Méfiance

Anaïs L.

Il existe un monde dans lequel nous pensons pouvoir accéder aux grandes étendues paradisiaques, sans contrainte, sans sévices, et sans égaler quelconque méprise. Mais ce monde se révèle tellement vaste qu’il devient inaccessible. Courir, découvrir, apprendre, rencontrer. Nous passons notre vie à fuir la solitude et à vouloir tout concilier. L’indécision vient alors se présenter à nos choix et la fatigue nous rattrape pour nous annoncer le début de notre solitude. Il y avait un tout, devenu un rien.

La beauté de nos traits qui s’esclaffaient nous donnait l’impression d’avoir tant donné pour sentir le soleil balayer nos visages. Il suffisait en réalité d’un brin de folie naturelle pour réussir à s’émerveiller devant la sensibilité océane. Te rappelles-tu des champs d’été ? Aucune question d’avenir ne se posait, la peur avait disparu. Il suffisait de te voir briller sous le soleil pour réaliser l’importance de l’autre, et pour ne rien réaliser à la fois. En vérité, je ne me rappelle que du son de ta voix… Ton visage m’est indifférent à présent. Ma vision se trouble, je ne distingue plus les couleurs.

Maintenant je dance avec ma voix cassée, aucun docteur ne peut la réparer.

J’avais vu monts et merveilles mais l’abstraction nous rattrapa. T’y attendais-tu ? J’y pensais un peu plus, chaque jour. Je ne voulais pas réellement y faire face, mais l’hiver s’annonça rude. Un quelconque effort se gâche en se mêlant à une colère humaine dévastatrice. Suis-je seule ? J’ai comme l’impression que toi, tu es enlacé. Quel effet cela te produit ? Ta frustration est-elle assouvie ? J’ai tant souhaité ton silence après ta chute…

Maintenant je dance avec ma voix cassée, aucun docteur ne peut la réparer.

La parole certes console, mais la trahison détruit. Sais-tu combien d’années cela prend-il pour tout rétablir ? Je ne comprends toujours pas ton manque d’honnêteté. Il suffisait pourtant de briser le plaisir fantaisiste pour bâtir ce qu’on appelle la réalité. Ton ignominie est telle que tu as préféré enfoncer tes ongles pointus dans ce prude sentiment. Je n’ai jamais voulu que tu te souviennes de mon nom. Tu t’amuses, je crois bien.

Maintenant je dance avec ma voix cassée, aucun docteur ne peut la réparer.

Lointain horizon, ma vision se trouble.

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