MARIAGE
Gabriel Abel
Je te passerais bien la corde au cou
Mais tu as peur que j'y réussisse
La crainte du bonheur, la phobie du Nous
Un autre genre de mort propre et bien lisse
Si tu savais comme j'ai imaginé
Ce moment exquis où je serais tienne
La vraie fille nunuche et empruntée
Dans sa robe de maîtresse du Domaine
Bien sûr, une fois l'alliance consommée
Je deviendrais bedonnante et vilaine
Je serais sale et me lais'rais aller
Je te crierais dessus comme une chienne
Pour la goutelette au bord des toilettes
Pour ne pas avoir aligné tes chaussettes
Le plus beau jour de ta vie deviendra
En une seconde comme un coup de froid
Le plus effrayant de tes cauchemars
A l'heure où tu me passeras l'anneau
Je changerais aussitôt de regard
Alors tu comprendras l'air ballot
Que toute ton existence est finie
Comme ça, pour un bon coup tiré une nuit
Pour sûr, une fois l'alliance consumée
Je mettrais mes cheveux en papillottes
Des tranches de concombre sur mon nez
Je hurlerais à m'en arracher la glotte
Je viderais ton gros compte de banque
En t'insultant le soir pour ce qui manque
Nous vivrons heureux avec beaucoup d'enfants
Il était une fois un couple bien charmant
Qui partagèrent tous leurs biens par moitié
Lave-vaisselle, enfants, télé...
Ah ! le mariage, quelle belle idée !