Marqué

ttr-telling

Parfois, on se demande pourquoi les choses sont ce qu'elles sont. On se retrouve dans ces situations qui semblent parfois grotesques, parfois irréelles, parfois sublimes, parfois tragiques... 

Il avait presque oublié ce que c'était, de vivre. Cette pulsion qui l'empoignait, et le poussait en avant. Cette énergie qui le traversait, qui lui disait "attends, tu vas voir, y'a encore mieux qui arrive". 

Lui qui errait, qui errait depuis si longtemps qu'il ne s'en rendait même plus compte. Un jour, il l'a rencontrée. Celle qui lui a donné sa place dans ce monde.

Il était perdu, avec son cœur écartelé, ses émotions bridées et ses espoirs évaporés. Mais elle était comme un phare dans la nuit sans fin qu'il traversait.

Il avait peur. Il était terrifié, même. Il ne savait pas s'il suffirait. S'il méritait. Alors il a pris les devants, pour s'assurer qu'elle était trop bien pour lui. Il lui a tendu le tas informe qu'était son cœur. Il lui a dit qu'il était un moins que rien. Il l'a prévenue qu'il ne serait jamais digne de la lumière qu'elle dégageait.

Les yeux baissés, il s'apprêtait à repartir vers les ombres. C'est alors qu'elle lui a souri. Elle a posé ses mains pour couvrir ce qui restait de son cœur, a attendu qu'il relève ses yeux vers elle, et lui a prononcé ces simples mots de sa voix d'ange :

- "Je suis là pour toi."

Il ne comprenait toujours pas pourquoi. Pourquoi il se sentait ainsi, près d'elle. Pourquoi, lorsqu'il avait l'impression d'être pris dans la tempête, sa simple présence suffisait à le ramener sur le rivage. Pourquoi, lorsqu'il avait l'impression de se perdre dans les limbes, son seul regard suffisait à le ramener dans la lumière. Pourquoi, lorsque plus rien ne faisait sens, sentir sa peau contre la sienne suffisait à rétablir l'équilibre de son monde.

Cette intimité partagée, ces instants hors du temps, cette communion qui ne nécessitait ni contact ni parole. Etre là, à ses côtés. Rien ne l'avait jamais rendu plus serein. Rien ne l'avait jamais rendu plus fier. Rien ne l'avait jamais rendu plus vivant.

Mais ces instants si précieux avaient un prix.

Le bien-être que provoquait sa présence devenait le terreau de la panique que provoquait son absence.

Son errance avait laissé des marques. Des marques qui n'attendaient qu'un nuage pour se repaître de son ombre, pour rouvrir ses plaies, les faire béer, et en faire suinter une sanie nauséabonde.

Chaque fois qu'elle s'en allait, il se persuadait qu'elle allait finir par se rendre compte qu'il n'était qu'un monceau de débris. Un vulgaire pantin brisé. Un déchet qui était indigne d'une telle lumière.

Pourtant, elle persistait. Jour après jour. Elle restait près de lui. Elle lui répétait ces mots, qu'il était certain de ne pas mériter :

- "Je suis là pour toi."

Jusqu'au jour où la gangrène pris possession de son cœur. Jusqu'au jour où la peur qu'elle ne le regarde plus de la même façon envahisse la moindre de ses cellules, empoisonne la moindre de ses pensées. Jusqu'au jour où les épreuves subies pendant son errance achevèrent leur travail.

- "Je dois m'en aller." Lui a-t-il dit, la mort dans l'âme.

Elle l'avait regardé droit dans les yeux, le cœur déchiré. Elle avait fini par répondre ce qu'elle lui avait toujours dit.

- "Je suis là pour toi."




TTR.

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