Mélodie désarmée

kelen

Elle est musicienne dans un monde devenu muet

Elle mime les mots qui s'emmurent dans nos gorges

Quand s'engorgent tant de maux si amers à aimer

Elle étale sa partition triste au goût du blé et de l'orge

Quand nos songes s'envolent dans l'apparté de l'été

Elle est si belle notre Liberté !

Elle gonfle sa poitrine d'air,

Dernier souffle sur cette terre

Elle expire comme on expie ses péchés,

Sans s'empêcher d'étrangler des regrets

Elle enchaîne note sur croches,

Et annote sur la partition

Les perditions de nos proches

Et quelques soupirs de passion

Elle est si belle notre Liberté !

Elle est musicienne dans un monde devenu muet

Se muant entre les lettres de nos onomatopées

Elle joue et jongle dans un monde acide

Cédant aux muses des artistes apatrides

Elle griffonne la cigüe sur nos portées

Mettant à mort la musique de la cécité

Elle a le hoquet, son diaphragme se tend

Alors que sa plume marque le temps

Elle est si belle notre Liberté !

Attentat musical, la clé de sol se glace

Quand la portée toute entière se casse

Dos à dos Rémi et Scylla se fracassent

L'enfant seul laissant au monstre sa place

Pourtant la musicienne l'aime bien cet enfant

C'est même pour lui que sa main se tend

Elle attend désespéremment le compositeur

Qui saura manier les notes de sa peur

Pour qu'il puisse retrouver sa place sur la portée

Et qu'il se remette enfin à jouer

Elle est si belle notre Liberté !

Parfois tu entends un de ces airs

Qui transperce le coeur de la terre

Petite musicienne qui fuit ceux qui la traquent

Et qui cherche de l'air dans ses stigmates

Parfois elle entend ceux qui la cherchent

Et qui doutent de son existence

Car à force de baisser la tête, de ne plus faire la fête

Sa mélodie perd son essence

Elle fond entre les marches funèbres

Et se pend aux croches comme à un cèdre

Elle disparaît derrières les portes, derrière les murs

Ne laissant au commun des mortels que des césures

Que reste -t-il de notre si belle Liberté?

Peut être que des noires et des blanches fêlées

Que reste-t-il de notre si belle Liberté?

Des morceaux entiers qu'il suffirait de rejouer

Car elle est toujours là la belle musicienne...

Elle cherche à retrouver son âme

Pour que nos libertés fassent s'envoler les peines

Grâce à des mélomanes...

Liberté a pourtant eu mal quand sa soeur s'est fait butée

Quand Fraternité s'est fait jetée dans la Seine

Mais les pourfendeurs de la haine

Savent-ils qu'ils ont aussi poignardé Liberté?

Et qu'il ne reste ici que des poèmes

Des ôdes à notre si belle musicienne de la Paix

La belle Liberté s'est alors jetée dans les bras de sa soeur ainée

Mais Egalité n'a pu que lui rendre qu'un sourire nécrosé

Ce jour là, la belle musicienne a perdu ses ailes sans même jouer

Mais non jamais, c'est certain, Liberté ne cessera d'exister

C'est le dernier combat pour les trois soeurs en somme

Quitte à assommer ceux qui veulent les ligoter

Car tant qu'il y aura des fers sur les poignets des Hommes

Des poings pour elles finiront par se lever.

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