Mauvais rêves.

Christophe Hulé

Quand je rêve, je glisse sur l'eau ou sur la neige, à plus ou moins vive allure.

Je traverse les vitres ou les murs sans trop d'effort.

Toujours suspendu, je reviens inlassablement dans ce quartier pouilleux peuplés de saltimbanques assassins qui me pourchassent, j'atterris dans une sorte de caverne immense avec des créatures de cauchemar tout en bas, ou collées aux parois, je vole trop doucement et trop bas.

Par bonheur, je me réveille en sueur avant d'être déchiqueté, dévoré vivant.

Le tsunami approche, de plus en plus menaçant, comme les autres que je devine, j'essaie de trouver un point culminant au-dessus de cette vague qui avance lentement et que je vois poindre au loin, bien au-dessus des montagnes.

Je coure, je vole, je glisse, mais toujours trop bas, trop lentement.

Derrière moi je ne peux qu'imaginer des horreurs, ayant trop peur cette fois de me retourner.

Ou cette avalanche de cauchemar, ou mes pieds au bord du vide sur une falaise qui n'est pas de ce monde, des immeubles titanesques, dont on ne voit pas le haut, qui s'écroulent au ralenti.

Ce chien de l'enfer qui referme sa gueule, et son maître d'en rire, j'ai beau crier, il continue à mordre et l'autre de rire encore plus fort.

Je suis un éternel survivant, parfois je voudrais ne plus dormir, nager dans un brouillard épais où rien ne se passe.

Ai-je commis quelque crime ? J'ai beau chercher, je ne vois pas, peut-être la faute d'un bi- ou tri- aïeul sans remonter au péché originel, dont le sens m'a toujours échappé, cette histoire de pomme et de serpent, accéder à la connaissance serait donc un délit ?

Toutes les peintures que j'ai vues montrent la même humilité, la même souffrance, pour une histoire qui aurait pu être belle.

C'est l'avènement d'un des plus grands fléaux, la culpabilité.

« Vous avez beau en rire, c'est eux qui vous ont eus » (Lama, je sais, je sais, j'ai déjà cité ce passage, mais je fais ce que je veux, quand on aime, on ne compte pas).

Cette angoisse qui ne me quitte jamais le jour, ce sentiment atroce d'avoir commis quelque crime et d'en payer le prix.

« Et ceux-là sans savoir [me] regardent passer ».

C'est la faute au curé de famille, à toutes ses conneries que je regrette à présent, la confession, la « retraite », drôle de terme quand on est qu'un gosse, la montée des couleurs, la Promesse, et j'en passe …

Me voilà, aujourd'hui comme hier, englué dans cette fange, comme tant d'autres.

Alors non, je n'ai aucune nostalgie pour cette France là, il n'y a pas que les réseaux sociaux pour bousiller l'innocence, à chaque époque sa propagande.

Obéir, se prosterner, se flageller, qui peut dire que les choses ont changé ?

Dans certains pays, que tout le monde connaît, le doute n'est plus permis, l'oppression a pignon sur rue, financée par ce qu'on appelle les autorités en place, permettez-moi ici de ne pas aller plus loin, la nausée est insoutenable.

Oui, femmelette, midinette, pauvre petit bourgeois rongé par les remords de péchés véniels, tu ne vis pas dans ces pays là, la vraie souffrance, la torture, la peur de dire quoi que ce soit, la délation érigée en système, c'est le peuple qui fournit les armes de sa propre destruction.

Tout est dans la tête dit-on, mais je reconnais ne pas connaître ce qui est dans la chair, avec mes cauchemars à deux balles et mon passé de petit Chrétien, ou crétin, pardon d'être léger ici.

Joyeux Noël quand même !

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