Maya
Claudine Lehot
Maya
La neige a fondu, les ruisseaux et rivières parcourent les montagnes, s'entrelacent, se rejoignent pour former de magnifiques cascades et des lacs. Les immenses forêts abritent les animaux sauvages qui semblent protégés par la chaîne des Carpates Roumaine. Pourtant !
Le soleil décline, la lumière s'infiltre à travers le feuillage camouflant l'entrée de la tanière. Maman ourse avec une infinie tendresse, écarte ses petits, nichés dans son épaisse fourrure. Maya et Babou gémissent, poussent de petits cris aigus, titubent puis se serrent l'un contre l'autre, se reniflent, se rassurent. Ils sont si minuscules face à une mère énorme qui redouble de délicatesse et d'amour pour les protéger. Voilà déjà quatre mois qu'ils vivent dans l'obscurité de la grotte, à téter, à dormir, à être caressés ... Comme ils sont adorables !
Les oursons ne tiennent plus en place, le temps est venu pour eux de découvrir leur forêt regorgeant de trésors. Maman ours les autorise enfin à la suivre un peu plus chaque jour. Maya et Babou sautillent de joie, reniflent, fouinent, débordent de curiosité, plongent dans une rivière, un plaisir extrême pour eux. Maman ourse, dotée d'une vigilance extraordinaire, les rappelle à l'ordre dès qu'ils s'éloignent un peu trop. Les règles sont strictes, il est interdit de marcher devant elle.
Maya et Bouba savourent cette nature luxuriante, tellement riche de bonne nourriture qu'ils s'épanouissent un peu plus chaque jour. Maman ourse, de ses longues griffes, gratte le sol à la recherche de racines, d'insectes, un vrai festin ! Ses petits l'imitent, apprennent à se nourrir seuls. Maman ourse flâne à droite, à gauche avec une démarche nonchalante, frétille de joie, embrasse un chêne majestueux, se frotte tout contre lui comme pour nettoyer sa magnifique fourrure.
Les petits ont à présent cinq mois. La nature se colore de fleurs. Maman ourse avance avec agilité dans l'eau jusqu'au bord de la cascade, attrape une truite, l'engloutit rapidement et se presse de rejoindre ses petits, si intrépides, fragiles, inconscients des dangers potentiels. Leur éducation n'est pas de tout repos. Parfois, des coups de pattes s'imposent, c'est une question de survie.
Des hommes munis de lampes torches, s'approchent. Elle se lève sur ses pattes arrières pour montrer sa puissance, ses deux mètres de hauteur, grogne, fonce vers eux, les éloigne de ses petits. Le danger passé, elle les fait vite rentrer de force dans la tanière.
Maman ourse et ses petits jouissent de leur vie d'animal sauvage en toute liberté. Ainsi va la vie !
Une bonne odeur de miel guide les pas de maman ourse vers un arbre. Elle flaire, se redresse, s'appuie contre le tronc, soudain elle hurle de tout son être, de douleur, de terreur puis s'écroule. Des chasseurs s'approchent de son corps, la traînent jusqu'à leur voiture. Maya et Babou paniquent, la suivent instinctivement, se rapprochent, s'agrippent à la fourrure de leur mère ensanglantée, en grognant, complètements horrifiés . Les chasseurs les embarquent et démarrent, heureux de leur massacre, tout cela pour de l'argent !
Des voix se font entendre, Maya est affolée, cherche Babou en vain, panique, et sa maman. Qu'est-ce qui se passe ? Mais pourquoi ? Elle est si petite, juste un bébé ourse de cinq mois ? L'incompréhension est à son apogée, l'effroi se reflète dans ses yeux noirs. Elle s'agite, Le sol en béton lui brûle les pattes par cette chaleur. Ses grognements font rire un homme et une femme, plantés là, à la regarder, à parler de sa capture, d'argent. Un flash d'appareil photo, l'aveugle un instant, Maya se met en boule sur elle même. Un seau d'eau est posé dans un coin de la cage. Quelqu'un lui balance des déchets de nourriture. La nuit tombe sur sa détresse, les lumières de l'hôtel s'allument, éclairant les fleurs du jardin qui entourent la cage. Un peu plus loin, le château de Bran, entouré d'arbres, semble être le maître des lieux.
Maya est prisonnière dans cette cage mortifère, coincée entre les barreaux et la cruauté de ses tortionnaires. Elle est là telle une attraction touristique, juste pour amuser les clients de l'hôtel, juste parce qu'elle est un animal sauvage. Maya attend un peu de nourriture selon le bon vouloir des gens du restaurant.
Les interminables journées défilent, les mois, les années... Maya, oubliée de tous, arrachée à sa vie, tourne dans cette cage immonde, encore et encore. Elle secoue les barreaux métalliques, tente de les scier avec ses canines, souffre, s'affaiblit, s'affaisse. Elle n'en peut plus, ne sait pas, ne comprend rien. Prostrée au sol, elle est dépossédée de sa vie sauvage.
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Une voix de femme se fait entendre. Maya, après un effort colossal, parvient à lever la tête. Cristina capte son regard au plus profond de ses yeux, reflétant une infinie mélancolie, une détresse incommensurable. Cristina est submergée d'émotions, choquée puis habitée d'une rage sans borne contre les bourreaux de Maya.
Enfin un peu d'espoir pour Maya, séquestrée depuis six ans ! ...
Chaque jour, chaque saison, Cristina et son mari Rogers parcourent cent kilomètres pour nourrir Maya. Au fil du temps, Maya reprend des forces, retrouve un peu le moral, espère puis désespère.
La voiture approche, Maya en reconnait le bruit puis se lève pour recevoir ses hôtes. Elle déguste de la bonne nourriture. Cristina et Rogers lui tiennent compagnie, lui installent un pneu accroché à une chaîne pour qu'elle puisse jouer un peu.
Cristina parle à Maya - un jour, tu seras libre de courir à travers les bois, sois patiente ...
Le temps n'a plus de sens pour Maya, un an, deux ans, trois ans, quatre ans et elle est toujours dans cette cage. La forêt est si proche mais tellement loin dans son cœur meurtri. Maya déprime, perd la foi dans les promesses des êtres humains.
Maya n'a plus envie de vivre, elle se mange la patte droite presque jusqu'à l'os, le sang s'étale au fond de la cage, puis l'autre patte. Cristina horrifiée, fait appel à des vétérinaires. Maya se réveille d'une opération, Cristina la console, lui parle, caresse son doux pelage. Maya est triste, ne veut plus lutter, elle veut en finir avec toute cette souffrance. Elle regarde une dernière fois Cristina et meurt dans ses bras.
Cristina fond en larmes et s'adresse à Rogers - Elle nous a enseigné toute la valeur de l'âme et la gratitude d'un animal innocent.
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Cette histoire est vraie. Maya nous a quittés le 11 mars 2002, elle avait 10 ans, Babou a été vendu également par les chasseurs, Cristina l'a cherché en vain. Cristina a créé le sanctuaire qu'elle lui avait promis, et veut s'assurer qu'aucun ours ne passera par les épreuves qu'elle a subies.
Le Sanctuaire "Liberty" est dédié à Maya. Cristina et Rogers continuent leur combat avec plein d'humanité, de ténacité pour sauver les ours. Cristina parcourt les écoles, convaincue que les enfants pourront faire avancer les choses.
90 ours vivent dans le sanctuaire Liberty grâce à la souffrance de Maya... Je vous invite à vous rendre sur le site...
http://www.ampbears.ro/fr
Claudine Lehot
C'est vrai astrov, les animaux souffrent toujours même si il y a une prise de conscience pour certaines personnes... Merci !
· Il y a plus de 5 ans ·Claudine Lehot
Très dur. Depuis quelques années, amélioration ? Interdiction des animaux de cirque... Mais la mode des Nouveaux Animaux de Compagnie se développe...
· Il y a plus de 5 ans ·astrov
photos de Maya : http://www.ampbears.ro/fr/adopter-un-ours/maya
· Il y a plus de 8 ans ·Claudine Lehot