servir de cette vidéo non pas pour faire accuser Kentarô, mais pour te faire accuser, toi ? Est-ce que je vais leur dire que Kentarô était de toute façon condamné à mourir parce qu'un cancer le rongeait et que, pour cette raison, je savais que ce serait toi, et seulement toi, que notre père désignerait comme son successeur ? Tu veux que je leur dise tout ça, Tatsurô ? Tu veux que je leur dise que je savais que Kentarô était le seul coupable mais que j'ai fait semblant de croire durant tout ce temps que c'était toi le traître ? Et après, Tatsurô ? Que crois-tu qu'il se passerait ? Même si l'on te croit, Tatsurô, même si tu es innocenté, même si tu retrouves leur confiance que tu n'avais pas mérité de perdre, que va-t-il advenir ? J'irai en prison pour diffamations, pour escroquerie, et ensuite ? Tu crois que tu sauras reprendre la direction de la plus grande entreprise de parfumerie du Japon ? Tu crois que tu as le niveau pour cela, Tatsurô, et que pour te laisser ruiner ma compagnie je vais accepter de me faire coffrer ?!
-Comment oses-tu ?! enrageait Tatsurô, au bord de la crise de larmes. Alors que tu avoues sans aucun détour t'en être volontairement pris à moi, comment oses-tu ne pas montrer l'ombre d'un remord ? Comment oses-tu, Masashi, prétendre que je ne serais pas capable de reprendre les affaires de notre père tandis que j'ai le même diplôme que toi, tandis qu'il m'a formé comme toi, tandis que c'est moi, et moi seul que notre père avait choisi parce qu'il estimait que tu n'étais pas fait pour entreprendre cette voie ! Masashi, toi-même le pensais à l'époque, avoue-le, tu ne voulais pas suivre la trace de notre père, tu ne t'en sentais pas capable et cela représentait pour toi un amas de contraintes qui te rebutaient et malgré ça, toi, par jalousie ou par soif d'argent, peut-être par seule haine de moi, je l'ignore, tu as décidé de me faire passer pour le traître auprès de papa pour qu'il me déshérite !
-Et alors ? Depuis le début, il n'était pas juste que ce soit toi.

Silence. Tatsurô se décompose, ça se voit dans son regard, sur son visage qui pâlit, sur ses traits qui se déforment, dans ses mains qui tremblent, ses doigts qui s'agitent comme s'ils cherchaient à saisir une entité invisible qui lui échappe. Et c'était vrai, dans le fond. Devant ses yeux voilés par la torpeur, Tatsurô voyait à jamais s'échapper l'espoir auquel il s'était raccroché.
-Pourquoi.
 
Ce n'était pas une question. Il savait déjà la réponse, de toute façon, et surtout, il ne voulait pas la connaître. Il ne fallait pas que cette conviction qui l'avait hanté durant toutes ces années ne prenne forme et vie en naissant des lèvres de Masashi. Il ne voulait pas qu'elle lui soit jetée en pleine face pour devoir l'affronter, non, il voulait la garder enterrée dans les tréfonds de sa mémoire et que, surtout, jamais ne lui soit infligée l'humiliation suprême d'une confrontation publique. Pas devant lui, non, Tatsurô ne voulait surtout pas montrer devant son rival qu'il était en train de perdre contre lui.
Mais Masashi le savait, oui. Il n'y avait rien que Masashi pouvait ignorer, après tout. Il avait vaincu Tatsurô parce que c'étaient ses intentions depuis le début, et qu'il n'y a rien de plus stupide et illusoire que de croire pouvoir lutter dans une bataille qui était déjà finie depuis longtemps.
Alors, c'était ça, après tout ? Tatsurô, durant dix années, n'avait fait que se battre au milieu d'un champ de bataille que tous les soldats alliés et ennemis avaient déjà déserté ?
-Pourquoi tu ne me l'as pas dit dès le début, Masashi.
À nouveau, il avait parlé sur le ton de l'affirmation plutôt que de l'interrogation. Pourtant, cette fois, c'était bel et bien une réponse que Tatsurô espérait. Comme s'il faisait la même erreur encore : celle d'espérer. Ah, finalement, c'est vrai que l'on n'apprend jamais de ses erreurs... et moins encore de celles des autres.
-Tu n'aurais pas compris.
« Quoi ? »

Tatsurô n'en revient pas. À côté de lui, Miko le regarde qui semble s'apitoyer sur ce sort cruel qui abat son ami tandis que Teru, lui, surveille d'un œil les moindres mimiques sur le visage de Masashi. Personne ne le voit, mais un sourire torve est venu ombrager l'expression du garçon.
-Ce que j'ai pu ressentir durant tout ce temps, Tatsurô, tu n'aurais pas compris.

Il était sec, tranchant et froid. Il y avait dans la voix de Masashi un ressentiment injuste, un ressentiment qui n'avait pas de raison d'être alors même que la victime n'était pas lui. C'était si lâche, si injuste et si cruel de porter sur son visage le masque de l'opprimé lorsque l'on a opprimé le véritable innocent.
-Et c'est tout ce que tu as trouvé à dire pour ne pas avoir à me faire des excuses, Masashi ? Prétendant sans y croire un seul instant que je n'aurais pas compris, moi ton frère, tu sembles m'accuser comme si j'étais celui qui t'a poussé à agir ainsi.
-Il n'est pas question de savoir qui m'y a poussé ou non. Le fait est que tu n'avais pas à hériter de l'entreprise, Tatsurô. Et ça, ni toi ni papa n'étiez prêts à le reconnaître.
-Tu veux dire que tu l'as fait par jalousie ?! Masashi, pendant tout ce temps, est-ce que ce sont la jalousie et l'amertume qui t'habitaient ?! Est-ce que ce sont elles qui t'ont amené à ruiner ma vie pour me voler une place que tu ne désirais même pas, mais que tu ne supportais tout simplement pas de voir attribuée à moi ?! Masashi, depuis tout ce temps, tu étais assez pourri pour accepter de ruiner la vie de ton frère juste à cause de ton odieuse jalousie ?!
-Mais tu n'es pas mon frère !
Sa voix avait tonitrué, tonnerre qui avait passé trop de temps à gronder avant d'enfin laisser éclater son éclair. La révolte de Tatsurô, son chagrin, sa déréliction, sa grief, à tout cela Masashi a fait face comme il laissait exploser chaque atome empoisonné de ses émotions.
-Tu n'es pas mon frère, Tatsurô, et que tu le veuilles ou non, que papa l'ait voulu ou non, il était injuste que tu reprennes son affaire, Tatsurô, il était injuste que ce soit toi que papa préfère alors que c'est moi, et moi seul son vrai fils, il était odieux qu'il n'ait d'yeux que pour toi alors que tu n'es qu'un enfant abandonné qui, avec Kentarô, aurait tout aussi bien pu ne jamais croiser notre route !
-Ça ne m'a jamais empêché de t'aimer, moi.

Masashi n'a pas réagi. Il n'a rien laissé transparaître. Il avait un goût de sang dans la gorge, et il se faisait force pour ne pas grimacer sous le dégoût que lui inspirait la situation. Cette scène pitoyable d'un homme qui avait été élevé comme son frère le suppliant de ses grands yeux innocents. Pour un peu, on aurait dit les yeux de Teru. Si innocents, si brillants, suppliants comme les yeux d'un chiot battu quémandant un peu de tendresse et priant la fin de la torture. Mais les yeux de Tatsurô étaient noirs et, au final, ils ressemblaient peut-être plus à ceux de Miko même si Masashi ne se souvenait pas avoir jamais vu ce regard dans les yeux de la jeune femme. Et il se demande comme ça, Masashi, si Miko avait déjà eu ce regard suppliant et désespéré face aux hommes qui l'avaient prise contre un peu d'argent comme l'on loue une attraction.
-Tu ne nous as peut-être jamais considérés comme tes vrais frères, Masashi, parce que tu étais déjà à l'école primaire lorsque mon frère et moi sommes arrivés dans ta famille et pourtant, Masashi, parce que moi, je n'ai jamais connu d'autres familles que la tienne, je t'ai toujours considéré comme mon frère.
-Tu ne comprends pas que c'est déjà trop tard ?
Doucement, Terukichi a libéré Miko de son étreinte. Après avoir déposé un doux baiser sur la joue de sa sœur, il s'est avancé vers Masashi. Oh, ce n'était rien qu'un pas, et à vrai dire, ni Masashi ni Tatsurô n'avaient remarqué le jeune homme. Terukichi lui-même ne savait pas ce qu'il faisait. Juste, en entendant ces mots, il s'était rapproché de Masashi comme si risquait de surgir un événement imprévu pour lequel il lui faudrait réagir avec vélocité. Mais il ne se passait rien, à vrai dire, et un bras plaqué sur sa poitrine, Masashi avait les yeux posés sur Tatsurô, mais il semblait ne pas le voir.
-Même si je te rendais maintenant ce que je t'ai pris, ça n'effacerait rien. Parce que j'ai provoqué des drames qui ne se peuvent réparer.

Il a tourné les talons. Une désertion lâche, un abandon impitoyable. Il a tourné le dos à son frère comme il le faisait à ses responsabilités, comme il avait ignoré son existence durant dix années. Masashi n'attendait rien, Masashi n'espérait rien, surtout pas un pardon qu'il savait de toute façon ne pas mériter, et qui ne l'eût pas soulagé s'il l'avait obtenu. Plongeant ses mains dans ses poches, Masashi a franchi le seuil qui le mènerait enfin vers une liberté illusoire, une liberté provisoire. Parce que même si l'on fuit la réalité, l'on ne peut pas fuir nos souvenirs.
-Mais moi, Masashi, je serai incapable de me relever tant que tu penseras que je l'ai mérité. Masashi, moi, je ne pourrai pas m'en remettre si je pense toujours que tu me détestes.
 

 
 
 
 



 
 





Masashi l'avait entendu. Sans se retourner, il n'avait eu aucun doute. Ces pas flegmatiques qui voulaient se mêler à ceux de la foule, il les aurait reconnus entre tous. Après tout, c'était ces pas indolents et flâneurs qui avaient marqué le bouleversement de sa vie. Masashi n'avait pas réagi. Il était indifférent ; comme si, alors qu'il savait l'identité de celui qui le suivait et les dégâts qu'il avait déjà provoqués, il était incapable de se sentir menacé. Lassitude ou confiance ? C'était difficile à dire. Ce qui était certain était que Masashi ne ressentait nul danger, suivi par cette ombre qui se voulait discrète.
-C'était méchant, dites. Tout ce que voulait Tatsurô, c'était que vous reconnaissiez qu'il ne méritait pas ce que vous lui avez fait. Tatsurô... Durant tout ce temps, vous savez, il a vécu dans la culpabilité des fautes qu'il a cru avoir commises sans savoir ce qu'elles étaient.
-C'est ridicule. Tatsurô sait... De tous temps, je n'ai juste jamais supporté d'être dénigré par mon père tandis que l'enfant qu'il avait adopté avait droit à tous ses compliments et tous ses égards.
-Alors, vous ne détestez pas Tatsurô, n'est-ce pas ?
-Je déteste ne pas avoir reçu l'amour auquel lui et son frère avaient droit.
-Et tout ça parce que vous n'aviez pas le courage de le lui dire... Tout ça parce que vous aviez peur de paraître faible, tout ça parce que vous aviez peur qu'il se moque de vous, parce que vous aviez peur qu'il ne vous en veuille, et que votre père ne se mette à vous mépriser... Masashi, moi, je le sais, dites. Je sais que si vous aviez dit la vérité à Tatsurô, il vous aurait légué sa place. Si vous l'aviez vraiment voulue, Masashi... Tatsurô vous l'aurez cédée sans discuter.
-C'est stupide. Notre père ne l'aurait jamais laissé faire. La compassion de Tatsurô, ni même tout son amour, cela ne m'aurait pas apporté celui de mon père.
-Vous croyez que votre père ne vous aimait pas parce qu'il voulait léguer son entreprise à Tatsurô mais, Masashi, n'avez-vous jamais envisagé qu'il avait tout simplement conscience que vous vous forciez à paraître vouloir suivre la même voie que la sienne ?
 
Silence. Derrière lui, Masashi a entendu ces pas flegmatiques redoubler d'énergie. Terukichi s'était mis à trotter, et Masashi sentit plus proche sa présence dans son dos. Elle était tiède, cette présence, et Masashi y a goûté comme à la dernière onde de chaleur qui réchaufferait jamais son être.
-Ne t'inquiète pas. Tatsurô... Je vais la lui rendre. Je vais tout avouer, et lui léguer ce qui lui appartenait dès le départ... Finalement, même si je vais en prison, je l'aurai sans doute mérité.
-Vous, alors... Depuis le début, que vous alliez en prison, ce n'était absolument pas le vœu de Tatsurô.
Il avait dit « vous, alors », sur le ton plaisantin d'un ami qui n'a que trop bien appris à vous connaître et qui, pourtant, s'amuse encore de vos bizarreries. Sans ralentir son pas, Masashi a attendu que Terukichi ne le rattrape.
-C'est pour cette raison que je suis allé vendre vos compositions de parfums, Masashi. Parce que ce que j'ai obtenu en échange, c'est cela seul qui nous sauvera.

Terukichi s'est figé net. Éberlué, il a fixé Masashi contre lequel il avait manqué se heurter comme il s'était arrêté d'un seul coup pour faire volte-face. Le dominant de toute sa hauteur, Masashi affichait un air de satisfaction tandis qu'il dévisageait le garçon.
-Quel est le rapport avec toi, petit ?
-Pardon ? balbutia Teru qui se sentait affreusement petit face à cette majesté indéniable.
-Tu as dit « c'est cela seul qui nous sauvera », comme si tu étais impliqué dedans. Le fait que je n'aille pas en prison, le fait que Tatsurô reprenne la place qui est la sienne, en quoi cela te concerne-t-il, petit ?
-Mais parce que moi, je serai content lorsque Tatsurô sera enfin heureux.

Terukichi plonge sa main dans sa poche. Un sourire illumine son visage, et ses yeux semblent avoir volé toutes les étoiles au ciel alors même qu'il faisait jour. Une déroutante magie dont le garçon semblait avoir l'apanage.
-D'ailleurs, Masashi, moi, dès le début, si je me suis introduit dans votre vie, c'est parce que Tatsurô m'a fait une promesse.

Masashi penche la tête de côté. Une expression de curiosité rajeunit son visage ; l'espace d'un instant, Masashi devient cet adolescent que Terukichi devine qu'il a été. Cet adolescent que Miko avait raconté avoir rencontré en même temps que Tatsurô dans ce conservatoire où elle était entrée pour apprendre le piano. Le destin les avait faits se rencontrer, les sentiments les avaient faits tous les trois s'unir, et l'humain, par la suite, s'était chargé de les séparer. C'était l'humain aussi qui pouvait les réunir à nouveau.
Le sourire en coin de Teru débordait de mystère, et Masashi s'est demandé, comme ça, si la clé à ce mystère pouvait se tapir au creux de ce sourire aussi.
Du fond de sa poche, Terukichi a sorti un minuscule objet noir tenant au creux de sa paume.
-Vous voulez bien venir avec moi, Masashi ? Remettre ce micro miniature à la police et rétablir la vérité sur l'innocence de Tatsurô.
Et il fallait bien s'attendre à l'impatience excitée de Terukichi. Sans même avoir entendu la réponse que Masashi avait formulée d'une voix trop basse, le garçon a saisi le poignet de l'homme et, joyeux, a traîné de son pas dansant Masashi sous le ciel ensoleillé.

 











Deux mois plus tard

-Il paraît que Takahiro Hayashi... Tu sais, le directeur de la firme concurrente... Celui-là même qui a acheté nos formules à Kentarô il y a dix ans, et qui a cru acheter celles de Masashi à Teru il y a deux mois... Il est condamné à un an de réclusion criminelle.
-Pour concurrence déloyale ?
-Ben, il a cru pouvoir me faire faire faillite en contrefaisant et revendant pour moins cher les parfums de mon père et moi... Ah, quelque part, malgré sa malhonnêteté, je me sens désolé pour lui.
-Pourquoi ? Il n'était pas le seul, c'est sûr, mais il est aussi coupable.
-C'est juste que je me sens bizarre en voyant jusqu'où les gens peuvent aller pour de l'argent...
Miko sourit. Assise à l'ombre d'un cerisier qui présente timidement ses premiers bourgeons rose pâle, elle lève les yeux et goûte aux doux rayons de soleil qui filtrent à travers le feuillage.
-Terukichi est tout de même extraordinaire, fait Tatsurô qui profite de ce que Miko a le visage levé pour observer ce profil délicat se découpant dans le paysage verdoyant du parc qui le ravit en secret.
-Bien sûr. Lorsque tu as raconté toute cette histoire à Terukichi, il s'est aussitôt mis à deviner, tu sais. Sur la vidéo que Masashi avait prise il y a dix ans en filmant ton frère jumeau et cet homme, Kentarô se faisait appeler par ton nom. Parce que Kentarô ne voulait pas risquer de laisser de traces, parce qu'il avait peur d'être pris, il s'est fait appeler Tatsurô par Takahiro Hayashi. Ce dernier, bien sûr, connaissait son vrai nom, mais Kentarô l'avait forcé à l'appeler par le tien. Et ça... c'est Terukichi seul qui a eu l'idée, en feignant la simple curiosité dénuée de mauvaises intentions, de le faire avouer à ton rival. En faisant semblant de vouloir vendre le journal de votre père à Hayashi, Terukichi a pu obtenir ces informations, et grâce au micro qu'il avait caché dans le col de sa chemise, il a pu faire éclater la vérité auprès de la police. C'était le seul moyen qu'il y avait pour que tu ne sois innocenté, Tatsurô. Je veux dire, que tu sois innocenté sans que Masashi ne soit puni.
-Vraiment, rit Tatsurô, embarrassé, c'est à croire que depuis le début, Terukichi ne voulait pas que Masashi soit puni pour ses crimes.
-Il ne le voulait pas parce que tu ne le voulais pas non plus, Tatsurô. Toi, dans le fond, ton rêve n'a-t-il pas été que de retrouver le frère que tu avais perdu ?
-Pas vraiment, enfin... C'est si compliqué...
-Tu te fichais bien de cette entreprise, Tatsurô. Si tu as sombré dans l'alcool et la drogue après le drame, si tu as attenté à ta vie, et si tu es devenu émotionnellement incapable de te relever, ce n'était pas à cause de cette carrière qui s'était dérobée sous tes yeux, non. Toi, si tu as été si malheureux, c'est parce que tu avais perdu la personne la plus importante dans ta vie.
-Ce n'est pas comme s'il n'y avait eu que Masashi dans ma vie.

Ah, oui, songe Miko, rêveuse. Il y a encore ces illusions qui flottent autour de moi. Comme le fantôme sécurisant et chéri d'un amour qui n'a jamais existé, ce fantôme-là n'a jamais de cesse de me prendre sans scrupules dans ses bras, me procurant le sentiment éphémère de vivre dans un cocon d'amour et de sécurité... Ce fantôme-là existe toujours, oui, et c'est le fantôme d'un vivant qui passe le plus clair de son temps à se taire.
-Qu'est-ce que tu veux dire ? finit-elle par lâcher sans détacher son regard de ces bourgeons qui montraient le bout de leur nez comme des étoiles roses au milieu d'un ciel vert vif.
-Ne fais pas semblant, enfin. Tu sais très bien ce que je veux dire, fit la voix gênée de Tatsurô.
-Tu dis ça malgré tout, tu n'as jamais cessé de refuser de vivre avec moi.
-Tu ne cesseras jamais de me le reprocher, dis.
-Parce que tu continues toujours de refuser. Ce n'est pas le problème, Tatsurô. Si tu ne m'aimes pas, je ne peux pas t'en vouloir, seulement, ne parle pas comme si... comme si ce pouvait être le cas.
-Mais je t'aime, Miko.
Silence. Elle a baissé la tête. C'est que, en cet instant fatidique, une feuille s'était détachée et, sans crier gare, avait voltigé jusque sur le bout de son nez levé. Laissant tomber ce petit bout de verdure au creux de ses genoux, elle l'a fixé comme elle l'eût fait d'un enfant abandonné. Avec un mélange de peine et de tendresse.
-Comprends-moi, s'il te plaît. Mais je n'étais qu'un sans-abri, Miko, je... Je ne voulais pas que tu me prennes en pitié, je ne voulais pas que tu agisses comme l'eût fait ma mère, je ne voulais pas que tu prennes des responsabilités qui ne devaient pas être les tiennes. Moi, Miko, ce que je voulais, c'était faire ton bonheur, c'était être capable de te protéger, c'était t'assurer une sécurité matérielle et psychique, alors... Alors il ne fallait surtout pas que je risque de devenir un homme dépendant qui serait trop vite devenu un poids pour toi.
-Mais je savais déjà tout ça, Tatsurô.

Tatsurô se demande pourquoi le pied de Miko -qu'elle avait déchaussé et qui reposait nu dans le matelas touffu d'herbe- s'était mis à remuer à rythme régulier. Bientôt, c'est sa tête qui se mit légèrement à dodeliner et alors, Tatsurô a tenté d'imaginer quel air intérieur était venu égayer l'esprit de la jeune femme.
-Je le savais, Tatsurô, et ce qui m'a blessée durant tout ce temps était que tu penses que tu aurais pu devenir un poids pour moi.


-De toute façon, ajouta-t-elle après un long silence mélodieux, tout ce que tu viens de me dire ne compte plus, n'est-ce pas ? Tatsurô, tu n'as plus d'excuses. Parce que tu diriges à présent l'entreprise de ton père aux côtés de Masashi, tu n'as plus de raison de me rejeter.
Tatsurô soupire. Lassitude, impatience ou soulagement ? Se laissant lentement glisser contre le tronc du cerisier, il a basculé sa tête jusqu'à se reposer contre l'épaule de Miko. Et elle, parce qu'elle n'avait cessé de s'imprégner des rayons du soleil pendant tout ce temps, n'a vu qu'une tache sombre et floue en posant les yeux sur le visage de Tatsurô.
-Ça tombe bien, alors. Parce que, pour une fois, je ne comptais pas le faire.

« La promesse que m'avait faite Tatsurô, Masashi, c'est que, une fois qu'il aurait retrouvé un statut social digne de ce nom, il oserait enfin déclarer son amour à ma sœur. Parce que c'était tout ce que je voulais, dites. Voir enfin les vœux réciproques de ma sœur et de mon meilleur ami se réaliser, c'est tout ce qui m'a convaincu de venir vous foutre la raclée du siècle. »









-Vraiment, je suis désolé.
Finalement, il était revenu. Bien que Tatsurô le lui avait formellement interdit deux mois plus tôt, Masashi savait cette restriction d'ores et déjà levée et alors, c'est sans crainte ni culpabilité qu'il a franchi le seuil de cette pièce. C'était toujours la même petite pièce, avec son plancher de bois et son piano reluisant pour seul ameublement et pourtant, il y avait quelque chose de foncièrement différent. Ce n'est qu'après quelques secondes d'observation que la chose lui a sauté aux yeux : la pièce avait été nettoyée de fond en comble, si du moins cette expression pouvait être utilisée pour une pièce si vide et petite, et nulle trace de poussière ou de crasse ne régnait tandis que les fenêtres laissaient leur instant de gloire aux rayons chaleureux du soleil.
-Comment as-tu su que j'étais ici ?
La voix de Miko l'a tiré de sa torpeur. La jeune femme était assise sur le rebord de la fenêtre, ses jambes nues se balançant au gré d'une mystérieuse musique intérieure.
-Ah, je... Teru me l'a dit. De toute façon, ce n'était pas difficile à deviner.
Elle a souri. Désignant le piano d'un geste de la main, elle a invité l'homme à prendre place.
-On avait un tabouret, avant. Mais une fois, Tatsurô a eu l'ingénieuse idée de grimper dessus, et le tabouret s'est effondré. Tatsurô aussi, d'ailleurs. C'était très drôle. Enfin, en reste-t-il que tu n'as pas d'autre choix que de t'asseoir sur le piano.
-Ce n'est pas chose compliquée que d'amener un tabouret ici, non ?
-J'ai toujours pensé qu'il y avait quelque chose de plus poétique à jouer du piano debout.
Masashi a souri. Il s'est souvenu de leur jeunesse, du temps de leur rencontre avec la jeune femme, lorsque celle-ci n'était qu'à peine au lycée, et il a souri. C'est vrai, oui. À cette époque déjà, elle se faisait gronder par son professeur comme elle refusait de jouer assise.
-De quoi es-tu désolé, au fait ?
-Mais, d'avoir été la cause de ton malheur.

À son air ahuri, Masashi comprend qu'elle ne comprend pas. Et l'incompréhension de la jeune femme, il ne la comprend pas comme la vérité lui paraît évidente.
-J'ai mené Tatsurô à une vie de misère, s'excuse-t-il, penaud. Pour cette raison, il n'a jamais osé t'avouer son amour ou, plutôt, il n'a jamais voulu l'assumer. Alors qu'il aurait pu mener une vie fastueuse et prendre soin de toi, il a sombré dans cette vie de misère et n'a pu exaucer ses désirs. Si seulement... si seulement j'avais laissé à mon frère ce qui lui appartenait, alors tu n'aurais pas connu la misère non plus, Miko.
Désolation. Le soleil brille dehors, mais un ciel pluvieux couvre le visage gris et morne de Miko qui baisse les yeux.
-Pardon, je ne voulais pas te rappeler de mauvais souvenirs, Miko, juste... Si tu savais combien j'ai souffert d'apprendre ça.
-Mais je voulais pas que tu le saches, d'abord.


Elle avait parlé comme une petite fille. Elle en avait eu la voix, le ton boudeur, et les mots. Elle en avait l'apparence aussi, avec sa moue chagrine, ses yeux larmoyants et ses joues que la gêne avait rosies.
Fragilisée sous ce regard qui ne lui vouait pourtant que de la tendresse, Miko a replié ses jambes contre sa poitrine et les a entourées de ses bras. Posant le menton sur ses genoux, elle a fui dans des pensées qui avaient le parfum de cauchemars.
-Mais pourquoi, Miko, pourquoi...
-Pourquoi ? répéta-t-elle dans un rire nerveux. Qui demanderait pourquoi en étant sensé, Masashi ? Mais parce que si j'ai devant moi celui qui fut mon meilleur ami, celui qui pourrait le redevenir, toi, tu n'as devant toi qu'une femme que tu as jadis admirée et qui t'a déçu maintenant que tu sais qu'elle n'est qu'une dépravée qui a vendu son corps pour survivre.
-Qu'est-ce que tu racontes, idiote ? Toi, tu n'as jamais vendu ton corps, Miko : ce sont les autres qui l'ont acheté.
Miko s'en moque bien, de toute façon. Elle sait juste que Masashi ne pourra plus jamais la voir du même œil et qu'importe la nature de ce regard, s'il n'est plus le même, il ne pourra jamais être aussi doux que par le passé.
-Si j'avais su dans quelle détresse tu te trouvais, Miko, si j'avais su où tu étais alors, j'aurais immédiatement accouru pour te donner tout l'argent dont tu avais besoin, Miko, pour assurer à ton frère et toi une vie digne et aisée,. Miko, moi, je t'aurais donné cet argent et en échange de cela, je n'aurais jamais exigé que tu sacrifies ton corps et ta dignité. Miko, regarde-moi : ils sont les seuls coupables. Parce que tout autant qu'ils étaient lâches et impurs à faire d'un être humain un objet pour assouvir leurs vices, toi, tu étais noble et courageuse à sacrifier ce que tu avais de plus important pour le bien de ton frère. Miko, tout autant que ces hommes haïssent et méprisent ces femmes qu'ils ont pourtant eux-mêmes asservies et à qui ils arrachent la dignité, moi je t'aime, Miko, et moi je t'admire. Miko, parce que tu es une héroïne, tu es l'héroïne de Terukichi comme tu l'as été de moi en ce temps jadis, comme tu l'es de Tatsurô aujourd'hui encore, et toi, Miko, tu n'as rien d'autre à te reprocher quand la cruauté qui s'est abattue sur toi t'a conduite à découvrir les faces les plus perverties et noires des hommes. Miko, tu l'as fait parce que tu étais obligée, toi, parce que tu avais besoin de vivre. Eux, ils n'avaient pas ce besoin de te faire du mal, mais ils en avaient envie, et ils se sont servis de ta misère pour exploser toutes les limites de l'indécence et de l'immoralité. Ces hommes-là, ils avaient bien assez d'argent pour te venir en aide et pourtant, Miko, au lieu de cela, ils ont préféré devenir des fauves si affamés de chair humaine qu'ils en sont venus jusqu'à te dévorer.


Il avait lâché tout ça d'une traite, sans respirer, et Masashi se faisait force pour ne pas haleter bruyamment tandis qu'il reprenait son souffle. Et si des milliers d'images, de pensées et de paroles défilaient dans son esprit, il n'avait pas le courage de lancer à la figure de la jeune femme des réalités qu'elle savait de toute façon déjà, au fond d'elle-même. La réalité d'un monde où les êtres humains ne veulent pas toujours du bien à leurs semblables. La réalité d'un monde où, lorsqu'une personne a trop conscience d'elle-même, elle refuse d'avoir conscience des autres.
Si la morosité régnait sur Miko l'instant d'avant, à présent, un éclat de gaieté installait son trône comme sur le visage de la jeune femme un sourire venait orner l'ensemble.
-Mais toi, tu es gentil, Masashi.
-Je ne suis pas gentil, Miko. Ce sont eux qui sont cruels.
Elle a ri. Elle riait, sa joue appuyée contre ses genoux repliés, et son regard éclatant communiquait à Masashi mille mots de reconnaissance.
-Mais il existe en ce monde des personnes pour qui la vie vaut la peine d'être vécue, Miko. Parce que la nuit n'existe plus dès lors qu'arrive le soleil, Miko, alors tu pourras être heureuse tant que Tatsurô et Terukichi seront là pour t'aimer.
-Et toi aussi ?
Stupeur. Masashi a le cœur battant, et ses traits alors tendus trahissent un malaise profond.
-Que... Moi ? balbutie-t-il, blême.
-Oui, se moque-t-elle gentiment. Toi, Masashi, tu fais partie des personnes qui m'aiment ?
-Mais bien sûr, Miko, je... Même durant ma longue absence, je n'ai jamais cessé d'en faire partie, tu sais.
-Pourquoi est-ce que tu es si gêné, dis ? À cette époque-là, Tatsurô t'avait déjà trahi en me disant que tu étais amoureux de moi.
Masashi serre les poings. Oh, ce n'est pas une pulsion de violence qu'il réprime, bien sûr : juste, il a senti que ses mains s'étaient mises à trembler et ainsi, il espère cacher le flot d'émotions qui le submerge.
-Eh, mais dix années ont passé, Masashi, tu sais. À présent, j'ai Tatsurô, et je ne suis pas aveugle au point d'ignorer qu'aujourd'hui, c'est quelqu'un d'autre qui t'intéresse.

Sur le coup, il n'a vraiment pas vu à qui est-ce qu'elle faisait allusion. Pour Masashi il n'y avait rien, pour Masashi il n'y avait personne, et moins encore chose ou personne que quiconque pût savoir.
Non, il n'y avait personne dans la vie de Masashi, et il lui était tout de même difficile de croire que son amie pût avoir remarqué une réalité pour laquelle il n'avait pas encore pris conscience. Difficile à croire, oui, que Miko sût avant lui-même ce qui le concernait, et pourtant, cela était vrai.
Alors, l'esprit enivré par des pensées qui tournaient à plein régime comme des rouages affolés tournant à vide, Masashi est venu déposer un baiser sur le front de Miko et, l'âme sens dessus-dessous, a quitté la pièce.











Au début, il n'en a pas cru ses yeux. L'illusion était parfaite, la ressemblance sournoisement trompeuse, c'était forcément une main de maître qui avait créé cette œuvre en trompe-l'œil. Masashi s'en est presque mis à admirer l'artiste inconnu, bien qu'il lui en voulût un peu de lui donner ainsi de faux espoirs, avant que, subitement, Masashi ne réalise qu'il ne pouvait y avoir-là aucune main d'homme à l'origine de cette vision. Alors, s'approchant à pas feutrés de ce qui ressemblait, de loin, sous la lueur des lampadaires, au corps de Terukichi allongé sur un banc qui lui tournait le dos, Masashi s'est peu à peu assuré de l'identité de l'individu qui ne fit plus aucun doute lorsqu'il vit les cheveux argentés.
Le garçon semblait dormir, oui, paisiblement, comme si être allongé sur le banc d'un parc à deux heures du matin était la chose la plus naturelle du monde. Un manteau molletonné de laine lui servant de couverture, Terukichi semblait serein, si vulnérable et si innocent aux yeux qui le couvaient. Masashi aurait pu rester ainsi des heures à profiter de l'anonymat de la nuit et de l'absence de vie humaine pour l'observer, comme ça, puis il s'est souvenu qu'il y avait quelque chose d'inquiétant à cette situation et alors, non sans un certain remords, l'homme a secoué l'épaule du garçon, doucement.
C'est tout aussi doucement que Terukichi a ouvert des yeux ensommeillés et, se redressant dans un long gémissement, il s'est mis à scruter la nuit, s'habituant à l'absence de clarté avant de reconnaître cette chose géante et imposante qui se penchait sur lui.
-Bonjour. Vous faites quoi, ici ? a-t-il demandé du ton le plus banal qui fût.
-Bonjour ? a répété Masashi, interdit. Pour commencer, Terukichi, il est deux heures du matin, je rentre à peine d'une réunion éreintante, je passe par le parc Ueno parce que c'est un raccourci pour moi, et que je ne m'attendais absolument pas à trouver un gamin comme toi endormi sur son banc, croyant pouvoir passer sa nuit à la belle étoile avec insouciance comme s'il n'y avait aucun danger. Teru, c'est moi qui devrais te demander ce que tu fais ici.

Terukichi semblait entre deux mondes, un peu perdu entre les rêves dont on venait de l'extirper et la brutale réalité et, frottant ses poings contre ses yeux comme si ça allait éveiller son esprit, il a poussé une exclamation de surprise. Il venait de se souvenir.
-Ah ! Vous ne me gronderez pas, si je vous le dis ?
Masashi se demande s'il a l'air cruel au point de gronder un garçon qui se met lui-même dans une situation dangereuse et alors, non sans appréhension, il secoue la tête.
-Bien sûr que non. Je suppose que les circonstances ne sont pas normales.
Et puis, à travers les lueurs des lampadaires, Masashi a vu le garçon agiter sa main dans un signe d'invitation et alors, l'homme s'est penché plus avant sur Terukichi. Levant la tête, le garçon a approché sa bouche de son oreille, et un murmure a chatouillé le conduit auditif de Masashi. À la fin, l'homme s'est redressé et il semblait plus déboussolé qu'avant.
-Terukichi, es-tu certain que ce soit une bonne raison pour dormir à la belle étoile ?
-Bien sûr, Masashi. Vraiment, vous n'imaginez pas ce que ça fait. Je ne pouvais pas me permettre de rester là-bas.
-Mais enfin, Teru, ce que tu appelles « là-bas » est juste chez toi et d'ailleurs, je doute plus que fortement que Miko et Tatsurô accepteraient une telle chose... Sont-ils au moins au courant ?
-Bien sûr que non ! s'exclama le garçon avec grandiloquence. Imaginez la réaction de ma sœur si elle savait... Non, voyons, j'ai juste prétendu que j'allais dormir chez un ami.
-Mais laisse-moi te dire que tu es fou, gamin, fou et imprudent de te lancer dans de telles aventures. Que ferais-tu si tu te faisais assassiner, idiot ?
-Ben rien, puisque je serais mort, fit le garçon dans un haussement d'épaules.
-Ne te moque pas de moi ! La situation ne prête pas à rire, Teru, et j'exige que tu rentres chez toi tout de suite ! Non mais quel abruti, il n'y en a pas deux comme toi sur Terre, dis.
-Mais ce n'est pas ma faute, gémit le garçon avec bouderie. On voit bien que ce n'est pas vous... Enfin, à présent que Tatsurô vit officiellement chez nous, je me sens en trop moi, dans cette maison. Devenir la cinquième roue du carrosse, tenir la chandelle, non merci, moi, j'ai bien trop l'impression de les gêner... Je n'ose pas rester là-bas alors, pour cette raison, j'ai dit que je partais chez un ami.
-Terukichi, je suis certain que Miko et Tatsurô sont heureux de ta présence et préfèrent mille fois t'avoir en sécurité dans cette maison qui est aussi la tienne que dehors, offert à tous les dangers... Lorsque Miko saura ça, elle deviendra folle d'inquiétude.
-Mais vous n'allez pas le lui dire ! paniqua Teru comme il agrippa violemment le col de l'homme. N'est-ce pas, Masashi, vous ne feriez pas ça, ma sœur me gronderait, elle m'interdirait de sortir le soir, elle m'imposera un couvre-feu qui ne me laissera nulle liberté, elle me ligotera, me bâillonnera, m'enfermera dans une cave et...
-Ce que tu es sot. Lâche-moi, à présent.
Les mains avec lesquelles Teru l'avait agrippé pour le supplier, Masashi les a prises délicatement au creux des siennes et c'est par la douceur de cette chaleur qu'il convainquit le garçon de se calmer. Teru, à genoux sur son banc, plantait dans les siens des yeux de chaton abandonné.
-Mais lorsque ma sœur et Tatsurô se marieront, Masashi, moi, de toute façon, il faudra bien un jour que je prenne mon indépendance et que je parte vivre ailleurs.
-Teru, est-ce que tu me considères comme ton ami ?
Teru a l'air niais. Un enfant lâché seul en plein territoire inconnu, il regarde Masashi comme il l'eût fait d'un habitant du sol étranger venu à sa rencontre. Sans savoir s'il était ami ou ennemi, avec un mélange de crainte et d'espoir, mais d'incompréhension aussi parce que l'autre lui parle dans une langue qui lui est inconnue, Teru sonde Masashi et là, juste à l'instant, le garçon semble avoir rajeuni de dix années.
-Qu'est-ce que tu dis, Masashi ?
-Je te demande, idiot, si tu me considères comme un ami car si tel était le cas alors, le mensonge que tu as fait à Miko n'en serait plus un si, maintenant, tu venais dormir chez moi.

Un ange passe. Terukichi a l'impression de le voir en chair et en os devant lui, cet ange. C'est un ange qui n'a pas d'ailes et qui, pourtant, sait voler. Incroyable comme il est criant de réalisme, cet ange, comme son aura est puissante, elle qui semble l'envelopper tout entier dans sa chaleur sainte et son amour pur alors que cet ange, il n'existe même pas.
Ah, réalise Teru dans un éclair de timidité. Les mains de Masashi, elles tiennent toujours les miennes, et c'est comme si la chaleur de son corps se répandait dans tout mon être.
Tu m'étonnes, que cet ange soit si imposant tandis qu'il est censé ne pas exister. Avec une taille comme la sienne, Masashi est obligé de se faire remarquer.
-C'est d'accord.

Terukichi s'est mis debout. Ses pieds touchant le sol, il a fait un pas vers Masashi et alors, cette aura chaleureuse est devenue plus prégnante, plus délicieuse encore.
-C'est d'accord mais alors, on va dans un izakaya, Masashi, parce que j'ai faim, et cette fois, vous jurez de ne pas m'embêter et de ne pas boire mon verre de bière. Parce que, Masashi, nous sommes le 10 avril et aujourd'hui, j'ai dix-huit ans.



Il l'a porté dans ses bras. Si naturellement, si spontanément en fait, que Masashi ne s'en était pas vraiment rendu compte. Même Teru, d'ailleurs, tandis qu'il accrochait ses bras autour du cou de l'homme, tandis qu'il humait le délicat parfum de rose sur sa peau douce, même lui ne se rendait pas vraiment compte du caractère insolite de ce geste. Parce que dans le fond il en avait toujours rêvé, parce que dans le fond c'était juste inévitable et naturel, Terukichi ne s'est pas posé de question et, se fondant avec ravissement dans le coton douillet de son bien-être, Terukichi a appuyé sa tête sur la poitrine battante de l'homme et, engourdi peu à peu par la chaleur lénifiante de son ange, il a fermé les yeux.
Et tandis qu'il traversait les allées bordées d'arbres maintenant en fleurs sous le regard bienveillant de la lune, avec dans ses bras un paquet aussi léger qu'une plume, un bonheur aussi lourd que le monde entier, Masashi a compris, alors, qui était ce « quelqu'un d'autre » mystérieux dont Miko avait parlé avec cette voix emplie d'amour.













 

-Dites, Masashi...
Dans le noir, Masashi a ouvert les yeux. À côté de lui, une présence timide se mouvait sous les draps, et ce ne fut qu'une question de secondes avant que le petit corps recroquevillé de Teru ne vienne se blottir contre cette masse de chaleur. Quand le garçon avait-il pénétré la chambre, et comment avait-il pu ne pas le réveiller, Masashi l'ignorait. Juste, il a pensé que la présence de Teru dans son lit était due à la quantité d'alcool que le jeune homme avait ingurgitée quelques heures plus tôt, sourd aux recommandations ferventes de Masashi.
-Que veux-tu, petit monstre ?
-Je me demandais, comme ça, combien de temps est-ce que j'allais vivre.

Soupir. Même si son souffle s'est répandu dans l'air tiède de la nuit, Masashi souriait, protégé par l'anonymat des ténèbres couvrantes.
-Encore tes questions bizarres.
-Masashi, j'ai pensé à une chose triste, vous savez. Je me suis dit que vous étiez plus vieux que moi et, pour cette raison, sans doute que je vous verrai mourir.
-C'est une fatalité, petit monstre, et ce n'est pas une chose triste en soi.
-Mais je ne veux pas que vous mourriez avant moi.
-Si le cas inverse arrivait, tu ne crois pas que ce serait malheureux ? De toute façon, petit, tu ne me verras pas mourir, puisque tu m'auras oublié bien avant ma vieillesse.
-Non, Masashi. Moi, j'ai décidé jusqu'à la fin de tenir mon rôle de querelleur et de vous embêter. Moi, j'ai une idée. La meilleure idée du monde. Je vais mourir en même temps que vous.

Le bruissement des draps semble chuchoter une douce berceuse dans la nuit. Un air composé par le garçon comme il remue, doucement. Bientôt, Masashi sent sur sa poitrine une présence chaleureuse prendre place. La main du garçon, il ne l'a pas retirée, et les battements apaisés du cœur de l'homme ont résonné contre la paume de Teru. Une autre berceuse, chantée de l'intérieur, qui n'avait besoin ni de mots ni de voix pour être comprise.
-Tu ne mourras pas en même temps que moi, Terukichi. Parce que tu mérites une longue vie, parce que des gens seront là pour te pleurer, tu ne mourras pas. Et d'ailleurs, je ne veux pas que tu me suives jusqu'en enfer.
-Mais, Masashi, je ne vous suivrai pas en enfer, moi, personne n'ira en enfer, et là où j'irai, ce sera là où vous irez seulement, alors sans doute que je serai toujours au paradis.
-Tu sais, si je meurs, je n'irai sans doute pas au Paradis, susurra pensivement Masashi du bout des lèvres.

Il se demandait, dans le fond, où irait-il s'il y avait un Paradis et un Enfer. Il s'est mis à songer qu'indéniablement, Miko, Tatsurô et Terukichi deviendraient des anges, et il a craint de ne jamais avoir leurs ailes pour voler jusqu'à eux. Si ça l'a un peu attristé, sa peine a été doucement étouffée au creux du bras que Teru a ramené sur sa poitrine.
-De toute façon, tu dois vivre longtemps, Teru. Alors ne dis pas de bêtises comme mourir en même temps que moi.
-Mais c'est justement parce que je veux vivre éternellement à vos côtés que je dis ça, Masashi.

Silence. « Peut-être, songe-t-il, peut-être crois-tu mener une éternité dans l'au-delà en ma compagnie seulement, crois-tu que l'au-delà auquel tu aspires existe ? Crois-tu qu'aucun jugement divin ne nous séparerait si ainsi était la réalité ? Toi, Teru, au final, tu as beau n'être qu'un petit monstre, tu as aussi des ailes que je n'ai pas. »
Masashi se tait. Ses yeux scrutent les ténèbres, ils voient des papillons imaginaires virevolter au-dessus de la tête de Terukichi. Des papillons bleus, anges gardiens de rêves à venir.
-Parce que tu es un fils de déesse, Masashi, parce que tu es alors aussi une créature céleste, toi, tu ne peux pas mourir. C'est pour cette raison que si je meurs en même temps que toi, je ne mourrai jamais et, alors, nous sommes condamnés à vivre ensemble une vie pour l'éternité.
-Et... c'est ce que tu voulais ?

Silence.

Sous le drap, la présence de Terukichi semble plus légère. Comme si, finalement, elle était juste naturelle. Elle était un peu comme une partie de lui, peut-être, oui, peut-être comme les ailes qu'il aurait voulu avoir. Et si cette présence est douce et légère, sa chaleur a plus de valeur et de miracle qu'un soleil venu percer les nuages pour illuminer les humains gouvernés par la grisaille.
Finalement, c'était peut-être pour ça qu'il n'avait ni entendu ni senti sa venue. Parce que de toute façon, Terukichi était déjà au cœur-même de Masashi tandis qu'il errait dans ses rêves.
-Vivre pour toujours à vos côtés ? Oui, Masashi. C'est tout ce que je voulais.


De toute façon, qu'importait au fond de n'avoir d'ailes ? Lorsque la réalité est plus belle que le rêve, lorsque la vie sur terre est plus belle que le ciel, alors, finalement, on est juste heureux de pouvoir marcher pour toujours sur le sol qui nous a portés.


(novembre 2013)
 

  • Bonsoir, je vous remercie infiniment pour tous vos commentaires qui m'ont fait très plaisir, bien que je n'aie pas réagi jusque-là (je suis du genre silencieuse).
    Je suis heureuse de savoir que mes textes peuvent plaire comme ça, je me dis que ça ne servait pas à rien de les écrire :)
    Sinon pour répondre à votre question, "novembre 2013" est la date à laquelle j'ai écrit la nouvelle.
    Merci encore pour vos encouragements.
    Cordialement,
    L.A

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Hizaki6 orig

    Juliet

  • Ton texte était remplie de réflexion, de cruauté humaine dans un sens mais surtout de douceur et de... Pardon, finalement, non? Par contre juste une question que représente ce novembre 2013 à la fin de ton texte? La date où tu as terminé ton texte? En tout cas j'ai vraiment pris du plaisir à le lire d'une traite du début à la fin! Dont d'ailleurs le dénouement est heureux, franchement, bravo, vu la dernière partie je me demandais comment tu allais faire, si tu voulais terminer sur une note heureuse. Et là, tu m'as mouché... J'ai vraiment aimé, c'était très plaisant à lire! Je pense que ton style d'écriture est l'un de ceux auquel j'accroche facilement et dont je ne me lasse pas par la suite. Je n’ais plus rien à dire, mais juste un bravo à redire!

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Stretched 264806

    noryx

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