Maria

pecheur

Je la croisais souvent le long de la vieille rue de la vieille ville, seule, toujours seule, murée dans sa solitude dense, âpre, compacte.
Sur son visage fin et altier, elle portait les stigmates de ses errances douloureuses.
Grande, très mince, blonde, profil étrusque, teint pâle, yeux bleu myosotis, elle paraissait sans âge. Je savais pourtant qu'elle était encore jeune, tout comme je connaissais son histoire absurde et pathétique (dans les petites villes, tout se sait même la vérité )
 
Elle avait le regard mélancolique et cruel de ceux qui ne peuvent résister à la fascination de l'abîme. Elle en avait aussi le raffinement suprême.
 
- Vous savez, me dit-elle un jour que nous cheminions ensemble sous la pluie (je l'avais abritée sous mon parapluie), c'est la vulgarité qui excite les hommes, surtout les plus distingués. J'aime tant votre distinction invisible. Il arrive parfois que j'en sois tout excitée.
Comme je le suis en ce moment. Regardez. Dans mes yeux. Et là aussi. »

Quand elle pleurait, ses larmes bruissaient comme des perles de pluie sur sa peau de soie mate.
Son prénom la destinait aux rêves sucrés et à la douceur de vivre.
Elle m'avait confié que ses amies collectionnaient les fiches « la fellation de A à Z  » elle relisait les souvenirs de son enfance tamisés par les rêves et aplanis par le temps.
« Arrêtez de contempler mon âme, regardez mes fesses de femme, regardez la femme qui veut naître, renaître entre vos bras. Rangez votre si délicate retenue, laissez s'exprimer les envies folles que vous me cachez. Je les espère.»
 
 
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