Malmö ou Ouvrez, ouvrez, la cage aux oiseaux

koss-ultane

                                                 Malmö ou Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux

     Bertrand a bien fait de venir en Suède. Il y avait sympathisé au-delà du raisonnable avec sa correspondante de longue date. Elle avait eu un père français furtif et portait désormais le nom suédois de sa mère mais était née Crosé. Se rapprocher de la nature était ce qu’il y avait de plus sensé en ces temps de lutte sans merci contre la pollution. Il avait trouvé ce petit travail de gardiennage dans la grande banlieue, enfin la large toundra, autour de la troisième ville du pays. Il partait de bon matin et, même pendant les huit mois d’hiver, c’était un grand plaisir de chevaucher son fidèle destrier viking. Un magnifique vélo à clou. A clou pour les pneus mais la selle était un modèle de confort. Il ne pouvait réprimer un sourire en pensant à tous ses camarades fébriles qui n’avaient jamais osé quitter leur ville natale chérie. Lui s’était arraché à cette grise et tiède viciation parisienne. Tout y devenait laid et stérile. En ce quinze janvier le froid piquait terriblement mais quelques protections locales appropriées, un peu de jugeote et de bon sens nordique, éradiquaient jusqu’au moindre désagrément. Il pédalait sans même y penser. L’air froid lui brûlait un peu le palais et la gorge mais il songeait à sa journée tranquille et à son logement minuscule mais propre et bien agencé. “A la scandinave” avait dit l’annonce.

     Bertrand approchait.

     Il avait l’habitude de faire un rapide état des lieux avant de partir travailler et revoyait en mémoire quelque chose de posé sur la tablette qui lui servait de table de cuisine, de salon et de salle à manger. C’était une vue à contre-jour artificiel, il n’avait pu clairement identifier ce que c’était avant de sortir dans le froid polaire. Cela ressemblait à un linge.

     Bertrand arrivait.

     Il avait mis son pantalon tout neuf. Birgit lui avait dit qu’il n’y avait qu’un défaut avec ses pantalons isolants mais lui n’en avait trouvé aucun. Elle cherchait toujours la petite bête, Birgit. Elle était bien gentille d’ailleurs. Blonde. Quelle surprise dans ce pays ! Bertrand, malgré sa solide éducation catholique, ne put s’empêcher de penser qu’à force de chercher la petite bête elle finirait bien par trouver la grosse. Non, il ne put se retenir de pouffer.

     Encore deux coups de pédales et hop ! Bertrand sauta à côté de son vélo et vit quelque chose tomber à ses pieds au moment où il regardait sa montre : moins cinq de la relève à moins vingt-huit degrés Celsius. Il rigola une dernière fois avant de se pencher vers la chose chue et éparpillée à l’impact.

     Au cœur de son dix-huit mètres carré, négligemment posé sur une tablette ridicule, un slip trônait, maître du monde. Le souci avec les braguettes à glissières trop neuves c’est qu’elles s’entrouvrent et baillent un peu plus à chaque coup de pédale. Les chirurgiens blonds dirent à Bertrand qu’il n’y avait que les étrangers en Suède pour descendre d’un côté du vélo et leur sexe de l’autre. A bon détendeur, salut ! Birgit trouva d’un coup beaucoup moins intéressant ce petit Français et “phallo” fut rapatrié sous un prétexte… fallacieux.

     Reconstituée, décongelée et replacée, il revint avec la quenelle rabougrie et sa quête d’étranger aigrie.

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