Martyn et Kowski Enquêtes et Héritages
Marité De Vos K.
Quand Martin MARTYN a rencontré Lou KOWSKI en haut de l’escalier, elle n’était pas à son avantage, il n’était pas dans un bon jour.
Mais Martin avait l’usage d’une fille comme elle, et Lou besoin d’un type comme lui.
Lou Kowski, environ trente ans, ingénieur informatique, spécialiste en communications électroniques, experte es réseaux, accro à l’écran.
Martin Martyn, environ quarante ans, expert en communications humaines.
C’est comme ça qu’est née l'agence Martin & Kowski, Enquêtes et Héritages.
Mais attention, boulot boulot, rien de sentimental entre eux parce que l’un comme l’autre, c’est le genre prudent, mais tout de même... très attentif à l’autre... toujours un œil sur l’une...
Cette enquête a commencé comme une recherche habituelle, une fortune, un mort sans famille et en avant la routine.
Seulement cette fois, ça ne s’est pas passé comme ça.
D’abord, le mort, c’était Morgane Blister, la star, sa fortune était colossale: Ginny Marsan, la dame de compagnie, et Jean-Paul Durant son producteur réclamaient tous les deux l’héritage.
Sans compter les emmerdements, parce que le monde du cinéma, c’est illusion ragots et compagnie, de la rancune mais pas de mémoire.
Martyn pistait les cinéastes et l'Etat civil, Lou Kowski arpentait le Web où elle ne faisait pas que des bonnes rencontres et le temps filait.
Et tout en luttant, sans toujours y réussir, pour ne (presque) pas déraper vers l'amour, l'amour, l'amour, ils finirent par trouver l’héritière aux milliards. Et de nouvelles bases à leur collaboration...
Martyn et Kowski
Enquêtes et Héritages
Ambiance molle à l'Agence, Martin Martyn fait un château de cartes, Lou Kowski défragmente son disque dur. Il prétend battre son record de dix étages de cartes et elle tente de s'hypnotiser grâce aux carrés de couleurs qui défilent sur l'écran et pénétrer ainsi, enfin, dans le cœur d'Alfred, son ordinateur, dans son cerveau, dans ses tripes et s'installer au paradis des gigaoctets.
Il se tait, elle n'est pas bavarde, tous les deux trop occupés à une activité sans intérêt, ils s'ennuient copieusement.
On pourrait les prendre pour le beau couple, lui, il est parfait dans le style anglais. On suppose une éducation rigoureuse, des études à Cambridge, une famille huppée, on imagine qu'il a été très bien élevé, mais il y a sous le vernis cette souplesse, cet éclat dans le regard un peu trop vif, mais il y a ces yeux noirs, cette masse de cheveux bruns, ce dandysme exotique, un peu métèque, un peu gitan.
Kowski c'est la très jolie femme, fine, grande, lisse, les yeux clairs presque transparents, les cheveux blonds lumineux, en queue de cheval très serrée, très épaisse. On se dit d'abord voilà une jeune bourgeoise qui ne doute de rien, mocassins et foulard Hermès, on la trouve d'abord incroyablement belle et peut-être un peu trop civilisée et puis dans ses yeux on devine un monde étranger, on est surpris par les ongles trop courts de ses belles mains, on s'interroge sur ses épaules fermées d'ange aux ailes repliées et alors, sa perfection apparente devient inquiétante.
Quand ils ont bouclé leur dernière enquête, ils étaient contents de prendre un peu l'air mais maintenant, ils ont besoin d'action.
Non qu'ils aient du mal à se supporter, pas de problème avec ça, ils sont capables de se croiser sans se voir, de partager le bureau sans s'effleurer. Ils viennent de traverser une nouvelle journée silencieuse sans que ça leur tape sur les nerfs.
Mais enfin, ça a trop duré, il faut que ça bouge.
La sonnerie surprend Kowski qui ne peut réprimer un cri de souris coincée, Martyn éclate de rire, nerveux lui aussi. Il décroche sous le regard désapprobateur de Kowski qui est persuadée que l'Agence utilise le dernier téléphone à fil du monde.
Allo, oui, bonjour Thomas.
Maître Thomas Haubert et Martyn sont devenus amis il y a quelques années, quand Martyn n'était personne. Touche à tout, bon à rien, sa culture, son érudition, son éclectisme le desservaient. Il n'avait pas découvert les champs aventureux de la généalogie, Thomas Haubert les lui ouvrit, généalogiste il serait.
Qui plus qu'un notaire a besoin d'un généalogiste? C'était justement la raison de son appel.
Remisant ses cartes en silence, Martyn se réjouit, il sentait venir la belle enquête.
Kowski le voyant se concentrer, leva les yeux au ciel, elle se disait ça y est, le voilà en pleine crise d'intuition, les fameuses intuitions de Martyn!
Elle est ingénieur en TIC, nouvelles technologies de l'information et de la communication, c'est une scientifique, les faits, les chiffres, les expériences reproductibles, c'est son domaine, l'impalpable, les sens, tout ça pour elle c'est bullshit. Il ne faut pas lui demander de déchiffrer un regard franc ou une moue désabusée, encore moins de décrypter un dialogue, elle n'est à l'aise que devant son écran, son mobile, son clavier, sa webcam et en général tout gadget électro-techno-info communicant. L'exact contraire de Martyn qui est capable en regardant n'importe quel pékin de vous sortir son histoire familiale complète jusqu'aux origines du monde, enfin presque.
Martyn sait très bien ce qu'elle est en train de penser, sa scientifique, mais lui, la science ... inconnu hier, vrai aujourd'hui, faux demain, oublié après-demain. Lui aussi est expert, mais en communication humaine.
Oui, oui, Thomas, oui, je vois. Oui... Morgane Blister, très bien... mort naturelle, oui...
Parfaitement... C’est ça, envoyez-nous ça... Eh bien, cher Maître, merci de ta confiance...
Il sourit à la dernière phrase de Haubert qui lui demande, votre assistante , associée, secrétaire...
Elle vous accompagne ? Et raccroche sans répondre.
Haubert voudrait savoir ce qu'il y a exactement entre Martyn et Kowski, s'il y a quelque chose, comment est ce quelque chose, jusqu'où il va, ou s'il n'y aurait aucun obstacle à ses projets à lui. Il a tenté quelques ouvertures sans aucun succès, il se demande...
Martyn est rêveur, très lent d'un seul coup, il est ailleurs et puis, il se reprend, Kowski attend la suite.
Nous avons du travail. Après la projection du dernier film de Morgane Blister, son producteur organise une méga soirée promo. Mourir juste avant sa première, chapeau, c'est une vraie pro.
Haubert nous envoie des invitations.
Pfff … Zozos et champagne ! râle Kowski, tout ce que j’aime !
Martyn lui donne le fin mot: Morgane Blister, grosse, grosse fortune, est morte intestat, un héritage sans héritier ...
Ah, s'exclame Kowski ravie, les affaires reprennent ! J’adore...
L'imprimante grésille, sort les invitations et vomit une masse de documents, dont l'inventaire complet des biens de Morgane B.
Kowski lit les informations tout haut, Martyn classe mentalement les données, elle fait un rapide calcul, quand il s'agit de chiffres, son cerveau travaille tout seul, elle pianote sur son clavier en marmonnant, total patrimoine ... moins les frais... plus... six pour cent... et elle tourne vers Martyn l'écran de son ordinateur où la somme éventuelle de leur pourcentage s'affiche: 1 230 000.
Sa jolie bouche s’arrondit, coquet, dit-elle sur un ton glacial.
Pas mal, laisse tomber Martyn, songeant qu'une telle fortune annonce à coup sûr beaucoup d'intérêts divergents et des ennuis à la hauteur de son montant, énormes.
Elle monta se changer, Martyn sortit un Roméo et Juliette d'un étui en cuir, il le coupa très soigneusement, le chauffa doucement à la flamme d'une longue allumette et puis l'embrasa dans un long soupir de plaisir, Valse mélancolique et langoureux vertige... il offrait à la fumée ondulante ce vers de Baudelaire
Les volutes du cigare montèrent dans le sillage de Kowski en spirales odorantes, aspirées par l'escalier tournant.
C'est cet appartement au-dessus de l'agence qui décida de leur rencontre. Il y a deux ans, Martyn cherchait un local, Kowski un appartement.
L'Agence était à l'époque un local poussiéreux, une bouquinerie vieillotte en rez de chaussée avec un appartement au dessus. Pendant que Kowski visitait le haut avec un agent immobilier un peu trop empressé, Martyn faisait affaire avec le sien. Il refusa le nettoyage proposé, les livres, l'atmosphère de poussière et de vieux parchemin lui convenait tout à fait.
Martyn posait la question de l'escalier quand Kowski passât à travers la fine planche qui en condamnait l'accès depuis l'appartement.
Il l'aurait reçue sur la tête s'il ne s'était vivement écarté, la laissant choir, brutalement assise sur une marche étroite.
Martyn qualifia leur rencontre de Conjonction Merveilleuse et Kowski de Rencontre du hasard et de la nécessité.
Si elle n'avait pas été sonnée par sa chute, elle qui ne boit jamais d'alcool n'aurait jamais bu le whisky d'une flasque qu'il sortit d'une poche intérieure.
La conjugaison des deux événements lui donna une liberté de parole inédite et c'est ainsi qu'ils découvrirent leurs qualités complémentaires.
Elle cherchait un appartement, lui un local mais ils avaient tous les deux besoin surtout d'un mouvement dans leur vie comme par exemple monter une improbable affaire de recherches et enquêtes en généalogie avec un parfait inconnu.