Marina Bay. (2)
effect
Entre deux aller-retour chez Marc, Betty se faisait d'une humeur massacrante, d'une humeur à faire dénoyauter toute une cagette de Burlat avant d'attaquer un clafoutis à la pêche: elle était en colère du temps perdu pour rien. Elle disait de moi, que je lui faisait penser à un vieux compteur edf dans une maison de montagne et où la technologie n'avait d'avance que celle du camion-frigo avant que le poisson n'arrive entier et frais sur la place du village :
- Faudrait te relever les heures consommées et bien différencier les creuses des pleines, pour pouvoir ajuster la tarification de tes jours à celles de tes nuits !
- Quelle consommation ?
- Celle de ta connerie ! C'est à se demander si tu laisse pas en mode veille tous tes instruments ! T'as peur que leurs données ne s'éteignent ou ne s'effacent ?
- Quels instruments ?
- Les instruments qui permettent au cerveau de faire tourner la boule ! Si ta tronche elle se nourissait aux granules, j'te racontes même pas le tas de cendre que tu devrais enlever tous les matins pour faire propre ta chaudière ! Ça va ? Dans ta tête ça caille pas trop ?
Betty essayait de me faire comprendre par une petite allégorie matinale, une dont elle seule détenait le secret pour vous la raconter, que notre petit chalet de Haute montagne, "celui où mon chéri en hiver notre chat ne sort jamais de sa couche à la boite aux lettres, avant de voir si son museau à la fenêtre de la cuisine va pas resté collé au carreau", était pourri. Qu'un double ou triple vitrage n'y changerait rien, qu'il faudrait aussi passer par un quadruple toit et 50 murs autour avant d'envisager un truc fou tous les deux sur la moquette du salon !
Betty ne supportait plus le froid ni les vieilles poutres des "Aux 2 marmottes", majorant que sa remise en état nécessiterait un trop gros saladier pour un résultat pas plus meilleur qu'une formule taboulé-saucisse chez Flunch: de l'attente, du mauvais goût dans la bouche et du courant d'air sous les banquettes.
Betty voulait une cabane à la mer, un genre de pagode avec un vrai toit en paille plutôt que du multi-couches, du sable sous les pieds plutôt que de la crotte de marmottes, une rangée de palmiers filtrant les derniers rayons d'un coucher de soleil devant sa porte plutôt qu'une allée de conifères rompus dans de la brume, et surtout de l'alizé dans ses cheveux plutôt que ce foutu foehn de merde à décorner les biques !
- Tu crois que je vais faire comme le chat ? Attendre le plat du jour et regarder tomber la neige ?
...
J'adore Betty et ses légitimes colères. D'autant qu'ici aujourd'hui il neige et ça me met un peu dans le même état car c'est la seconde fois cet hiver
· Il y a plus de 6 ans ·nyckie-alause