Masamune / Muramasa

Caïn Bates

Les traditions martiales forment une grande part de l’héritage historique et culturel du Japon ancien. Les sabres (dont les fameux katana) sont aujourd’hui des pièces de collection.

   Selon la légende, Okazaki Masamune 岡崎正宗  dit Masamune et Sengo Muramasa 千子村 dit Muramasa seraient les deux meilleurs forgerons que la Terre est porté. Les lames du premier sont les plus célèbres et sans doute les plus chères du monde, toutes civilisations confondues. Un de ses chefs-d'œuvre fut la Honjo Masamune, qui fut la possession et le symbole du shôgunat (gouvernement) des Tokugawa (les dirigeants du Japon lors de l'époque d'Edo, de 1603 à 1868); ses épées sont réputées pour leur pureté et il est dit qu'elles ne font pas couler le sang. Les secondes, pour des raisons obscures, ont une mauvaise réputation. Ces lames, également des pièces extrêmement rares, sont réputées pour donner à leur porteur une soif de sang et de carnages sans égale.


    Un jour, Muramasa, le forgeron, décida de lancer un défi à son maître, Masamune. Il lui proposa que chacun forge une lame, la meilleure qu'il lui soit possible, et qu'ils comparent ensuite leur facture, leur tranchant et leur âme afin de déterminer lequel des deux grands artisans serait, de tout l'Empire, le meilleur. Masamune releva le défi et chacun, dans son atelier, se mit à l'ouvrage. Cela prit longtemps, très longtemps, et, face à l'énergie déployée par chacun d'eux, on dit que même les dieux des rivières et des bois alentours vinrent les voir à l'ouvrage. Les saisons passèrent et, un beau matin, le maître et le disciple admirèrent leur ouvrage accompli. Ils avaient terminé le chef-d'œuvre de leurs vies.

       

      Muramasa avait forgé une lame sombre, qui brillait d'un éclat majestueux. Elle était froide et langoureuse comme une multitude d'hivers, c'est pourquoi il décida de l'appeler «La Lame des Dix Milles Hivers». Masamune se trouvait devant une lame banche et dont les reflets semblaient remplis de sérénité. Au toucher, elle était chaude et agréable et s'accordait avec douceur aux mains de son porteur, pour cette raison, il décidé de l'appeler «La Lame des Tendres Mains».

 

    Chacun avec son œuvre, maître et disciple se rendirent au bord d'une rivière pour voir laquelle de ces deux armes serait la meilleure. Il s'agissait pour chacun, à tour de rôle, de plonger sa création dans l'onde, tranchant orienté vers l'amont.

       Muramasa plongea sa lame dans les flots. La lame démontra alors son fil sans pareil, tranchant d'abord une feuille morte emportée par le courant, puis tous les poissons qui s'approchèrent. Puis la lame coupa aussi les flots qui s'ouvrirent derrière elle, ainsi que le vent qui glissait sur la rivière. Rien n'échappa à son cruel tranchant.

     Masamune avait patiemment attendu, la main sur son épée, que son disciple ait terminé sa démonstration. Il fit à son tour glisser son sabre dans les eaux. La feuille l'évita, les poissons la contournèrent, la rivière poursuivit son cours et le vent souffla toujours sur la surface. La lame ne trancha rien. Satisfait, Masamune retira son sabre.

.     Muramasa se moqua alors de ses piètres qualités de forgeron. Cependant, le maître, calmement, essuya son épée et la rangea au fourreau, un sourire au coin des lèvres, tandis que son disciple continuait de l'insulter. Un moine qui avait assisté à la scène vint alors. Il commenta ce qu'il avait vu en ses termes:

     "La lame de Maître Muramasa est certes une lame extraordinaire. Son tranchant est sans égal, mais c'est une lame féroce et cruelle, une lame mauvaise. En effet, elle ne fait nulle distinction et tranche tout. Feuille, poissons, ondée, vent. Elle ne s'arrête jamais. C'est assurément là la lame la plus vicieuse et la plus mauvaise qu'on ait jamais forgée. La lame de Maître Masamune, en revanche, est douce et pure, elle ne tranche pas les choses innocentes et ne fait pas couler le sang. Elle laisse passer ceux à qui elle n'est pas destinée comme elle a laissé passer feuille, poissons, ondée et vent. C'est assurément là, de toutes les lames, la meilleure qu'on ait jamais forgée.»

  • Voilà une merveilleuse leçon quant à la valeur d'un guerrier et de sa lame. La cruauté ne mène pas à la force. Chapeau bas.

    · Il y a presque 7 ans ·
    34cf88ab

    Blackat


    • Je suis un maître des lames, je ne prends aucun plaisir à tuer, je suis doué pour ça voilà tout.

      · Il y a presque 7 ans ·
      Thmwgjnrs4

      Caïn Bates

    • C'est tout à votre honneur ma foi.

      · Il y a presque 7 ans ·
      34cf88ab

      Blackat

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