Marguerite, reine de la plage

Sophie Marchand

par la suivante je vous informe que je vous trouve très sensuelle (écrits de jeunesse)

Ce sont ses dernières vacances, l'année prochaine elle aura 60 ans et sera à la retraite.
Ce matin, elle s'est éveillée, a ouvert les fenêtres de la chambre et a entendu avec plaisir le grondement de l'océan ponctué par quelques cris d'enfants.
Elle a préparé le café qu'elle a pris sur sa petite terrasse dans ce centre de vacances qu'elle affectionne particulièrement.
Elle trouve que sa vie est belle, qu'elle a de la chance, elle n'envie personne, pourtant elle est seule.
Les hommes, elle les a quittés quand elle s'est sentie limitée avec eux ou bien quand la vie avec eux a présenté trop de désagréments. Mais elle leur a donné de l'amour, des enfants, tout ce qu'elle a pu leur donner jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus.
Il y a eu aussi ceux qui n'ont fait que traverser sa vie comme des étoiles filantes mais qui lui ont permis d'avoir plein de souvenirs, une malle à trésor de laquelle rejaillit parfois une histoire quand elle se met à rêvasser.
Maintenant elle est sans désir pour eux, même si elle a toujours du plaisir à les regarder, les écouter parfois, et qu'est ce que ça la repose…
Elle a trouvé un cyber café où elle s'installe avec son ordinateur, les patrons sont deux jeunes surfeurs, un lui donne du « Madame » à chacune de ses requêtes, l'autre est plus cool, il lui sourit souvent et s'installe même à côté d'elle pour lui jouer un peu de guitare. Elle les regarde avec tendresse alors qu'il y a quelques années en arrière ce désir de l'autre, ce besoin de séduire aurait sans doute pollué ces rapports désormais sans ambiguïté.
La musique beugle, la nourriture est infâme mais elle s'y sent comme un poisson dans l'eau…

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Marguerite arrive dans le cyber café après le déjeuner alors que la chaleur est à son maximum.
Elle a désormais ses habitudes, se perche sur son tabouret favori, installe son micro sur la table haute et se tourne à la recherche des serveurs.
Celui qui l'appelle « Madame » de façon appuyée arrive de la cuisine, la gratifie d'un sourire et du « Bonjour Madame » attendu. Hier il a été un peu plus loquace, lui demandant si elle logeait au centre de vacances, s'il y avait encore du monde et quand est ce qu'elle partait.
Elle commande un jus de fruits et se connecte à sa messagerie.
Un peu plus tard, il lui pose un papier plié en 4 à côté de son micro et lui dit « c'est un message pour vous ». Un peu surprise, elle le déplie et voilà ce qu'elle découvre :

« Pardonnez mon audace en espérant que ce mot ne soit pas trop déplacé mais par la suivante je vous informe que je vous trouve très sensuelle et que votre plastique est des plus attrayantes je vous propose donc au cas où vous seriez attiré par un surfeur de 30 ans pour partager un moment de sensualité pour votre dernier soir.
Je vous glisse donc mon numéro XXXXXXXXX
Merci d'avoir lu ces mots.
P.S vous pouvez compter sur ma discrétion »

Marguerite hésite entre le rire, la surprise, le contentement…
Envie de rire car cette lettre, par certaines de ces expressions lui fait penser aux offres professionnelles de candidatures qu'elle reçoit de temps en temps ; elle est surprise car elle n'a rien souhaité, rien vu venir ; elle peut donc encore attirer un « jeune homme » et pas n'importe lequel, elle le regarde brièvement pour vérifier, oui, il a bien une gueule d'ange et un corps…il ne doit y avoir que du muscle ! Alors, elle se regarde elle, dans le miroir d'en face : la silhouette ça peut encore aller mais le visage, la peau, il doit bien voir quand même qu'elle n'est plus toute jeune ! A moins qu'il fasse partie des gérontojenesaisquoi ou qu'il soit gigolo ou mal voyant ! non, elle écarte catégoriquement ces pensées, il a l'air tout à fait normal !…
Elle se dirige vers lui quand il revient et s'assure « c'est vous qui avez écrit ça ? » « Oui » répond-il du tac au tac, pas embarrassé du tout.
« Bon, je suis plutôt flattée je dois bien le dire, mais vous connaissez mon âge ? » Là, il fait quelque chose qui l'épate, il lève son index et le pose sur sa bouche à elle puis il dit « Vous n'êtes pas obligée de répondre tout de suite, ce soir je ferme plus tôt, à 22H, on peut déjà aller prendre un verre ensemble si vous voulez»
Sur le chemin qui la ramène à sa chambre, elle réfléchit, qu'il est mignon mais quel petit con ! il lui a gâché ses vacances ou tout au moins sa tranquillité d'esprit ; elle, qui avait atteint le summum de la sérénité, le détachement, là voilà maintenant aux prises d'un dilemme diabolique : répondre à sa demande et faire renaître un désir qui va la déborder c'est certain et l'engloutir, ou bien ne pas donner suite mais elle craint les regrets qui risquent d'apparaître à la vitesse grand V et la frustration qui va avec.

Quelques heures plus tard, sa décision est prise, elle se dit que perdue pour perdue, autant prendre le plaisir escompté…

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Comme il le lui avait proposé, ils se sont retrouvés à 22 heures après la fermeture de son cyber café. La nuit était tombée mais elle était claire.

Ils ne savaient toujours rien l'un de l'autre, à part son âge à lui 30 ans et sa pratique du surf, pas eu le temps de faire connaissance autour d'un verre car il lui avait dit au téléphone « Venez à la plage, on décidera après où on ira. »
Il l'a tout de suite prise par la main et l'a entraînée en bas de la dune.

Il avait la même avidité qu'elle. Il a attaqué sa bouche, a happé ses lèvres, sa langue.

Ils étaient dans l'urgence comme s'ils avaient peur que quelque chose ne se mette en travers de leur désir.

Elle s'est sentie ployée, il a amorti sa chute et a commencé à la caresser en la déshabillant.
Elle s'est laissée faire, ouvrant les yeux sur les étoiles comme pour photographier l'instant puis les refermant pour mieux savourer le plaisir qu'il lui donnait.
Son corps se réveillait, retrouvait les sensations qu'elle avait oubliées, la chaleur d'une peau, la douceur des caresses, le désir impérieux de l'autre.

Elle s'est sentie partir très haut, très loin ; il lui a semblé entendre un cri au loin puis elle a réalisé que ce cri, c'était le sien.

Puis, ils se sont apaisés, regardés, alors c'est elle la première qui a parlé.
En souriant, elle lui a dit « toi, Petit, tu es… de la dynamite ! »


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