Mannequinat.

Hervé Lénervé

J’avais lu dans le chasseur français qu’un petit créateur cherchait des modèles pour un défilé rural à « Pernesiau Les Eaux ».

C'était une petite foire agricole dans laquelle entre deux tracteurs, derniers modèles, devant lesquels bavaient d'envie et de salive aussi, des agriculteurs en bleu de travail des dimanches. Une estrade avait été improvisée pour que puissent frimer des top-models pour faire baver d'envies salivaires des agricultrices, sur les derniers imprimés à la dernière mode pour leurs robes-blouses indémodables.

L'estrade mesurait deux mètres de large sur une vingtaine de long à une hauteur non-mesurée. Elle serait parcourue en grandes enjambées motivées par des filles aux longues jambes galbées, la tête haute et droite dressée vers les cimes, les yeux dans un lointain, le regard perdu dans des rêveries intérieures simulées, le tout couronné par un sourire soleil affiché sur leurs jolis minois. Mais si les filles étaient indéniablement les plus belles, des garçons aussi défilaient pour présenter la dernière collection de tenues de travail dans le vent des moissons.

Enfin, moi, je n'en étais pas encore là, car il me fallait déjà passer la sélection avant que d'espérer gagner une oie ou un cochon, au choix, vivantes les bestioles, «  il en va de soi ! » « nomine patris et fili et spiritus sancti ! » (Traduction latine approximative). Donc, je me présentais pour la sélection dans une cabane-caravane où le recrutement s'effectuait dans la plus stricte discrétion. Je fus introduit, mais dignement, dans une salle sans clim, où une tétrachiée de petits jeunots mesurant un mètre quatre-vingt-cinq pour les plus petits, surmontés de têtes d'anges romantiques ou de bellâtres analphabètes attendaient déjà.

Quand arriva mon tour d'être introduit, encore, non ! Là ça suffit, comme ça ! Je ne suis pas un garçon facile, quand même ! Enfin, quand mon tour vint, j'étais liquide ruisselant de partout et même d'ailleurs.

Le Créateur leva les yeux sur moi. Le couturier, voyons ! Qu'alliez-vous donc, encore croire ? C'était une créatrice d'ailleurs, mignonne du reste, mais on s'en fout, là n'était pas la question.

-         Oui ? Oh, non, plutôt ! Repasser plus tard pour la fuite, là je suis en plein casting.

-         Oui ! C'est justement la véritable raison de ma visite, ma petite dame, demoiselle, donzelle, peut-être !

-         Pardon ? Vous n'êtes pas le plombier ?

-         Heu, non ! je suis un fringant et sémillant postulant.

Elle éclata d'un rire, charmant au demeurant, mais on s'en fout, là n'était pas la question.

-        Vous n'y pensez pas, voyons !

-         Bé, si, j'y pense justement, voyez !

-         Mais enfin vous ne correspondez en rien aux exigences.

-         Et quels sont les critères exigibles ?

-         Il ne faut pas être petit comme un nain, ne pas être moche comme un pou et ne pas être con comme un ballet.

-         Comment pouvez-vous juger de mon efficience déficiente, vous ne me connaissez pas !

-         C'est vrai, je vous le concède, mais vous renvoyez une expression niaise qui ne sied pas au mannequinat.

-         Je ne vois pas en quoi cela gêne pour défiler comme un con en fermant sa gueule.

-         Bon, admettons ! Je vous le concède, mais les deux premiers critères ne sont toujours pas respectés.

-         Certes, mais le défilé est dans une semaine, j'aurai grandi d'ici là et je serai prince charmant, peut être !

-         Vous êtes optimiste, vous !

-         Oui ! je vous le concède.

Elle rit encore, mais d'un rire intime, cette fois, un léger feulement de rire de gorge. Ça y était, elle était sous mon charme, mais on s'en fout, là n'était pas la question.

-         Alors ! Que fait-on pour mon inscription ?

-         Ecoutez, je vais prendre vos coordonnés et si un de nos modèles se casse une jambe, je vous appellerai.

-         Super ! Mais vous pouvez m'appeler, même s'il ne se casse qu'une dent, ou pour me demander en mariage à la rigueur. ce serait plus sympa pour mes confrères. Je suis très fair play.

Elle sourit de plus belle et il est vrai que les femmes sont plus belles quand elles sourient et comme l'on dit couramment, à raison d'ailleurs, faire sourire une femme c'est mieux que de lui taper dessus avec une pelle.

Voilà, c'est ainsi que j'ai fait mon premier défilé de ma vie qui fut également mon dernier, car le public n'apprécia pas mon physique atypique. Mais on s'en fout, là n'est plus la question ! Car depuis, je vis avec la recruteuse et nous filons de concert un bel amour pendant qu'elle file et aiguille ses petites créations.

  • L'agricouture ?

    · Il y a plus de 6 ans ·
    30ansagathe orig

    yl5

  • original et marrant (attention LES femmes...quand elle sourit)

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Autoportrait(small carr%c3%a9)

    Gabriel Meunier

    • L’orthographe et moi, ça fait trois, je suis meilleurs en calcul ! Merci ! :o))

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • en tous les cas j'aime bien te lire (parfois suis débordé...) et j'ai vu que tu as aussi de saines lectures avec le chasseur français (LOL !)

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Gabriel Meunier

    • C’est grâce au chasseur français que j’ai connu ma femme. Elle avait passé une annonce entre « chien courant style Beagle, pas cher, à voir quand il ne court pas. » et « Vieux fusil servi qu’une seule fois. Vendu pour cause de veuvage, 1000 F à débattre. » :o))

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • n'étant pas du genre chien courant je fais quand même suivre à ma femme qui apprécie fort je crois le "déjanté" !

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Gabriel Meunier

    • Merci pour elle ! .o))

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Hervé Lénervé

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