Marche, en silence

k-feu-thiers

Un tumulte sourd, incessant, un bruit enveloppant, le silence devient une angoisse sans fond. Des soupirs, des chuchotements, les créatures rodent.

Puis un réveil en pleine nuit, rapide et invisible, le bruit de nos pas emplit l'espace au rythme de la poussière qui s'élève. Des longues heures, dans l'obscurité, seule la lune nous scrute.

 Plusieurs dizaines d'êtres, tous plantés aux mêmes endroits, pile sous l'astre.

 Perplexe, je regarde ces âmes fragiles prêtes à être déracinées.

 Entassés et cachés, l'effluve rance et lourde imprègne tout mon corps. Les uns contre les autres, ballottés, on perd pied.

Des longues heures à attendre dans un mutisme qui transforme les respirations en râles de souffrance, et l'odeur.

 Toujours l'odeur, mélange de peur et de rancœur.

On s'arrête enfin. À part des éclats de voix lointaines, le monde s'immobilise. Les râles se sont tus, c'est l'espoir qui glace l'espace.

Des battements de cœur à l'unisson. Ils semblent sortir de nos corps, impulser l'espace montrant notre présence aux yeux perfides.

Le mouvement nous sort de notre torpeur, on crie avec le corps, l'odeur devient presque supportable; changement, imperceptible.

Quelques heures puis la délivrance. Le noir, encore, mais plus de bruit sourd, de silence angoissant, seul les cris de la nature,

Pour elle nous ne sommes que poussière.

Personne ne nous attend, un autre voyage se profile. Pas de guerre mais pas de vie. Recommencer, se battre, encore, marcher.

On marche encore mais le cœur un peu moins lourd, humant cette odeur.
Ce soir, sous la lune, ballotté par le vent, je suis élément du monde.

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