Me Passer De Toi (part 3)

En miettes.

               Je suis en miettes, éparpillée sur le sol, liquéfiée…

Je descendrai bien une bouteille de Tequila, là tout de suite…

Je baisse les yeux, je regarde mon ventre…

Je ne boirai pas de Tequila…

               A quoi je m'attendais au juste ? Je pensais naïvement qu'il me tomberait dans les bras ? J'espérais qu'il me dise que chaque jour il regrettait d'être parti, que chaque jour il pensait à moi, qu'il n'en dormait plus tellement … tellement, rien du tout…

               Il a effacé toutes ces années d'un trait, sans émotion, sans sourciller, il m'a rayé de la carte en un instant. Je lui en veux, il a l'air si bien dans sa nouvelle vie, épanoui comme jamais il ne l'a été avec moi. Je me sens si seule, tellement insignifiante… J'aimerais disparaître, me fondre dans le goudron de ce trottoir, comme ça il pourrait continuer de me marcher dessus tranquillement, avec son sourire et son bonheur…

               J'ai l'image de cette fille qui repasse dans ma tête au ralenti, comme dans un film, ça repasse en boucle encore et encore… je les vois monter dans ce taxi et disparaître ensemble… Je revois son regard se troubler en me découvrant, putain, 7 ans ensemble et il me fait un petit signe de la main pour me dire « je t'appelle ». Mais pour qui il se prend ?

               Même sans être une grande mathématicienne, le ventre arrondi de cette fille ne laisse aucun doute, il était avec elle quand il était encore avec moi. Voilà, tout est dit.

               J'ai envie de retrouver mon canap', mon chez moi rassurant, j'ai hais cette ville, je hais le monde entier… Il est tard, je tiens à peine debout, je reprends le métro pour rentrer à mon hôtel, je rentrais chez moi dès demain. Je n'attends plus rien. Je ne veux plus rien de lui.

Ses explications ? Ce que j'ai vu m'a suffi, non, vraiment, plus serez difficile à intégrer je crois.

               23H30 SMS d'Arthur : « tu ne sais pas à quel point je suis désolé, vraiment, il faut qu'on se parle. Demain matin ? Vers 10H00 ? Dit moi où, je te rejoindrai. »

               23H35 « Je repars demain, les réponses que je suis venu chercher ici m'ont sauté aux yeux tout à l'heure, je crois que nous n'avons plus rien à nous dire en fait. »

               23H37 Lui « Je peux venir ce soir, il faut qu'on s'explique, stp »

               23H40 « Barcelona Dream Hostel, chambre 24 ».

               23H41 Lui «J'arrive».

               23h42 Moi, je tachycarde.

               J'ai conscience d'être dans le “money time” où tout peut basculer… J'ai toujours un minuscule espoir, mais en même temps, tout le monde a compris que les dés sont déjà jetés et depuis longtemps… J'aimerais me montrer en distance avec toute cette histoire, devant lui, jouer le détachement pour garder un minimum de dignité… Je suis allongée sur le lit, comme quelqu'un qui n'attend plus rien sauf la fin… Les minutes me semblent des heures…

               00H04 Il frappe.

Sur le lit, j'ai déposé la petite boite cartonnée, fermée par un ruban doré.

Je lui ouvre, les mots ne me viennent pas.

Je me rassois sur le lit, il me regarde, il a les larmes au bord des yeux…

« -Je suis désolé, je ne savais pas, je croyais que nous n'y arriverions pas, je n'y croyais plus. J'ai été lâche, c'était plus facile de partir comme ça que de continuer, cette situation te rendait malheureuse, plus rien d'autre ne comptait pour toi, même pas moi. Je voyais la déception dans tes yeux, à chaque tentative. Je te voyais t'effondrer après, j'étais là, je ne servais à rien. »

Il s'assoit sur le lit à côté de moi.

« - Dis quelque chose, s'il te plait.

-Tu es papa ? »

Je ne peux soutenir son regard, rien qu'en regardant ses yeux, je sais depuis toujours ce qu'il pense. Là je ne peux pas affronter ça, voir le bonheur qu'il va essayer de me cacher en me répondant, je ne préfère pas. Il hésite avant de me répondre, ce silence est insupportable.

« - Tu es papa ou pas ? Dis-moi. »

Mes yeux s'embuent. Non, il faut tenir, je ne veux pas me montrer faible.

« - Oui, depuis 3 heures environ. »

Je lui tends la boite cartonnée au ruban doré, il l'ouvre, à l'intérieur, une paire de petits chaussons de bébé.

                               L'histoire est terminée.