Mauvaises conduites

chrisalexandra

Nouvelle

« Mes maîtres ne regardent plus depuis longtemps les flammes lécher les bûches, pense Ciao tout en se couchant devant la cheminée monumentale du salon. Ils sont en apparence plongés dans la contemplation d’un écran qu’ils appellent télévision. Même si les images qui bougent incessamment semblent accaparer leur attention, je les sens encore plus nerveux que d’habitude, lui se tord les doigts, elle ne reste pas en place. Dans pas longtemps, l’atmosphère électrique de cette pièce sera désagréable et c’est un euphémisme ! Ça y est, ça commence ! Salut, je me tire avant que l’atmosphère soit irrespirable ! Je les laisse à leur guerre ! »Et sans perdre son flegme de labrador, Ciao passe à la cuisine froide et vide, puisque le personnel a été renvoyé depuis six mois déjà.

Pendant ce temps dans le salon, lui répète une énième fois les mêmes paroles noires: « Il fallait faire attention au carrefour, toi insouciante tu allais trop vite. Toujours je te mettais en garde. » Elle, répond. Des condamnations, des récriminations, des parades, des justifications toujours les mêmes depuis dix ans, tournent, cinglent, virent, volent, attaquent sans vouloir quitter ce couple qui se déchire. Le ton monte régulièrement, mots acides, mauvais, aigris lancés à la volée sans retenue dans le seul but de faire si mal que l’adversaire ne s’en remettrait pas. Il lui reproche tout à coup un amant, elle s’en défend mollement. « Comment pourrait-il savoir puisqu’il est cloué sur son fauteuil? » se demande-t-elle. L’escalade de la violence verbale peut avoir ses limites, alors, quand tout à coup il lui lance méchamment qu’il a des preuves parce qu’il a embauché un détective privé pour la faire suivre et qu’il va lui faire payer cette trahison. La défaite est si violente et si inattendue, qu’elle reste tétanisée, clouée sur un fauteuil à son tour, anéantie, trahie.

Sans un mot cette fois, il jubile : il a gagné ce soir, estocade finale, il en est sûr. Il pourra ruminer sa victoire tranquillement en suivant d’un œil la suite du programme télé. Mais, il n’y croit pas vraiment à son succès. Il la connaît très bien cette ennemie qu’il a aimée plus que tout il y a longtemps, avant, avant l’accident. Après tant de haine il aspire à se laisser aller, il somnole enfin, bercé par la chaleur du feu et le murmure de la télévision. Ils étaient si amoureux, qu’aujourd’hui encore il peut dire qu’il en crève. Avec le temps son amour va encore loin. « Je voudrais avant de disparaître en paix, m’assoir près de toi, prendre ta main et poser simplement, tout doucement, ma tête sur ton épaule, rêve-t-il les yeux fermés. Je regarderai alors se former sous tes pinceaux la forme que prendra ta vie, sans poser de question, simplement pour nourrir mon âme qui a soif de partager la couleur et le goût des fleurs. Nous écouterons ainsi, venus de loin, le murmure de nos peurs anciennes et nous sourirons d’avoir enfin déniché un coin de ciel clair dans la tourmente. » Aucune distraction ne pourrait le ravir plus que cet espoir d’harmonie enfin retrouvée. Il s’endort finalement le sourire d’une paix rêvée illuminant son visage.

Elle, dans le calme revenu, peu à peu sort de la surprise où il l’a plongée. Trop injuste cet homme ! Elle n’en pouvait plus de ses reproches depuis trop longtemps, alors quand elle a trouvé un abri où se reposer dans la tempête, quand elle a rencontré Jean Noël, elle a raccroché un brin de gaieté à ses lèvres. Elle n’aurait jamais imaginé qu’il connaissait sa liaison qu’elle taisait pour le protéger. Depuis combien de temps est-il au courant? Les interrogations n’en finissent pas de se bousculer dans son esprit, jusqu’à la nausée. Non, elle ne veut pas, cette fois encore, endosser le manteau de la victime, la révolte gronde en elle. Elle le regarde, il dort, affichant un sourire insolent qui lui arrache le cœur. « Quelle méchanceté! Suffit maintenant, c’est la goutte qui fait déborder le vase ! » Cette expression la conforte dans sa décision. Elle se lève alors, froidement déterminée à ne plus se laisser humilier par un homme paralysé qui, depuis l’accident, lui fait porter toutes les responsabilités. « Il a pourtant été prouvé que le chauffard d’en face était ivre, ne s’était pas arrêté au stop et roulait trop vite. Ma seule faute était d’être là au mauvais moment. Trop d’égoïsme décidément ! » Elle se dirige machinalement vers le vestibule, « C’est la goutte qui… », elle ouvre le tiroir de la commode, « fait déborder le vase. ». Elle fouille. La phrase tourne dans sa tête. Elle s’empare du petit pistolet destiné à les défendre en cas d’intrusion dans leur maison isolée, et, portée par un instinct quelle ne reconnait pas, elle revient au salon tout en chargeant l’arme. « C’est la goutte… » Elle s’approche du fauteuil d’handicapé, il dort affichant une expression moqueuse qu’elle ne comprend pas. Elle tire froidement.

Comment a-t-elle pu faire cela ? Elle ne sait pas, mais finalement, elle n’aurait jamais imaginé que c’était si facile… Il saigne de l’oreille, sa tête tombe sur son épaule. Il est mort. Elle se sent soudain délivrée de trop de haine. Calmement elle prend la main de ce cher amour envolé, il sourit toujours, elle ne saura jamais pourquoi. Elle referme ses doigts sur le pistolet pour simuler un suicide puis, monte précipitamment l’escalier pour fuir son geste, sa vie, fermer les yeux sur son passé, enfin se reposer! Elle appellera la police demain matin, « ça paraîtra plus vraisemblable » décide-t-elle. Ce soir pour la première fois depuis dix ans elle dormira sereinement. Demain elle congédiera aussi son amant et après demain, elle reprendra ses pinceaux et parcourra la campagne comme avant, avant, avant… « C’était la goutte qui avait fait déborder le vase. Ça, oui.» pensa-t-elle en sombrant dans le sommeil.

Au matin elle se lève, retrousse ses manches, il fait beau, elle se sent prête à achever sa libération. Elle se prépare, descend, boit un café à la cuisine. « Tiens Ciao n’est pas là comme à son habitude ! » remarque-t-elle sans y prêter plus d’intérêt. D’ailleurs elle se jure de ne plus faire attention à rien dorénavant. Elle passe au salon pour y prendre une cigarette. Ciao est assis près de son maître, il bouge la queue et… lui, caresse le chien! Elle écarquille les yeux. Il se tourne vers elle : «Bonjour ma chérie, dit-il d’une voix très faible, pardonne-moi pour hier soir. J’ai un mal de crâne affreux. Je vais devenir fou. Amène-moi aux urgences. » Elle s’affole et, comme si elle avait tout oublié de sa rancoeur, roule le fauteuil vers l’entrée, approche la voiture, ouvre le coffre et l’y embarque. Elle sombre comme toujours dans la compassion oubliant sa rage et sa détermination d’en finir et fonce jusqu’au premier hôpital. En route elle suppose qu’elle l’a raté, qu’elle aurait dû vérifier avant de partir si elle trouvait la balle quelque part dans le salon. Mais où est le pistolet ? Il aura glissé sur le tapis ? Lui comme à son habitude se plaint, il geint puis sombre dans le coma.

Aux urgences l’infirmière vient l’avertir qu’on a trouvé une balle de pistolet derrière l’oreille droite de son mari, fichée dans les os du crâne. Mon Dieu, elle aurait dû vérifier ! La peur qui l’avait pétrifiée soudain lui donne de l’élan : elle quitte la salle d’attente et court pour oublier qu’ils se sont malaimés, elle s’enfuit pour échapper au sort qui s’est acharné à lui ravir sa liberté. Elle fuit mais la police la rattrape et son injuste destin avec.

Texte protégé par copyright France

Nouvelle inspirée d'un fait divers :

 I ; Florida man shot in head, complains of headache

Posted Thu 28 Jun 2007, 11:33am AEST

MAP: United States

A Florida man woke up with a severe headache and asked his wife to drive him to a hospital, where doctors found a bullet lodged behind his right ear.

"The nurse looked at him and said, 'It appears that you've been shot,'" the Fort Pierce Tribune quoted St Lucie County Sheriff Ken Mascara as saying.

"And he said, 'No way.'"

The man's wife, April Moylan, fled the emergency room when the bullet was discovered but later told deputies she had accidentally shot her husband as he slept early on Tuesday.

She was jailed on a weapons violation charge while deputies pursued additional charges.

The husband, 45-year-old Michael Moylan, woke up with a head pain so severe he suspected he was having an aneurism and asked his wife to take him to the emergency room.

Police arrested the wife after obtaining a search warrant and finding a gun and bloody rags in the couple's home near the Atlantic coastal town of Port St Lucie.

The husband is in hospital in stable condition.

  • Si le Destin était juste, ça se saurait! Triste histoire bellement narrée! Merci!

    · Il y a presque 11 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Oui, parfois on en prend réellement conscience. Sommes-nous toujours armé pour affronter le destin? Voyez le mépris ma dernière nouvelle. A critiquer sans modération! Je vais vous lire de ce pas.

      · Il y a presque 11 ans ·
      P%c3%a9roquets %c3%a9quateur yasuni parc

      chrisalexandra

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